1.3- Les avantages et les objectifs de la sous-traitance

Indépendamment de l’objectif concurrentiel et de la rentabilité financière auxquels s’attachent les entreprises privées, les raisons pour lesquelles la sous-traitance a émergé, que ce soit dans les entreprises ou pour les organisations publiques, dont les bibliothèques, sont identiques. Elles sont multiples et souvent imbriquées avec un caractère économique et organisationnel dominant. Il s’agit principalement de :

1- Le recentrage sur le métier de base (le cœur de métier)  : la sous-traitance est une opportunité pour toute organisation, lui permettant de se concentrer sur les seules activités qu’elle juge stratégiques pour son activité, qui apportent de la valeur au client ou à l’usager. Dès lors, elle évite l’inefficacité en abandonnant des tâches administratives ordinaires et répétitives telles que les tâches de saisie ou la gestion des tâches ménagères et de la maintenance du bâtiments ou de matériels, etc. La libération du personnel pour s’occuper des tâches importantes permet, d’un côté, un développement de la polyvalence, une valorisation de compétences et une motivation au sein du corps du personnel. De l’autre, elle permet une réorganisation et une redistribution des responsabilités permettant un fonctionnement efficace, une meilleure gestion des compétences internes et par ailleurs une augmentation de la productivité. Selon Catherine A. Dixon et Frances G. Bordonaro (1997), « during the years since outsourcing began, library staff have been able to maintain high levels of productivity, and no backlogs have developed. » 139

Aussi, le temps dégagé permet d’apporter plus de valeur ajoutée aux prestations effectuées en interne. Prenons l’exemple de la sous-traitance du traitement physique des documents, qui a permis aux bibliothécaires d’avoir plus de temps pour l’orientation et le conseil des usagers, tâche jugée stratégique dans les bibliothèques.

2- La baisse des coûts et l’amélioration de la qualité

La sous-traitance ne permet pas, uniquement, d’avoir une prestation à un coût inférieur en gardant la même qualité, mais, permet aussi d’obtenir une prestation de qualité supérieure à un budget constant. En effet, elle consiste, comme le définit Pierre Van Der Ghinst (1994), « à faire-faire une chose par autrui qui doit apporter un plus en matière de prestations de services et un moins au niveau des coûts, sans que l’on perde le contrôle des opérations. » 140 De ce fait, une bibliothèque ne doit avoir recours à un prestataire extérieur que lorsqu’il apparaît que le ratio coût/efficacité et la valeur ajoutée sont supérieurs à ce qu’ils seraient, si l’activité ou la tâche était effectuée en interne.

Ainsi, la sous-traitance constitue un mode de gestion permettant, d’une part, l’accroissement du niveau de la qualité de services, grâce non seulement, au recentrage sur les fonctions principales et à une gestion optimisée des compétences internes, mais aussi grâce aux apports des prestataires spécialisés, dont la fonction ou la tâche sous-traitée constitue pour eux le cœur de leur métier. Comme le signalent Betty Eddison et Susanne Bjorner (1997), « what we outsource is not our organization’s core business, but it is that of the vendor, who is in a better position to deliver a quality product. » 141 Ils sont ainsi experts et compétents dans la matière. En effet, les sous-traitants évoluent dans un milieu concurrentiel. De ce fait, ils suivent constamment le marché et l’avancement de la technologie. Dès lors, leur offre est en permanence mise à jour. De plus, grâce à la multiplicité des clients, ils bénéficient d’une expérience qui enrichit naturellement leur savoir-faire. Souvent les prestataires sont à la base des bibliothécaires, ce que rappelle Carol Ebbinghouse (2002). « They are us librarians. Sure, much more entrepreneurial than the rest of us, but librarians all the same. And they hire librarians. » 142 Les bibliothèques peuvent ainsi bénéficier d’expertises, de compétences et de ressources, indisponibles en interne. Elles ont ainsi la possibilité de répondre à des demandes sans avoir le savoir-faire. Le risque de non-performance, de ne plus avoir accès à une information de pointe, de ne pas posséder un équipement spécialisé, d’être dépassé par l’apparition d’une nouvelle technologie, etc... se trouve, ainsi, atténué.

