3.4- Aspects organisationnels et politico-administratifs

« La légitimité de la coopération n’est plus à construire ; c’est son organisation qu’il faut désormais préciser, en définissant les responsabilités des différents partenaires, les niveaux d’intervention souhaitables, les moyens dont elle doit bénéficier. » 121 Pour tout projet de partenariat, le besoin le plus évident est de déterminer les responsabilités de chacun et de réfléchir à une organisation fonctionnelle. En effet, une telle réflexion est indispensable pour harmoniser toutes les prises de décisions. Elle doit être concrétisée par une convention signée par tous les partenaires. Il s’agit d’un contrat dans lequel chacune des parties se reconnaît et qu’elle s’engage à respecter. La coopération se développe, ainsi, à partir des négociations visant la production de règles mutuellement admises.

En outre, la coopération peut être d’une certaine façon « une dilution des responsabilités. » 122 Elle engendre une nouvelle articulation des activités et des tâches. Elle peut modifier l’organigramme de chaque bibliothèque membre. Certains postes peuvent disparaîtrent comme d’autres peuvent naîtrent. La notion de poste de travail et celle de qualification se trouvent alors bouleversées. La faculté de développer une culture d’adaptation et d’apprentissage est ainsi exigée.

De plus, dans cette nouvelle organisation du travail, l'individu devient à la fois dépendant et autonome. Il doit partager son savoir avec le collectif. La performance est ainsi assurée par l’accroissement des apprentissages qui dépend du savoir de chacun et du système de relation qui vient en conditionner le contenu et le déroulement. L’action de chaque partenaire dépend de son propre apprentissage et de celui des autres. Les activités de la bibliothèque sont donc structurées autour d’une gestion qui implique un partage des savoirs communs entre groupes et individus. Travailler ensemble signifie une complémentarité fonctionnelle et par conséquent une « compétence collective ». Il faut, ainsi, accepter de céder le pouvoir, de perdre le monopole et de morceler les fonds. Il ne faut pas que les bibliothécaires se sentent propriétaires de l’information. Leur attachement ancestral à leur collection peut constituer un frein au travail coopératif et en particulier en réseau 123

En outre, la coopération ou le fonctionnement en réseau implique, pour des raisons d’efficacité, un rôle de coordination et impose un certain degré de mobilisation, comme c'est le cas pour l’animation des réunions qui demande un travail non négligeable de comptes rendus qui n’est pas facile à partager, etc.

S’y ajoutent plusieurs problèmes de travail quotidien d’ordres technico-administratifs qui apparaissent avec le fonctionnement en réseau. On cite à titre d'exemple le problème de sauvegarde à des heures non-ouvrables, la mise à jour des bases de données, les heures de disponibilité du système, etc. Il faut se mettre d’accord sur les différentes procédures et méthodes d’exécution, sur les outils de contrôle et de suivi (statistiques et autres outils d’évaluation), etc.

La performance est aujourd'hui au niveau non seulement productif mais aussi organisationnel au sens où elle renvoie directement à la pertinence des règles de coordination et à la qualité des interactions.

Par ailleurs, la sélectivité des partenaires apparaît dans la littérature comme un élément organisationnel fondamental pour la viabilité de la coopération. Dès lors, « rien ne sert de jumeler deux organismes moribonds » affirme Richard Greene, (1995). Le projet de partenariat qui a une meilleure chance de survie et le plus fonctionnel est, ainsi, celui dans lequel les partenaires sont de taille identique et s’enrichissent mutuellement. Les candidats sont alors ceux qui sont susceptibles de contribuer à la production de valeur ajoutée et de bénéficier de ses retombées positives. 124 Nombreux sont les auteurs qui affirment qu’un réseau doit favoriser l'intégration des compétences et que celui qui ne joue pas le jeu doit être expulsé. Le réseau ne pourra pas réellement avancer tant qu’il existera des partenaires qui souffrent d’un certain nombre de difficultés. Cependant, certains auteurs rappellent que le but des politiques de coopération est de réunir des bibliothèques de taille différentes pour en faire jouer la complémentarité et la solidarité. Ainsi, toute bibliothèque ayant une certaine importance a un devoir de coopération avec les plus petites qu’elle. Comme le signale Michel Melot (1995) « ce qui est dangereux dans le réseau, ce n'est pas ce qu'il rassemble, mais ce qu'il exclut. » 125 Il faut réfléchir à l’avenir des centres documentaires défavorisés, exclus de cette adhésion.

Notes
121.

Association des Bibliothécaires Français . – Actes des perspectives pour la coopération : Orléons 3-4 juin 1991 .- Paris : (S.E), 1991, p64

122.

Jean Michel .- Les réseaux : mythes et réalités .- in : Les réseaux s’informer et informer ensemble, colloque organisé par l’ABDS le 27 avril 1993, p3

123.

Pascal Issartel,Eric Pichon .- "Bibliothèques et réseaux".- In : Archimag, n°85, 1995, p21

124.

Albert Bressand, Catherine Distler .- La planète relationnelle .- Paris, Flammarion 1995, p202

125.

Michel Melot .- Synthèse des travaux du congrès .- Bul. d'inf. de l'ABF ,n°168, 1995, p54.