3- La complexité d’une gestion collective : multiplicité d’acteurs et diversité des objectifs :

Le développement et la durabilité de tout projet de partenariat passe nécessairement par l’adoption de règles et de formalités de fonctionnement communes et, bien évidemment, par l’acceptation et la conformité à ces nouvelles normes de fonctionnement et d’organisation. Ces exigences sont parfois difficiles à appliquer par l’ensemble des partenaires. Chacun tient à garder ses habitudes de fonctionnement. Le problème se pose même parfois entre la bibliothèque centrale et ses annexes. « Je trouve qu’on a ce défaut là ; chaque site fait un petit peu ce qu’il veut. » V94

C’est pourquoi, certains responsables de bibliothèques préfèrent travailler seuls. La complexité d’une gestion collective les laisse assez craintifs quand à la possibilité d’étendre le plus largement possible leurs activités.

‘« C’est plus difficile de travailler à plusieurs que de travailler tout seul. La coopération dépend des états d’esprit de chacun, ses attentions, etc. C’est très fatigant, ça demande beaucoup d’énergie... » T10’ ‘« Si on était une petite commune de 2000 ou de 3 000 habitants, qui n’a pas les moyens, qui ne peut pas tout se permettre, là, je comprendrais ; mais ce n’est pas notre cas, à partir du moment où on peut s’équiper et fonctionner indépendamment…ce n’est pas mal…c’est même préférable…c’est quand même plus facile à gérer que quand il y a plusieurs communes qui gèrent la même chose. On ne peut pas forcément avancer rapidement dans les décisions. » V94’

Nous citons à titre d’exemple le cas mentionné par l’un de nos interlocuteurs adhérent à un réseau bibliographique. Il constate que même lors d’un fonctionnement dans le cadre d’un réseau « institutionnalisé », de nombreuses dérives existent et parfois même un dysfonctionnement mettant en péril la continuité d’une telle coopération.

‘« Au niveau fonctionnel, c’est difficile de parler de réseau. On a un règlement commun sur quelques points qui concernent les modalités d’inscription, le nombre maximal des documents empruntables sur l’ensemble du réseau, etc. … il y a un an, on a essayé de tout mettre à plat pour voir ce qu’on a en commun par rapport aux règles initiales et toutes les dérives qui s’étaient produites. Le résultat de cette enquête était affolant ; ici on prolonge deux fois, ailleurs 5 fois, etc. Honnêtement, ça ne pouvait pas continuer comme ça. » P95’

De plus, la raison de la complexité d’une gestion collective ne réside pas seulement dans la présence d’une multiplicité d’acteurs mais, aussi, dans la divergence entre leurs objectifs et leurs orientations. En effet, même si le projet de coopération regroupe des bibliothèques de même type, à savoir des BM et même si ces dernières détiennent des fonds encyclopédiques et offrent un service diversifié qui correspond à un public varié, les missions et les orientations varient d’une bibliothèque à une autre et, par conséquent, ce qui convient à une BM ne convient pas nécessairement aux objectifs et aux besoins d’une autre BM ou d’autres bibliothèques partenaires. Dès lors, l’adhésion dans un projet de coopération influence nécessairement la nature de l’offre.

‘« La coopération n’est pas facile à mettre en œuvre. On a tous des particularités même si on est tous des BM et que nous sommes gérées presque toutes de la même manière. Les règles de fonctionnement sont les mêmes. Cela dit, les villes peuvent avoir des orientations qui ne sont pas les mêmes…donc ce n’est pas aussi simple que ça. Aussi, il y a la distance, les petites manies auxquelles on ne veut pas renoncer. La coopération ce n’est pas une chose qui va de soi. » A74’ ‘« L’association de ‘Textos à dire’ créée il y a deux ans avec d’autres bibliothèques pour la création de ce qu’on appelle la lecture spectacle ; le principe est qu’une ville crée une lecture avec un comédien et elle l’échange avec les autres bibliothèques qui produisent. Mais, le problème c’est qu’il est difficile quelquefois de supporter le choix des autres villes. Parfois, il y a des lectures dont on ne sent pas la pertinence dans sa propre ville. » V69’

Certains responsables focalisent une grande partie de leur budget d’acquisition pour la constitution d’un fonds orienté vers la lecture jeunesse ou la lecture petite enfance, d’autres sont plus orientés pour l’enrichissement d’un fonds social ou de loisirs ou de littérature moderne, etc. Au niveau des responsables des bibliothèques, on parle des lectures publiques et non plus de lecture publique.

C’est pourquoi l’assujettissement et la supervision de la même tutelle et par conséquent, avoir les mêmes objectifs généraux que ses partenaires, facilitent énormément et obligent, parfois, à l’élaboration de projets communs. Parfois, il est même difficile de travailler avec les autres services culturels administrés par la même tutelle et ayant pourtant les mêmes objectifs généraux.

‘« Je pense que le tout forme une énergie qui pourrait être développée…mais on ne travaille pas assez ensemble, avec les autres services culturels. Chacun à des objectifs qui lui sont particuliers. Cela dit on a un public qui est commun. » A92’