4.3- La coopération entre l’associatif et l’informatique

Après avoir déterminé le niveau de coopération propagé au sein des villes moyennes, il nous est apparu intéressant d’identifier les différentes formes de coopération. S’agit-il d’une forme de coopération formelle, informatique, etc. Quels sont les raisons amenant à ces choix ? A travers le tableau suivant, résultant de notre enquête par questionnaire, il apparaît que 93,6% de nos enquêtés ont opté pour un fonctionnement en réseau.

Tableau n°28 La participation des bibliothèques en un ou à des réseaux
  Nb. cit. Fréq.
Oui 1103 93,6%
Non 7 6,4%
TOTAL OBS. 110 100%

Cependant, être en réseau n’a pas signifié pour nos enquêtés, être sous forme de réseau informatique. Ce dernier prend plusieurs formes. Certains exposent leurs projets en cours comme un portail Web en commun avec certains acteurs locaux ou avec des bibliothèques de département. D’autres parlent d’un regroupement de différentes bibliothèques voisines pour des plans de conservation partagée des périodiques, certains autres évoquent leurs adhésions au CCF pour la rétroconversion des fonds anciens ou leur adhésion au réseau national du PEB, etc. Les éléments de réponses recueillies au moment des entretiens ont confirmé que les réseaux bibliographiques institutionnalisés, regroupant des bibliothèques de communes différentes, ne sont pas assez courantes. Selon AM Bertrand (2002), les catalogues collectifs semblent avoir, au niveau national, une existence encore embryonnaire. En 1998, 79 BM seulement participent à des catalogues collectifs nationaux ou régionaux.

La coopération en réseau nécessite une infrastructure assurant le transfert et l’échange des données que beaucoup ne peuvent acquérir, un ensemble de règles normalisant le partage et définissant les droits et les devoirs de chacun, ce qui est jugé accablant pour certains, un système de relation reliant les différents professionnels ayant des valeurs divergentes, etc. Le passage d’une bibliothèque, de l’autarcie au réseau, représente, dès lors, un changement et parfois des sacrifices. C’est pourquoi, les réseaux inter-bibliothèques ne sont pas développés dans les villes moyennes.

De plus, avec l’apparition du réseau Internet et de la norme documentaire Z39.50, les contraintes d’une uniformité infrastructurelle sont ainsi dépassées et l’intérêt des responsables des bibliothèques pour le regroupement autour d’une base bibliographique commune s’est énormément affaiblie. Certains se posent la question de savoir s’il est toujours raisonnable d’avoir un catalogue collectif commun. D’autres ont déjà tranché et une telle coopération est aujourd’hui dépassée et n’a pour eux plus de sens. Elle se justifie moins. L’usager peut avoir accès aux fonds des différentes bibliothèques sans que celles-ci possèdent le même système informatique ou les mêmes normes documentaires et sans qu’elles ne se regroupent non plus pour l’élaboration d’un catalogue collectif commun.

‘« Je suis tout à fait pour l’échange, mais, se mettre à constituer un réservoir bibliographique commun…je ne crois pas que c’est une bonne solution. Je ne vois pas du tout l’intérêt ici. Je ne vois pas qu’est ce que ça m’apporterait de plus. Par contre l’idée d’un portail commun qui va mettre à la disposition des gens la possibilité d’accéder simultanément aux fonds des différentes bibliothèques, ça oui. …c’est la forme de coopération la plus adoptée actuellement. » [A74, P86]’

L’avenir des simples réseaux bibliographiques, le regroupement des bibliothèques, uniquement autour d’une base bibliographique sans autre possibilité, est à repenser face aux nouvelles données et possibilités de la technologie d’information. Mais, actuellement elle ne peut avoir de sens et d’utilité que si elle se spécialise dans des domaines particuliers.

