1.5.1- Les acquisitions

La sous-traitance de développement des collections (sélection, acquisition), bien qu’elle évolue lentement dans les bibliothèques, reste moins propagée que les fonctions de traitement des documents. Le monde des bibliothèques reste encore divisé sur l’efficacité d’une telle activité. Un réel débat s’est déclenché aux USA suite à l’expérience de la bibliothèque de Hawaii (Etat américain) qui a sous-traité le processus d’acquisition, de sélection des livres, à la société Baker et Taylor. Cette expérience a été considérée par Patricia Wallace comme un désastre. « I think it’s a disaster and it has major implications for libraries all over the country. » 152 Le développement des collections exige non seulement une connaissance du fonds mais aussi une connaissance des usagers. En effet, la satisfaction rapide et pertinente de ces derniers est fortement basée sur la connaissance des bibliothécaires aux ressources disponibles. De plus, la sélection des documents à acquérir ne s’effectue qu’en connaissant ses lecteurs. Aussi, les bibliothécaires sont les seuls à savoir focaliser au mieux leurs achats pendant les périodes budgétaires difficiles et à déterminer les priorités en fonction de la demande des usagers avec qui ils ont un contact quotidien. Selon Patricia Wallace, « the careful book buying is even more important when money is tight, and no one is better attuned to customer’s needs than librarians who talk to them every day. » 153

La sélection des documents permet au bibliothécaire d’avoir une connaissance sur les différentes publications et sur le marché de l’information (éditeurs, libraires, etc...). En sous-traitant, ils seront coupés de toutes les nouvelles publications, du monde de l’édition. Ils perdent ainsi la possibilité de renseigner et d’orienter leurs usagers vers les autres sources d’information. Le choix de livres est ainsi intimement lié au service public. En sous-traitant la sélection des documents, une offre adéquate et exhaustive ne peut être, dès lors, délivrée à l’usager. C’est pourquoi Patricia Wallace 154 (1999) affirme qu’il est absolument essentiel qu’un bibliothécaire connaisse les fonds de la bibliothèque dans leurs moindres détails, tant en ce qui concerne les bases de données accessibles en ligne que les documents imprimés. En effet, le personnel permanent constitue la mémoire de la bibliothèque, son passé et ses projets futurs.

Davantage, à travers son expérience, le bibliothécaire développe une connaissance de l’organisation, des spécificités des lieux et de la capacité de stockage, de la politique de désherbage, de l’état des collections (trous et complémentarité), etc. La sous-traitance de sélection du fonds conduit, ainsi, à des doublons ou à des titres inutiles. Selon Gordon Flagg (1997), sur les 6419 titres reçus par la bibliothèque de Hawaii en 1996, 10 % était des doublons en plus des titres inadéquats et dénonçait le trop peu de documentation de référence.

Toutefois, Bart Kane 155 (1999), directeur de la bibliothèque de Hawaï, confirme à travers son expérience que la sous-traitance des acquisitions permet de réaliser un meilleur taux des livres acquis et empruntés et qu’en utilisant, au mieux possible leur expérience et leur connaissance, les bibliothécaires n’arrivent jamais à atteindre plus de 80 % de livres acquis et empruntés. Il y a toujours des livres qui atterrissent dans le fonds sans ne jamais être consultés.

Selon l’expérience de la Fort Worth Public Library (Texas), le choix des livres peut être sous-traité dans la mesure où la bibliothèque détermine sa politique d’acquisition, précise les éditions particulières, élabore des listes d’auteurs préférés, définit des catégories d’usagers (des groupes d’âge, etc.). Les fournisseurs peuvent, de leurs côtés, fournir des listes de choix pour les lecteurs.

Dès lors, la sous-traitance du développement des collections est timidement appliquée. Cependant, elle pourrait être plus utilisée si les critères de sélection des documents étaient bien définis et qu’un véritable processus de contrôle en continu pour assurer la diversité des collections et la pertinence avec les intérêts et les besoins des usagers était mis en place.

Notes
152.

Cité par Christine Donnelly .- Library book deal a disaster .- In : http://starbulletin.com/97/01/09/news/story1.html .- consulté le 11/05/01 [Je pense que c’est un désastre et que cela a des conséquences majeurs sur les bibliothèques dans tout le pays.]

153.

Ibid [Une politique prudente d’acquisition s’impose de plus en plus quand le budget est serré et personne ne peut répondre aux besoins des usagers mieux que les bibliothécaires qui ont un contact quotidien avec eux.]

154.

Bart Kane, Patricia Wallace .- L’outsourcing en débat : le dilemme de la sous-traitance des acquisitions .- in BBF, n°2 1999, p 86

155.

Ibid, p 85