1.5.2- Le traitement

Le traitement des documents, afin de les rendre accessibles aux usagers, est une vieille compétence, constituant le cœur du métier d’un bibliothécaire. Cependant, cette fonction n’a pas survécu au changement technologique. La notice bibliographique cartonnée est aujourd’hui électroniquement transmise par l’intermédiaire d’Internet ou sur des bandes magnétiques et consultée par un système de gestion intégré au sein des bibliothèques. En effet, l’achat des notices est devenu une pratique courante dans de nombreuses bibliothèques. Le développement de bases des données bibliographiques commerciales, d’un côté, et les projets d’informatisation des bibliothèques de l’autre, ont eu un rôle important dans la prolifération d’une telle procédure. La rétroconversion a été une des premières tâches à être sous-traitée.

Une majorité des prestataires ont, actuellement, la possibilité de fournir les documents traités (indexés et catalogués, code à barre, reliés, etc.) moins chers que si cela était effectué en interne. Les bibliothèques ont aujourd’hui la possibilité de commander leurs documents en ligne et de les recevoir ensuite entièrement traités avec des notices directement versées sur le catalogue de la bibliothèque. Pour leur part, les bibliothèques n’ont qu’à ajouter leurs données locales ou ranger les documents à leur place.

La sous-traiatnce permet aux bibliothèques d’éviter l’accumulation de travail et bien évidemment d’être à jour, tel que le cas de la bibliothèque publique d’Albuquerque Bernalillo, où la sous-traitance a permis d’éviter l’accumulation de travail malgré 70% d’augmentation dans les acquisitions 156 .

Aussi, les bibliothèques ont pu réaliser un gain de temps et d’argent considérable. Patricia Haber (1997) confirme à partir de l’expérience de sa bibliothèque, que « processing costs for each book have dropped. » 157 Citons l’exemple de deux bibliothèques canadiennes.Premièrement, celui de la BM Saul Bellow de Lachine (Montréal), pour qui la sous-traitance du catalogage et de la reliure a permis de réaliser des économies considérables. Le coût d’un document traité et relié au sein de la bibliothèque est de 17,21$, alors que le sous-traitant demande 10,46$. De plus et par rapport au nombre des documents acquis en 1998, la sous-traitance leur permet de réaliser une économie de 30.644,56$ soit 40 % du coût de traitement. Les documents sont choisis par les bibliothécaires mais catalogués, préparés et intégrés dans la collection sans aucune intervention de leur part. Seul 0,5 % des documents n’ont pas été catalogués ou traités de façon satisfaisante. 158

Deuxièmement, la bibliothèque de l’université d’Alberta, après une diminution budgétaire de 21 %, a adopté la stratégie de la sous-traitance de ses services techniques (le catalogage, la classification, le traitement physique) pour réduire ses coûts. Elle a pu, ainsi, réaliser une réduction de coût de 25 à 35 %. Une quarantaine d’employés des services techniques ont été affectés aux succursales du réseau afin d’entreprendre des carrières dans le domaine des services au public 159 .

Selon Giappiconi Thierry (1996), le temps consacré au catalogage constitue encore, en France, 30% du temps de travail du personnel des bibliothèques publiques. Il confirme qu’une réduction peut être réalisée en choisissant un système informatique qui permet la récupération complète des notices bibliographiques et des notices d’autorité de la BNF. Le rapport coût-efficacité de cette solution a déjà permis d’estimer une baisse d’environ 60 % du coût de la constitution des catalogues. 160

Par ailleurs, la sous-traitance permet de garder une meilleure qualité des notices en maintenant un catalogage complet et standard. De plus, elle garantit le traitement rapide d’un plus grand nombre de documents permettant aux usagers l’accès aux nouveaux titres dans des délais relativement courts. « Through outsourcing, ... the library staff reduced processing time and delivered new books to patrons in the most expeditious manner possible. » 161 Dès lors, la bibliothèque réussit l’enrichissement et l’accessibilité de son fonds dans les plus brefs délais.

Mais encore la libération du personnel des tâches techniques leur permet d’avoir plus de temps pour l’accueil du public, d’être plus attentifs à ses besoins et à ses attentes, de développer des réflexions sur les produits et les services offerts, garantissant, en conséquence, une meilleure qualité de service. Comme le confirme Joanne Turnbull 162 , « le fait de traiter un document à l’interne plutôt qu’à l’externe n’améliorait en rien le service au public. Par contre, l’ajout d’un employé supplémentaire au comptoir de prêt ferait toute la différence. » Ajoutons la possibilité d’étendre les heures d’ouverture. La bibliothèque a pu ainsi garantir une meilleure satisfaction des usagers et assurer une meilleure image par rapport à leur tutelle. Selon Patricia Haber (1997), « as the result of outsourcing, the library’s managers and staff have been able to maintain a cost-effective (rentabilité), efficient, and well-managed technical services operation. Best of all, the library’s patrons have benefited from outsourcing by having substantially better and larger collections now available within the Albuquerque community. » 163

