2.1.5. Minimisation explicite du dérangement

Afin de minimiser la portée de l’ingérence commise, le vendeur explique les raisons de sa visite.

Interaction n°43 :’ ‘2 V : bonjour madame excusez-nous d’vous déranger on réalise une petite enquête auprès des habitants du quartier’ ‘ Interaction n°20 :’ ‘4 V : excusez-moi d’vous déranger: je viens récupérer la p’tite fich:e

Dans la présentation de sa démarche, le vendeur indique qu’il ne s’agit que d’une « petite enquête » ou encore que la visite ne sert qu’à « récupérer la p’tite fiche » 263 . Ces informations sont apportées dès les premières interventions du démarcheur puisqu’elle suivent immédiatement l’échange de salutations. Elles permettent au prospect de cerner l’objectif de la démarche (même si celui-ci reste flou). Le vendeur ne pouvant guère entrer dans le détail 264 , ces explications sont complétées par des précisions qui minimisent explicitement le dérangement provoqué.

Interaction n°2 :’ ‘8 V : c: (.) c’est pas très très long c’est absolument pas indiscret [...]’ ‘ Interaction n°4 :’ ‘58 V : c’est pas compliqué [...] oh c’est pas bie- c’est pas bien méchant’ ‘ Interaction n°5 :’ ‘15 V : c’est pas très très long en plus’ ‘ Interaction n°23 :’ ‘25 V : [...] y en a pas pour très longtemps [...]’ ‘ Interaction n°24 :’ ‘15 V : [...] c’est très rapide hein [...] (il) y en a pour cinq minutes hein [...]’ ‘ Interaction n°25 :’ ‘39 V : [...] on va pas vous embêter trop longtemps [...]’ ‘ Interaction n°30 :’ ‘8 V : ah ben on fait une enquête tout simplement (.) qui est assez rapide pour les gens pressés [...]’ ‘ Interaction n°48 :’ ‘18 V : ça- ça a rien d’long c’est absolument pas indiscret j’vous rassure c’est très très rapide’

Ces quelques interventions ont une double fonction. Tout d’abord, elle permettent de devancer les objections que le prospect est susceptible d’avancer contre la démarche qui lui est proposée. L’argument le plus fréquent est le manque de temps et ce thème est largement évoqué dans les précisions apportées par le vendeur . Ensuite, ces interventions rassurent un prospect menacé sur son territoire personnel. La démarche met en danger sa face négative aussi bien au niveau temporel (à cette inquiétude le visiteur précise « c’est pas très très long » [8V, I2], « on va pas vous embêter trop longtemps » [39V, I25]), qu’au niveau des ses savoirs secrets (mais « c’est absolument pas indiscret » [18V, I48], « c’est pas bien méchant » [58V, I4]).

Ces minimisations apparaissent au moment où le prospect hésite à accepter l’enquête proposée. Ce sont des arguments en faveur d’un accord. Même si le fait de dire que l’entretien est rapide constitue un véritable mensonge 265 , cette précision peut influencer la décision du prospect. S’il semblait décidé à ne pas perdre de temps, il peut alors changer d’avis puisque la démarche est censée ne l’occuper qu’un court instant. La menace territoriale commise est alors atténuée par sa prétendue rapidité.

Le vendeur produit par conséquent des minimisations explicites de l’offense commise. Evoqué tout au long de l’interaction, le thème du dérangement occupe une place centrale dans le développement des interventions du démarcheur. En reconnaissant l’offense territoriale qu’il commet, il atténue du même coup la menace que peut ressentir son interlocuteur. Il essaie, tout en s’excusant pour le dérangement occasionné, de le convaincre que cette menace reste minime puisqu’il ne s’agit que d’une enquête « très rapide » et « absolument pas indiscrète ».

Notes
263.

L’omniprésence du minimisateur « petit » sera étudiée sous le point 2.3. 

264.

Le vendeur ne peut et ne veut pas préciser davantage l’objectif de la visite. Aucun développement de la démarche n’est possible sur le pas de la porte sans mettre en péril son bon déroulement. Ainsi, il se contente de donner un minimum d’informations. Face aux interrogations du prospect, il précise généralement simplement le sujet de l’enquête, par exemple : « c’est pour savoir comment les gens s’informent » (9V, I1).

265.

Hors les cas où le particulier ne représente pas un bon client pour le vendeur, l’entretien entre les participants peut durer jusqu’à près d’une heure (interaction n°56), voire plus de deux heures comme ce fut le cas pour l’interaction n°24 dans laquelle le vendeur annonçait pourtant, lors de l’entrée en porte : « [...] c’est très rapide [...] (il) y en a pour cinq minutes hein madame R. [...] » (15V, I24).