a) Le cadre spatial et temporel de l’interaction

- le cadre général des interactions : un vendeur qui démarche auprès de particuliers a pour seule possibilité une rencontre sur leur lieu de résidence. Les interactions sont issues de démarches réalisées sur les villes de Vaulx‑en‑Velin (Rhône), Villeurbanne (Rhône), Mâcon (Saône et Loire), Guilherand‑Grange (Ardèche) et Romans sur Isère (Drôme) et sur deux périodes : les mois d’avril et mai des années 1998 puis 1999. Les personnes visitées habitent dans des immeubles. A l’exception de l’interaction n°23 enregistrée dans le jardin d’une maison située en plein cœur de Vaulx‑en‑Velin et de l’interaction n°25 initiée dans le hall d’entrée de l’immeuble dans lequel le prospect habite, la plupart des enregistrements se sont déroulés à la porte d’entrée de chaque appartement concerné 148 . Il s’agit donc d’un lieu privé et relativement resserré, l’agencement des différents paliers variant selon les immeubles.

  • le cadre temporel des interactions : le magnétophone était mis en route dès que le vendeur sonnait à une porte ou à un interphone. La durée des interactions varie entre six secondes et plus d’une heure. Dans la première partie du corpus, la durée des entrées en porte oscille entre six secondes et quatre minutes 149 alors que, dans la deuxième partie, une fois le vendeur entré dans l’appartement, l’interaction peut durer de treize minutes à une heure et plus 150 .

En ce qui concerne les entrées en porte, les interactions de quelques secondes sont plus fréquentes que celles de plus de deux minutes qui constituent des exceptions dans notre corpus 151 . Notons qu’une prise de contact plutôt longue n’implique pas nécessairement qu’elle soit favorable au vendeur. Quelques secondes peuvent lui suffire pour se faire accepter chez le prospect 152 , comme deux minutes passées sur le pas de la porte peuvent ne pas être concluantes 153 . Par contre, la durée des interactions présentées dans la deuxième partie du corpus prend rapidement d’autres proportions. Lorsque le démarcheur entre chez le particulier, la rencontre peut en effet durer d’une quinzaine de minutes à plus d’une heure. La tendance générale est que les interactions qui durent moins d’une demi-heure ne débouchent pas sur une vente 154 alors que celles de près d’une heure sont concrétisées par l’achat d’un produit 155 .

  • le cadre spatial des interactions : le vendeur et le client sont situés d’un côté et de l’autre du seuil de l’appartement. La distance entre les participants est relativement constante. Ils se trouvent dans un face-à-face qui peut être altéré par un faible entrebâillement de la porte d’entrée, celle-ci étant plus ou moins ouverte selon la réaction du particulier. Si l’on considère le seuil comme une séparation entre le territoire du vendeur et celui du prospect, on peut dire que l’espace du vendeur est restreint et vide puisqu’il s’agit d’un hall d’immeuble 156 alors que l’espace du particulier est plus vaste, meublé et personnalisé. D’autres personnes peuvent intervenir à l’intérieur du territoire du particulier.

Il reste à signaler notre position dans le cadre spatial de l’interaction. Nous nous situons à la droite du vendeur, légèrement en retrait, lui laissant une place plus centrale (physique et, de ce fait, interactionnelle). Alors que lui se trouve face au particulier, nous sommes décalée sur le côté et rarement en position de face-à-face avec le client. Nous nous situons près du vendeur pour deux raisons principales : nous devons tout d’abord être assez proche des deux participants pour enregistrer convenablement l’interaction ; nous devons ensuite nous tenir dans une situation proche de celle du vendeur afin de ne pas donner mauvaise impression à l’ouverture de la porte. En terme de territoire, nous nous situons par conséquent dans l’espace du vendeur 157 .

Notes
148.

Quelques enregistrements ont débuté devant l’interphone lorsque l’immeuble n’était pas directement accessible.

149.

Quelques secondes pour les interactions n°39 et 50, et quatre minutes pour l’interaction n°17.

150.

Treize minutes pour l’interaction n°53 et plus d’une heure pour la n°56.

151.

Les interactions n°17 et 20 donnent l’exemple de ce type d’exception.

152.

C’est le cas de l’interaction n°12 du corpus qui dure six secondes.

153.

Ce phénomène est illustré par l’interaction n°20 qui dure trois minutes au bout desquelles le vendeur ne parvient pas à entrer chez le prospect.

154.

Une interaction relativement courte et sans succès pour le vendeur est la n°53.

155.

Ceci est le cas pour les interactions n°54 et 56.

156.

Le palier peut toutefois être support de décoration. On peut ainsi trouver plantes, tableaux, posters, puzzles, paillassons décorés, ou encore dessins d’enfants qui ornent les murs ou les portes des appartements. Le territoire du vendeur se trouve alors être moins vide.

157.

Pour une étude détaillée sur la théorie des « territoires du moi » se reporter à Goffman (1973b).