Cependant, la sous-traitance du catalogage et du traitement exige un temps considérable pour la vérification et le contrôle de la qualité des notices reçues. Cette tâche de contrôle et d’évaluation peut être onéreuse. Il faut aussi tenir compte des périodes d’ajustement en cas de modifications, le retard dans la fourniture des notices et la non communication des autres. C’est pourquoi, pour beaucoup, les économies d’échelle sont réellement réalisées en interne (moins de probabilité d’erreur, etc.). Selon C. Dixon et F. Bordonaro (1997), « the percentage of errors was low, but resolving the resultant problems was time-consuming. Quality control monitoring and problem resolution for this conflict consumed a significant percentage of time for the library’s two remaining catalogers. » 164

De plus, vu l’évolution permanente des techniques et des outils documentaires (format d’affichage, thésaurus, etc.), la continuation de la sous-traitance des services techniques risque d’amener les bibliothèques à fonctionner avec un personnel sous-qualifié et d’être par la suite obligées de recruter à l’extérieur de nouveaux employés ayant les qualifications requises en cas de besoin. C’est pourquoi, nombreux sont ceux, qui insistent pour accompagner toute opération de sous-traitance par programme de qualification du personnel, une formation leur permettant d’être à la hauteur des exigences du futur. 165

Aussi, le sous-traitant peut ne pas disposer de toutes les notices demandées par la bibliothèque comme, dans la majorité des cas, les notices des documents audiovisuels ou en langues étrangères et les publications anciennes. De plus, s’ajoute le problème de la non-compatibilité des données fournies avec les notices locales (les champs des notices peuvent ne pas être utilisés de la même manière). Citons l’exemple de la bibliothèque d’Albuquerque Bernalillo, pour le téléchargement des notices : les notices fournies par B&T ne possèdent pas le code d’OCLC. Ainsi, les bibliothécaires ne peuvent pas détecter les doubles. C’est pourquoi, ils doivent effectuer des recherches avec l’ISBN ou la LC en plus du numéro OCLC. Ceci augmente la charge de travail 166 .

Ajoutons un autre désavantage : l’impossibilité de traiter un document plus rapidement et de le mettre en disponibilité la journée même. C’est pourquoi, il est recommandé de préciser les documents à traiter en priorité.

Notes
156.

Patricia Haber .- Opening-Day collection and current acquisitions : outsourcing item record creation and physical processing for the Albuquerque/Bernalillo country public library system.- In : Outsourcing library technical services operations/Wilson Karen , Colver Marylou .- London, Chicago : American library association, 1997, p130

157.

[Les coûts de traitement de chaque livre ont baissé.]

158.

Joanne Turnbull .- Service externe de traitement documentaire : e bibliothèque se réinvente.- in : http://www.bibliorpl.com/articles/a1.html consulté le 23/08/02

159.

Kathy Carter .- Outsourced cataloguing and physical processing at the university of Alberta lobrary.- In : Karen WILSON, Marylou COLVER.- Outsourcing library technical services operations, 1997, pp3-14

160.

Thierry Giappiconi .- Des statistiques à l’évaluation, 1996 .- In : http://www.ifla.org/IV/ifla62/62-giat.htm consulté le 31/03/001996, Opcit, p5

161.

Patricia Haber .- Opening-Day collection and current acquisitions, 1997, opcit, p132 [Grâce à l’externalisation, le personnel de la bibliothèque a réduit le temps de traitement et a pu procurer les nouveaux ouvrages à leurs clients de la manière la plus rapide possible.]

162.

Joanne Turnbull .- Service externe de traitement documentaire : e bibliothèque se réinvente.- in : http://www.bibliorpl.com/articles/a1.html consulté le 23/08/02

163.

[Grâce à l’externalisation, les gestionnaires et le personnel de la bibliothèque ont pu maintenir l’efficacité et la bonne gestion pour toutes les tâches techniques. Mieux encore, les clients de la bibliothèque ont bénéficié de cettte externalisation en ayant une collection nettement meilleure et plus importante, aujourd’hui, disponible pour toute la communauté d’Albuquerque.]

164.

[Le pourcentage des erreurs était bas, mais la résolution de problème prenait de temps, le contrôle de qualité et la résolution du problème consomme un pourcentage élevé de temps de travail de deux catalogueurs restants.]

165.

L’expérience danoise est un exemple pertinent .- http://www.ifla.org/IV/ifla63

166.

Patricia Haber .- Opening-Day collection and current acquisitions, 1997, opcit, p133