0.2. Cadrage théorique et méthodologique

0.2.1. Un cadre théorique certain : l’analyse des interactions verbales

Comme on l’aura compris, notre démarche de recherche s’inscrit dans le champ de l’analyse des interactions verbales. Cette approche interactionniste part de l’idée que l’observation des situations ordinaires de rencontres est, plus que l’introspection ou l’intuition, le moyen d’approcher les usages du langage. La priorité est accordée au discours dialogué oral. La méthode utilisée se veut empirique et résolument descriptive. Il s’agit de considérer des données authentiques, c’est‑à‑dire attestées (et non construites pour répondre aux besoins d’un angle de recherche), de les enregistrer et de les transcrire soigneusement. Un corpus est ainsi constitué. Il sert de base à une étude inductive, c’est‑à‑dire conduite par les données 15 . Il convient alors de s’immerger dans ce corpus afin de voir apparaître des phénomènes qui semblent significatifs. Si la récurrence de ces phénomènes est vérifiée, ils peuvent alors être décrits. Tel est l’objectif de l’analyse des interactions verbales : dégager les règles qui sous-tendent le fonctionnement de ces interactions communicatives.

L’analyse des interactions verbales est l’héritière d’approches, de démarches et des théories relevant de différentes disciplines. Bien que les conversations 16 soient des objets de langage, la linguistique ne s’y intéresse que tardivement. Ayant jusqu’alors accordé une place privilégiée aux discours écrits et monologaux, ce n’est que dans les années 80 que les linguistes s’intéressent aux productions effectives et donnent la priorité à l’oral dialogué. La linguistique pénètre alors une mouvance interactionniste qui se développe outre-Atlantique, sans sa participation 17 , depuis les années 50 et qui regroupe la grande majorité des disciplines constitutives des sciences humaines. Les principaux domaines fondateurs de l’analyse des interactions verbales, cadre certain de la présente recherche, sont les approches psychologiques (2.1.1), sociologiques et anthropologiques (2.1.2) et enfin linguistiques (2.1.3) 18 .

Notes
15.

Traverso précise que dans une démarche d’analyse des interactions, l’étape de l’analyse proprement dite n’intervient qu’en cinquième position après le choix des situations, l’observation, la collecte des données et la transcription. L’auteur remarque alors que « (…) même si l’on parle de démarche “conduite par les données” [data-conducted], le choix des situations dépend d’hypothèses préalables générales sur ce qu’on cherche et sur les situations susceptibles de le procurer. » (Traverso, 1999 : 22).

16.

Le terme « conversation » est ici utilisé dans son sens le plus large. Il fait référence à tous les types d’interactions.

17.

Kerbrat-Orecchioni relève tout de même la présence de linguistes dans « la plus célèbre des études en matière de micro-analyse interactionniste, connue sous le nom d’« Histoire naturelle d’un entretien », (…) menée dans les années 50-60 par un groupe composé de psychiatres, de linguistes, et d’anthropologues (…) » (Kerbrat­-Orecchioni, 1990 : 55).

18.

Ne pouvant « réinventer » l’origine de l’analyse des interactions verbales, notre exposé des courants fondateurs s’inspirera des présentations proposées par Kerbrat-Orecchioni (1990) et Traverso (1999). Les lignes qui suivent ne relèveront que les principaux apports des trois types d’approches retenus.