1- La sous-traitance et les bibliothèques

1.1- Apparition et emergence

Il semble que l’idée d’avoir recours à l’extérieur, afin d’accomplir des tâches censées être exécutées en interne, dans le domaine de l’information et particulièrement dans le domaine des bibliothèques, n’apparaît réellement, à travers la littérature, que dans les années 90, malgré que la sous-traitance des processus informationnels ne constituait pas, alors, une pratique nouvelle. Elle remonte au 19ème siècle. « Clearly, libraries have been turning to contractors outside their organizations for services for 150 years. » 131 Dans la littérature francophone, la réflexion autour de l’internalisation ou de la sous-traitance des services d’information est, encore, jusqu’ici peu traitée.

En se référant à la littérature anglophone, la sous-traitance au sein des bibliothèques a débuté à l’université de Yale aux Etats-Unis en 1847 avec l’initiative de William F. Poole. Il a préparé un index alphabétique des sujets traités dans les périodiques de son université. Cet index a été publié en 1848 par G. P. Putnam. Il a rapidement été vendu, vu l’incapacité de beaucoup des bibliothèques de créer leurs propres index. Elles s’appuyaient sur les index d’éditeurs, dont une minorité les publiait de façon régulière. Cinq ans plus tard, la deuxième édition de cet index a été publiée sous le titre de « Poole's Index to Periodical Literature. » En 1901, Herbert Putnam a mis en application l’idée de vendre les notices bibliographiques des documents acquis et catalogués par la bibliothèque du Congrès pour les autres bibliothèques américaines. Egalement, il a commencé à envoyer des livres à l’extérieur pour leur reliure 132 .

Actuellement, la sous-traitance est couramment pratiquée au sein des bibliothèques et en particulier dans le monde anglophone. Comme le signale Apte Uday (1999), « outsourcing has become a valid option today in all areas of information services » 133 .

Toutefois, en s’intégrant dans le domaine bibliothéconomique, la sous-traitance a, d’abord, continué à mûrir dans son milieu naturel (le secteur privé) avant de se propager au sein des bibliothèques publiques. En effet, elle a connu son intégration dans ces dernières assez tardivement par rapport aux centres de documentation des entreprises ou aux bibliothèques privées. L’adoption de cette démarche par le secteur public, pour de multiples tâches, a beaucoup facilité sa familiarisation et son acceptation dans le milieu de la bibliothéconomie. Citons l’exemple de la sous-traitance de la gestion des archives en France pour laquelle la sous-traitance est rentrée dans les mœurs depuis une quinzaine d’années dans les entreprises. Cependant, elle ne touche le secteur public que depuis la circulaire du Ministère de la culture du 16 Janvier 1997 qui autorise les organismes publics à sous-traiter leurs archives intermédiaires 134 .

La sous-traitance a réellement proliféré avec l’informatisation des bibliothèques. Le développement spectaculaire de certains réseaux bibliographiques privés à l’échelle mondiale comme the Online Computer Library Center (OCLC) ou the Research Libraries Information Network (RLIN), a beaucoup encouragé ce recours. De plus, le nombre d’entreprises offrant des prestations aux bibliothèques est en augmentation depuis une vingtaine d’années. La clef du succès de ce type d’entreprise est de pouvoir répondre à tout type de demande. Leurs prestations vont de la simple indexation ou catalogage à la conduite de projet. Elles proposent un vaste panel de services : un service à la carte, un service sur mesure, adapté aux exigences des donneurs d’ordre et aux demandes les plus diverses. Les sociétés de sous-traitance font en quelque sorte du prêt-à-porter, confirme Charlotte Perrin (2001) « La sous-traitance est le « just-in-time » industriel appliqué à la documentation. »

Notes
131.

Richard W. Boss .- Guide to outsourcing in libraries .- In : Library Technology Reports, n°5, 1998, p 560 (Dialog, full text) [En fait, depuis 150 ans, les bibliothèques se tournent vers des organismes extérieurs pour assurer certains services.]

132.

Richard W. Boss .- Guide to outsourcing in libraries .- In :Dialog (full text)

133.

[L’externalisation est un choix valable pour tous les secteurs de services d’information.]

134.

Olivier Roumieux .- Externalisation : savoir faire faire . – In : Archimag, n°134, 2000, p34