‘« Je crois à la coopération quand il y a des intérêts communs et autour d’une base bibliographique spécialisée, sur des domaines ciblés. Pour le catalogue général, une fois qu’il est sur Internet je ne vois pas pourquoi on coopère à ce niveau. » V78 ’

De plus, les responsables de bibliothèques préconisent qu’en mettant en balance l’avantage d’avoir une base bibliographique commune avec les coûts et les contraintes qu’elle induit, le rapport coût-avantages n’est pas favorable, alors, à ce projet.

En outre, Internet représente la solution pour les bibliothèques, isolées pour des raisons politiques ou autres ainsi que pour les petites bibliothèques.

Par ailleurs, la coopération a toujours constitué une dimension intrinsèque et fondatrice de la profession. Mais, au-delà du contexte fraternel, du travail associatif, peu de réalisations effectivement menées en partenariat dans le cadre d’un réseau formel sont institutionnalisées. La coopération informelle, sous forme de rencontres, de discussions et d’échanges autour des animations, des plans de conservation, demeure pour une majorité de nos interlocuteurs, la forme de coopération la plus adéquate.

‘« La coopération, dans le sens où on achète en commun une exposition pour se la passer, ou faire venir ensemble un intervenant pour partager les frais, est la forme de coopération la plus adéquate à une ville comme la notre… c’est ce qui marche le mieux en général et une association me paraît une bonne formule… ça marche dans toutes les régions. » [V69, V59, A61]’

Ce travail associatif existe depuis longtemps pour certaines bibliothèques et il est récent pour d’autres. Il fonctionne à la perfection pour les unes et est déficient pour les autres. Cependant, et d’une manière générale, l’absence d’institutionnalisation les laisse plus fragiles. De nombreux projets de coopération dans le cadre d’une association sont restés inachevés. Ceci peut être expliqué par le fait qu’un tel mode de fonctionnement repose essentiellement sur la bonne volonté, sur le bénévolat et le dynamisme des différents personnels des bibliothèques partenaires. Aucune obligation ne pèse sur eux pour les amener à travailler ensemble. De ce fait, le volontarisme des professionnels et leur désir d’échanger, représentent le pilier même de la réussite de ce type et de tous types de coopération. En effet une telle procédure de gestion ne se décrète pas d’en haut.

‘« L’initiative, il faut qu’elle soit professionnelle et pas un principe, parce que si c’était le cas elle va rester à l’état de principe. » B18’ ‘« L’adhésion à un réseau a besoin d’une volonté des bibliothécaires. Elle se fait plus dans ce sens que dans l’informatique. Ce que je crois c’est qu’il faut avoir la volonté de coopérer. » V69’

D’ailleurs, certains de nos interlocuteurs ont eu tendance à négliger le côté infrastructure, dans le sens matériel et technique, au profit des questions principalement relationnelles.

‘« Je crois qu’un réseau informatique fonctionne quand il y a un réseau humain derrière. » B34’

En plus de la motivation et de l’enthousiasme du personnel, la bonne entente entre les différents partenaires représente, aussi, un pilier de la réussite de la coopération , ce qui nous confirment nos interlocuteurs aussi bien professionnels que politiques. Ces derniers ont exprimé qu’« un projet de coopération entre un équipement et un autre ne peut fonctionner que si ces personnes s’entendent bien, quelque soit l’intérêt de l’opération. »

En outre, le côté humain et relationnel, dans le sens de la volonté et de l’entente, représente la grosse faille pour maints projets de coopération. Certains de nos interlocuteurs se retrouvent en conflit avec leurs collègues des bibliothèques voisines, d’autres vivent des relations tendues au sein de la même bibliothèque ou avec les bibliothèques des quartiers. De plus, l’aspect humain, dans le sens compétence et nombre et par conséquent disponibilité, a aussi causé la non-réalisation de maints projets de coopération. En effet, la disponibilité d’un personnel qualifié, motivé et suffisant demeure la première condition de réussite de tout projet de partenariat.

‘« On peut être volontariste et c’est bien l’humain qui permet ce volontarisme mais l’humain a ses défaillances. J’ai eu tous les lundi des réunions au niveau régional, c’est à dire que je n’avais que le dimanche pour repos. » B18’