Université Lumière Lyon 2
Département de Sciences du Langage
Laboratoire I.C.A.R. (Interactions, Corpus, Apprentissages, Représentations, UMR 5191)
Thèse de doctorat en Sciences du Langage
le 17 décembre 2004
LA VENTE A DOMICILE : STRATEGIES DISCURSIVES EN INTERACTION
sous la direction de Mme Catherine KERBRAT-ORECCHIONI Professeur à l’Université Lumière Lyon 2
Devant un jury composé de :
Mme Catherine KERBRAT-ORRECHIONI
Professeur à l’Université Lumière Lyon 2
Mme Sophie MOIRAND
Professeur à l’Université Paris III Sorbonne Nouvelle
Mme Véronique TRAVERSO
Directrice de recherche au C.N.R.S.
Mme Marianne DOURY
Chargée de recherche au C.N.R.S.

Remerciements

A l’issue de ce parcours de recherche, je tiens à adresser mes plus sincères remerciements :

Pour ce qu’ils sont et pour ce qu’ils représentent dans ma vie, au-delà de cette thèse, j’adresse mes mercis les plus tendres :

Rechercher, ce n’est pas tellement chercher une seconde fois, car la recherche est sans cesse recommencée, c’est chercher avec force, avec méthode, avec insistance. Le langage ordinaire le révèle : ce qui est cherché est un objectif à atteindre, ce qui est recherché est non seulement ce qu’on recherche mais ce qui est raffiné, élaboré. « Chercher » lui-même, qui a remplacé le verbe « quérir », c’est l’aboutissement du latin circare, tiré de circa qui veut dire « en tournant autour ». Devant un fait, un phénomène quelconque qu’on subit et qu’on ne comprend pas, que faire sinon tourner autour, l’examiner sous tous ses angles, scruter, inventorier. (…)  La recherche ce n’est pas une course en ligne droite mais un tournoiement incessant. (…) L’intelligence humaine, nous dit le mot « recherche », ne s’attache pas tant à percer, à ouvrir, à pénétrer mais plutôt à entourer, à assiéger la réalité qui nous échappe. Ce faisant, elle mesure nos ignorances, ce qui est la seule façon de délimiter nos connaissances.
(Alain Rey, chronique Le mot de la fin, France Inter, 14 novembre 2003)

Avant-propos

Le choix des interactions de vente à domicile comme objet d’étude ne relève en rien d’une passion pour ce domaine commercial, bien au contraire. Si le système de la vente à domicile s’est présenté à moi comme un cadre formidable pour une étude des interactions verbales, mon enthousiasme a rapidement décru lorsque je me suis trouvée aux côtés d’un vendeur d’encyclopédies, dans l’attente de l’ouverture de la porte d’entrée d’un appartement privé dans lequel nous n’étions pas attendus. Plusieurs mauvais souvenirs se mêlaient alors : mes propres expériences de « vente à domicile » et le traumatisme d’une « mère indigne ».

Je m’explique. Enfant, je faisais partie d’une association musicale et tous les ans se posait le même problème : il me fallait vendre des tickets de tombola pour collaborer au bon fonctionnement financier de cette association. Je me revois prenant l’ascenseur jusqu’au dernier étage de mon immeuble pour demander à mes voisins, porte après porte, étage après étage, s’ils voulaient bien m’acheter un ticket. Je les connaissais ; ils m’avaient vue naître et nous nous croisions tous les jours dans l’immeuble. Il n’empêche que je détestais devoir les solliciter. Le second souvenir que m’inspirait le fait d’être face à cette porte qui allait s’ouvrir était celui de ma mère qui, lorsque j’étais enfant, s’est vue qualifiée de « mère indigne » par un vendeur à domicile. Selon lui, en refusant d’acheter l’encyclopédie qu’il venait de lui présenter avec le plus grand soin, elle refusait du même coup de donner toutes les chances de réussite scolaire à ses enfants…

Ces deux souvenirs m’envahissaient quand la porte d’entrée de l’appartement s’ouvrait. Ce n’était pas à moi de parler ; je me contentais d’observer le vendeur que j’accompagnais. Je me trouvais cependant associée à lui, un peu malgré moi, et le pire arriva : une des personnes que nous démarchions s’adressa à moi et me demanda si nous voulions lui vendre quelque chose. Répondre par l’affirmative aurait court-circuité la démarche du vendeur, qui cachait cet objectif, mais nier avec lui ses motivations commerciales m’aurait moralement coûté. Je me contentai alors d’esquisser un sourire, sauvée par le vendeur qui reprit rapidement la parole. Mon travail de terrain s’est déroulé sur plusieurs périodes et j’ai suivi différents vendeurs, tous plus sympathiques les uns que les autres. Je n’ai pourtant jamais pu évacuer le sentiment d’appréhension que m’inspirait chaque nouvelle démarche. Le temps du travail de terrain est passé et je me suis retrouvée face à un corpus d’interactions de vente à domicile que j’allais devoir analyser avec toute l’« objectivité du chercheur ». J’espère que mon travail n’est pas marqué par ce « vécu ». Peut-être a‑t‑il finalement valeur d’exutoire ?