1.2.2.4. Rassurer le prospect

Une dernière stratégie définissant la ligne d’action suivie par le démarcheur est le fait de rassurer les prospects. Un vendeur étant conscient de la menace que la rencontre engendre pour son interlocuteur, il s’applique à détacher une nouvelle fois sa démarche de tout autre épisode vécu. Alors que le prospect peut actualiser des expériences au cours desquelles une visite identique s’est avérée contraignante, le vendeur indique que sa démarche est toute autre.

Il tente ainsi de rassurer le prospect sur ses intentions en initiant des interventions qui sont des adoucisseurs de la menace. Le corpus présente en effet les formules suivantes :

Interaction n°2 :’ ‘4 V : n’ayez pas peur hein c’est rien’ ‘ Interaction n°4 :’ ‘24 V : non j’vous rassure c’est pou:r ne rien vendre du tout’ ‘ Interaction n°9 :’ ‘2 V : n’ayez pas peur hein c’est rien [...] c’est juste une petite enquête’ ‘ Interaction n°30 : ’ ‘4 V : oh pas d’panique n’ayez pas peur hein c’est- c’est rien d’grave’

D’autres phénomènes de minimisation seront décrits lorsque nous envisagerons les moyens utilisés par le démarcheur pour minimiser l’offense territoriale qu’il commet. Pour ce qui est de la menace provoquée par la référence à des épisodes de l’histoire interactionnelle du prospect, les quelques adoucisseurs relevés dans notre corpus montrent que le vendeur tente de rassurer son interlocuteur. Son but est de limiter la défiance d’un prospect qui lui attribuerait le rôle de vendeur.

Face à une méfiance importante manifestée par le prospect, le démarcheur utilise même parfois l’humour :

Interaction n°32 : ’ ‘7 V : j’ai tué personne j’vous rassure (.) tout le monde est vivant dans la famille (.) tout se passe très bien ’

Son but est alors clairement d’adoucir la menace qu’il peut représenter. Il rassure le prospect quant à ses intentions. Ce comportement participe également au fait de paraître sympathique aux yeux du prospect, ce qui permettra d’acquérir plus facilement sa confiance.

Diverses stratégies globales organisent l’interaction. Leur présence est indispensable. Elles fixent une ligne d’action que le vendeur s’impose car elles permettent, lorsqu’elles fonctionnent, de limiter la menace que son rôle de vendeur représente. Pour se faire admettre comme partenaire d’interaction, le vendeur doit déployer des astuces qui dirigent l’interaction à un niveau global.

Leur manifestation varie selon le contexte interactionnel mais ces stratégies restent des principes appliqués à toutes les rencontres initiées. Le vendeur s’emploie ainsi constamment à donner de lui une première impression positive. Il tente de se mettre au même niveau que son interlocuteur afin que la communication puisse s’établir sans trop de difficultés. Il s’efforce d’avoir une bonne prestance pour être favorablement jugé par ses interlocuteurs et développe alors plusieurs stratégies qui le font paraître sympathique aux yeux du prospect qui sera susceptible, en retour, d’être lui aussi sympathique.

Par toutes ces stratégies menées conjointement à la dissimulation de son rôle réel de vendeur et au procédé de l’intérêt simulé, le démarcheur tente d’amener progressivement la confiance, ou tout du moins la « non-défiance », du prospect. Elle entraînera une meilleure adhésion à ses propos et permettra ainsi la poursuite de la démarche commerciale. La confiance du particulier apparaît alors comme l’élément essentiel sans lequel la menace que représente le vendeur constituerait un poids trop considérable pour que le prospect accepte de développer toute interaction.

L’ensemble des stratégies que nous venons de décrire permet ainsi de limiter un des problèmes posés par la démarche du vendeur. La confiance du prospect permet d’écarter le sentiment d’anti-confiance qu’il peut éprouver. Le péril que représente l’interaction est alors éloigné car le démarcheur ne semble pas vraiment assimilable à tous les épisodes malheureux déjà vécus.

Cependant, le fait que le démarcheur soit un enquêteur plutôt qu’un vendeur, qu’il semble personnaliser sa démarche et qu’il semble être sympathique, ne permet pas de négliger l’offense territoriale commise. Cette intrusion persiste même si une certaine confiance est accordée au démarcheur. Le vendeur réussit ainsi à se faire accepter comme partenaire d’interaction grâce aux procédés que nous venons d’envisager mais aussi grâce à l’utilisation de la politesse linguistique qui joue un rôle important dans la minimisation de l’intrusion qu’il provoque.