D’autre part, la sous-traitance constitue une opportunité de réduction des dépenses et d’optimisation des ressources. Carolyn Macvean (1996) le confirme : « In purely monetary terms, the study showed that it is cheaper to outsource. There was quite a difference in costs between the inhouse provider and the outsourcers, estimated at almost double the cost. » 143 La réduction des coûts procurée s’explique par différents facteurs : l’entreprise externalisatrice effectue les mêmes prestations pour plusieurs clients, c’est pourquoi elle peut se permettre de réduire les tarifs exigés de ces prestations. Le rapport qualité/prix est ainsi garanti pour les promoteurs de la sous-traitance.

Néanmoins, le rapport entre les coûts et la sous-traitance ne se limite pas à la seule problématique de la réduction. L’identification des coûts réels permet d’une part de découvrir les coûts cachés et d’autre part la réduction des coûts d’investissement et de fonctionnement, en transformant les coûts fixes (salaire, charge sociale, frais généraux, etc.) en coûts variables (achat de prestations ou de produits sur devis). La démarche de sous-traitance nécessite en amont :

La décision de sous-traitance est, alors, précédée par une démarche d’analyse rigoureuse, une démarche d’évaluation permettant une meilleure efficacité.

3- Une gestion plus souple :

De part la sous-traitance, l’exercice d’une activité et les soucis qui l’accompagnent sont assumés par le sous-traitant. Ainsi, l’organisation de la bibliothèque se retrouve, déchargée de gérer divers problèmes, pris en charge par le sous-traitant, soit une économie de temps et d’argent, « Even if the cost of outsourcing is not significantly less than an in-house effort, it tends to become more predictable, because the responsibility of cost overruns often gets placed on the vendor. The vendor may also be contractually obliged to meet deadlines, preventing costly delays. » 144

Le discours des promoteurs de la sous-traitance repose sur la facilité et simplicité de gérer la relation client-fournisseur que celle liant le patron à un subordonné. Par ailleurs, l’organisation qui a recours à la sous-traitance peut exiger régulièrement et continuellement l’élévation ou l’amélioration du niveau de la prestation, ce qui est plus difficile à obtenir et à exiger en interne. Aussi, la flexibilité du donneur d’ordre est améliorée par le recours à la sous-traitance. Cette dernière permet d’absorber les variations de la demande.

En outre, l’accumulation et la surcharge de travail peuvent conduire à recruter du personnel provisoire qu’il faut par conséquent former, étant donné que le nombre et la disponibilité du personnel peut ne pas pouvoir supporter la charge du travail existant, ou l’ajout des tâches supplémentaires. Ainsi, cela implique non seulement les coûts de salaires mais également le temps requis pour les former et par conséquent, engendre un besoin de temps supplémentaire pour une action initialement prévue afin de surmonter des contraintes de temps. Dès lors, la démarche de sous-traitance semble plus cohérente. Cependant, l’urgence de la réalisation de certaines tâches ne doit pas mettre en cause la qualité du service attendu. C’est pourquoi, le Groupement Français de l’Industrie de l’Information (1999) rappelle qu’« il convient au départ de prendre le temps de définir le cadre contractuel dans lequel devra s’effectuer la prestation, en mentionnant à la fois des obligations de résultats et des obligations de respect du calendrier prévu. Une démarche qualité est d’autant plus importante à mettre en place que les échéances sont rapprochées. »

Devant une telle profusion d’avantages, la question qui s’impose est : pourquoi reste-t-il encore des services effectués en interne ?

Notes
139.

[Depuis que l’externalisation a commencé, le personnel de la bibliothèque a été capable de maintenir un niveau de productivité et aucun retard n’a été développé.]

140.

Pierre Van Der Ghinst .- L’outsourcing est un problème de management .- in : l’informatique professionnelle, n°128, 1994, p58

141.

[Ce que nous sous-traitons n’est pas le cœur de notre métier mais plutôt celui du fournisseur qui est, alors, mieux placé pour livrer un service de qualité.]

142.

[Ces sont des bibliothécaires comme nous, davantage dans un esprit d’entreprise qu’une partie d’entre nous mais des bibliothécaires tout de même et ils recrutent des bibliothécaires.]

143.

[En terme purement monétaire, l’étude a montré qu’il est moins cher d’externaliser. Il y a une différence entre les coûts internes et l’externalisation. Cette différence est évaluée quasiment au double.]

144.

Apte Uday.- Global outsourcing of information systems and processing services.- In : The information society, vol 7, 1999, p290 [Même si les coûts de l’externalisation ne sont pas considérablement inférieurs à ceux des prestations internes, ils sont mieux prévisibles car la responsabilité de dépassement des coûts repose sur le prestataire. Egalement, on peut contraindre, par contrat, le prestataire à respecter les délais.]