b) Conventions de transcription

L’opération de transcription est soumise à deux pressions contradictoires : la fidélité et la lisibilité. Or, la représentation de l’oral par l’écrit ne va pas sans poser des problèmes puisque les deux systèmes ne sont pas en parfaite adéquation. Ainsi, tous les phénomènes de l’oral ne peuvent pas être transcrits par les conventions de l’écrit. Le fait de combler les manques en multipliant les signes utilisés conduirait inexorablement à une transcription surchargée donc illisible. Le transcripteur doit par conséquent proposer un « reflet » le plus fidèle de la réalité orale tout en sélectionnant les éléments pertinents dont il va rendre compte 135 . Nous avons choisi de réaliser une transcription en orthographe adaptée. Même si cette méthode est sujette à de nombreuses critiques, notamment formulées par Blanche-Benveniste et Jeanjean (1987), elle permet de rendre compte de certaines caractéristiques de prononciation sans gêner la lecture de la transcription 136 .

Dans ce travail, nos analyses seront illustrées par de nombreux extraits du corpus. Les interactions présentées sont numérotées pour permettre un éventuel report au volume annexe. Les passages sont soigneusement choisis pour rendre compte au mieux des phénomènes décrits mais ils ne reprennent parfois qu’une partie d’une interaction (jugée trop longue pour figurer dans son ensemble). Cette « coupure » effectuée par l’analyste, et signalée par la présence de trois points entre crochets ([…]), se fixe tout de même deux impératifs : que l’élément observé se trouve à une place centrale de l’extrait (il est par ailleurs mis en valeur par l’usage de caractères gras) et que la compréhension des propos échangés soit aisée. Toutefois, le numéro de l’interaction ainsi que celui de chaque tour de parole 137 facilite le report au document annexe où le lecteur pourra prendre connaissance du texte conversationnel précédant et suivant l’extrait présenté.

Nous avons opté pour une présentation en lignes 138 . Un retour à la ligne est donc effectué pour chacun des locuteurs. Ils sont désignés par les lettres V, C et M (respectivement vendeur, client démarché et nous-mêmes) 139 . Lorsque plusieurs particuliers se présentent à la porte de l’appartement, ils sont désignés par C1 et C2. Leur anonymat est assuré par deux pratiques : seule l’initiale de leur nom est indiquée, et leur coordonnées personnelles (adresse, numéro de téléphone, etc.) sont remplacées par des croix. Les phénomènes qui relèvent davantage de la description que de la transcription sont reportés entre doubles parenthèses afin de marquer qu’il s’agit là d’une intervention du transcripteur. Enfin, d’une manière générale, nous utilisons le système de transcription de l’oral proposé par Jefferson (Sacks, Schegloff et Jefferson, 1978), repris et adapté par Traverso (1996 : 25-27), tel que le présentent les lignes suivantes :

Les différentes transcriptions ont été effectuées peu de temps après la réalisation des enregistrements 140 . La succession des deux étapes de collecte et de transcription des données a permis une mémoire vive des situations observées et a, de ce fait, facilité l’écriture de la réalité orale. Nous avons non seulement pu retrouver les éléments dont la bande magnétique rendait la compréhension difficile mais nous avons également pu compléter les données orales par le souvenir des comportements physiques adoptés par les participants 141 . La transcription est ainsi une étape intermédiaire entre le travail de terrain et celui de l’analyse des données collectées. Les étapes du choix des situations, du recueil des données et de leur transcription sont toutes trois des étapes préalables à l’analyse mais parties prenantes du travail du chercheur, non seulement parce qu’elles orientent l’analyse qui sera faite des données, mais également parce qu’elles sont très coûteuses en temps 142 .

Notes
135.

Le choix de ces éléments est notamment fonction des objectifs de la recherche, comme nous l’avons précisé sous le point précédent. Edwards précise d’ailleurs à ce sujet « When well-suited to the theorical orientation and research question, the transcript enables the researcher to focus efficiently on the fleeting events of an interaction with a minimum of irrelevant and distracting detail. » (Edwards, 1992 : 3).

136.

Ce qui n’est pas le cas des transcriptions phonétiques qui, si elles permettent une représentation la plus fidèle de la réalité orale, entraînent des difficultés de lecture.

137.

La numérotation des tours de parole et non des lignes pose un problème concernant le statut des régulateurs : ils sont dans ce cas considérés comme des tours de parole à part entière. Nous avons conscience de l’impact théorique d’une telle présentation mais nous la conservons dans un souci de lisibilité des transcriptions.

138.

La présentation en lignes est ici préférée à la présentation dite « en partition » car, si cette dernière facilite la représentation des interruptions et des chevauchements, elle rend la lecture plus difficile.

139.

C’est une nouvelle fois notre point de vue sur la rencontre en tant qu’« interaction de commerce » qui nous amène à désigner les interactants par les initiales de « Vendeur » et de « Client ».

140.

Nous verrons sous le point suivant que les enregistrements ont été opérés en deux phases.

141.

Même si nous avions pris des notes pendant les rencontres, la complexité de décrire certaines attitudes en quelques mots et la « rapidité » de l’interaction ont rendues cette prise de notes peu exploitable. C’est donc le proche souvenir des événements qui a réellement permis leur description.

142.

Pour un aperçu des problèmes que représente le travail sur des données authentiques, voir également Dumas et Hmed (2003).