0.2.1.4. Les approches linguistiques

L’interactionnisme n’est importé en France que tardivement mais ce retard est rapidement comblé dans les années 80 où les travaux en tous genres (colloques, ouvrages ou numéros de revues) se multiplient. A cette époque, malgré l’emprunt à la sociologie américaine de la notion d’interaction, le développement spectaculaire de la linguistique interactionniste française est favorisé par des traditions déjà bien établies : la linguistique de l’énonciation (portée entre autres par Bally, Benveniste et Culioli) qui prend pour objet l’acte de production dont un énoncé est le résultat et l’analyse du discours (avec notamment Pêcheux) qui s’intéresse surtout aux discours « monologués ». On note également un intérêt croissant pour la « grammaire de l’oral » (Blanche-Benveniste et al.). A ces traditions viennent s’ajouter les approches philosophiques anglo‑saxonnes : la théorie des actes de langage (avec Austin [1970] puis Searle [1972]) qui considère que la vocation première du langage n’est pas de représenter le monde mais d’agir (« dire, c’est faire »), et le principe de coopération et les « maximes conversationnelles » 30 (Grice [1979]) qui permettent d’expliquer le fonctionnement des implicites conversationnels.

‘Il a suffi que nous parvienne d’outre-Atlantique le vent de l’interactionnisme pour que la notion de subjectivité laisse la place à celle d’intersubjectivité, que l’analyse du discours se tourne vers les productions dialoguées, et que les actes de langage soient réinterprétés comme les unités élémentaires servant de base à l’édification des inter-actions… (Kerbrat-Orecchioni, 2000)’

Les courants interactionnistes mêlés à ceux de la linguistique plus traditionnelle s’enrichissent alors. La réflexion interactionniste dans laquelle s’inscrit l’analyse des interactions verbales est aujourd’hui davantage perçue comme une « mouvance » qui traverse diverses disciplines que comme un domaine véritablement homogène. Cette mouvance repose sur quelques postulats fondamentaux, comme l’idée que le discours est une construction collective.

Notes
30.

Ces maximes concernent la quantité (n’en dites ni trop ni trop peu), la qualité (ne dites pas ce que vous croyez être faux), la relation (soyez pertinent) et la modalité (soyez clair).