4- La sous-traitance : évaluation et effets

4.1- Evaluation entre l’économique et le qualitatif

Les opinions de la totalité des enquêtées nous amènent aux réponses représentées dans le tableau ci-dessous :

Tableau n°34 : l’évaluation de la sous-traitance
Que pensez-vous de la sous-traitance dans le domaine de la lecture publique ? Nombre de citations Fréquence %
Economiquement avantageuse 25 17,2%
Economiquement désavantageuse 3 2,1%
Qualitativement avantageuse 22 15,2%
Qualitativement désavantageuse 18 12,4%
Autre réponse 45 31%
Non réponse 53 36,6%
Total 145  

Du point de vue qualitatif, on ne peut conclure réellement, car presque le même nombre de bibliothèques ont évalué cette procédure comme qualitativement avantageuse (15,2%) ou qualitativement désavantageuse (12,4%). Cependant, 17,2% des bibliothèques trouvent que la sous-traitance dans le domaine de la lecture publique est économiquement avantageuse. Pour plus de précision, seul a été extrait l’évaluation de la population qui pratique la sous-traitance (55 bibliothèques), représentée dans le schéma suivant. Comment juge-t-elle la sous-traitance en terme économique et qualitatif ? Elle confirme cette tendance :

Figure n°18 : L’évaluation des bibliothèques pratiquant la sous-traitance :
Figure n°18 : L’évaluation des bibliothèques pratiquant la sous-traitance :

Les explications recueillies sont plutôt positives et en faveur de ce recours à l’extérieur. Elles révèlent deux positions différentes :

Premièrement, les promoteurs de la sous-traitance au sein des bibliothèques : ils jugent qu’elle offre aux bibliothèques « un service moins cher, plus rapide et plus efficace et donc une meilleure qualité de service public. » Par conséquent cela contribue à une bonne satisfaction des usagers, une image de la bibliothèque dynamique, innovante et plus qualitative, aboutissant à une meilleure reconnaissance par la mairie. C’est pourquoi, les responsables de bibliothèques se sont tournés vers un métissage public-privé. Ils le jugent, nous mentionnons les expressions citées, « cohérent, utile pour certaines tâches, positif, intéressant et dans l’intérêt des bibliothèques pour certaines tâches, normal, une ouverture d'esprit ; à la notion d’efficacité s'ajoute celle de la rentabilité (temps, prix, qualité), il ne peut qu'apporter un plus qualitatif, intéressant s'il ne provoque pas une augmentation des coûts pour le public ou s'il propose un service que la bibliothèque ne pourrait réaliser seule. » Mais, certaines réticences ont, cependant, été manifestées. Ainsi, les responsables des bibliothèques estiment qu’un tel recours est « intéressant mais à moduler ; peut être intéressant mais il faut se méfier ; peut être une voie de secours et doit être limitée. » La sous-traitance est estimée souhaitable pour certaines tâches et pas pour d’autres. Particulièrement, la sous-traitance ne devrait pas toucher les activités qui constituent le cœur de leur métier dont la définition demeure difficile. Il représente le contact avec le public pour certains. Ils trouvent que « les bibliothécaires ont beaucoup d’autres choses à faire à part le catalogage, il y a des livres à présenter, des auteurs mal connus, et que ces tâches vont les occuper largement. » En revanche, pour d’autres le traitement intellectuel des documents constitue le cœur de leur métier. Maintenir le traitement intellectuel en interne permet, pour ces derniers, d’assurer une meilleure approche des collections et donc de pouvoir accueillir et renseigner leurs usagers et de ne plus s’apparenter à de « simples hôtesses d’accueil améliorées. »

‘« Il y a eu une période où le catalogage était le cœur du métier de bibliothécaire et l’atteinte à cette tâche était considérée, pour eux, comme un truc très difficile à supporter. Beaucoup ont eu du mal à accepter qu’on leur retire ce qui est considéré comme le cœur de leur métier. Je pense que le cœur du métier de bibliothécaire est d’acheter les collections et surtout de les communiquer. Après, la tâche technique située entre les deux, si elle peut être assurée par une machine, tant mieux…On fait plus d’accueil et d’orientation des usagers, ce qui me paraît le cœur de notre métier et pas les tâches techniques. » A74’

Deuxièmement, ceux qui sont radicalement contre. Ils pensent que la sous-traitance ne concerne pas la lecture publique et qu’il n'y a rien à sous-traiter dans ce domaine. Ils ont peur pour leur métier. Et donc, même la sous-traitance public-public est refusé. D’autres, refusent le recours au privé et donc toute sous-traitance entre organismes publics ne pose pas de problème. Ils assimilent cette dernière à une démarche d’abolition du service public qui découle d’une culture américaine complètement différente de la leur. Ils disent que ce terme ne se prononce même pas dans le domaine de la lecture publique. Elle est le prélude à la privatisation, l’intrusion des entreprises privées dans le domaine public. C’est pourquoi, ils décrivent le métissage public-privé comme « redoutable, négatif, dangereux, extrêmement dangereux, impossible, jeu de crétins, pas très sain ». Ils affirment qu’il faut garder la lecture publique dans le giron du service public et ce, sans intrusion du privé, que l'idée de service public doit rester claire dans les esprits. C’est ce qui explique la réaction de ceux qui , parmi les enquêtés, persistent dans le refus de cette procédure.

Bien évidemment, ces évaluations ou réflexions autour de la sous-traitance sont fondées sur ses effets, atouts, contraintes ou inconvénients. Le dénombrement de ces derniers nous permet de recenser les éléments à considérer afin de réussir une démarche de sous-traitance au sein d’une bibliothèque.