a) L’analyse de l’interaction en rangs

Sur le modèle de la linguistique générale qui considère que toute phrase se décompose en syntagmes, qui se décomposent en mots, eux-mêmes se décomposant en morphèmes puis en phonèmes, Sinclair et Coulthard (1975) proposent les premières description des discours dialogués en termes de rangs. C’est l’école de Genève, autour de Roulet, qui donne la version la plus cohérente et la plus sophistiquée de ce modèle hiérarchique 35 . Une présentation simplifiée est celle qui repose sur cinq rangs : trois rangs d’unités dialogales (construites par deux locuteurs), l’interaction, la séquence et l’échange ; et deux rangs d’unités monologales (construites par un seul locuteur), l’intervention et l’acte de langage 36 . Ainsi, l’interaction se décompose en séquences, les séquences en échanges, les échanges en interventions et ces dernières en actes de langage.

L’interaction est donc l’unité de rang supérieur, elle « correspond à ce qui se passe entre la mise en contact des participants et leur séparation » (Traverso, 1999 : 38). La séquence, notion entourée d’un certain flou terminologique 37 , peut être considérée comme un bloc d’échanges reliés par un fort degré de cohérence sémantique et/ou pragmatique. Une interaction est perçue comme composée d’une séquence d’ouverture, d’un corps de l’interaction et d’une séquence de clôture (Kerbrat-Orecchioni, 1990 : 220) mais l’unité « séquence » pose souvent des problèmes de délimitation. L’échange est la plus petite unité dialogale. Elle est composée au minimum de deux interventions (celle du premier locuteur est considérée comme « initiative », alors que celle du second locuteur est « réactive ») mais les échanges à structure ternaire sont extrêmement fréquents (« question/réponse/évaluation »). L’intervention est produite par un seul locuteur, elle peut être composée d’un seul acte ou de plusieurs 38 . Un acte de langage est l’action verbale minimale effectuée par un locuteur. Cette unité, héritée des théories de la philosophie du langage (Austin et Searle), est donc l’unité de base du modèle hiérarchique, structure de l’interaction.

Notes
35.

Les bases de ce modèle sont posées dans Roulet (1985). Depuis, les ouvrages Roulet (1991) et Roulet, Fillietaz et Grobet (2001) attestent d’une évolution marquante. Toutes les dimensions de l’interaction (linguistique, discursive, psychologique, sociologique, etc.) sont désormais intégrées dans cette approche modulaire.

36.

A ces cinq rangs admis comme les plus fondamentaux peuvent venir s’ajouter les deux autres niveaux : l’« histoire conversationnelle » serait une unité hiérarchiquement supérieure à l’interaction (il en sera question dans le Chapitre 1 de ce travail) et le « module » qui, tel que défini pas Vion (1992) constituerait un rang intermédiaire entre l’interaction et la séquence (voir Chapitre 4, point 4.2.1.2). Nous évoquerons également l’idée d’une macro‑séquence, puisque la « macro-séquence de l’entrée en porte » constituera l’objet de la Première Partie de ce travail (nous la définirons à cette occasion).

37.

L’école de Genève ou celle de Birmingham (Sinclair et Coulthard) parlent par exemple de « transaction ».

38.

L’intervention a une valeur fonctionnelle. Elle ne doit pas être confondue avec le tour de parole, unité essentielle de l’analyse conversationnelle, qui n’a de valeur que formelle.