2.3.2. Une séquence préliminaire saturée d’atténuateurs

La séquence préliminaire, dont le noyau correspond à la question préalable à la requête, a pour fonction d’atténuer non seulement l’ingérence provoquée par la visite, mais aussi un acte menaçant tel que la demande d’entrer dans l’appartement du particulier 307 . Cependant, malgré sa valeur d’adoucisseur, elle constitue elle-même un FTA puisqu’elle fait partie de l’offense générale qu’engendre la démarche du vendeur. Dans chacune des interventions du démarcheur, on peut relever de nombreux procédés de politesse négative 308 . A la substitution du présent par le conditionnel (« vous auriez », I34-4V) ou le passé de politesse (« on venait », I17-39V) s’ajoute une multitude d’accompagnateurs de l’acte menaçant. Les accompagnateurs les plus fréquents sont indéniablement les minimisateurs, parmi lesquels l’adjectif « petit » apparaît comme le « chef de file ».

« Petit » est un minimisateur au sens strict du terme. Il tend à réduire, à « rendre plus petite », la menace que constitue le FTA. Lors de la prise de contact, il est omniprésent et se combine avec d’autres minimisateurs tels que « juste », « quelque », « simplement », etc. Les exemples suivant ne représente qu’une poignée de tous ceux qu’il est possible de relever dans le corpus pour illustrer cette utilisation des procédés substitutifs et additifs.

Interaction n°1 :’ ‘7 V : [...] c’est juste une petite enquête [...]’ ‘ Interaction n°17 :’ ‘39 V : […] on v’nait vous voir excusez-nous parce qu’on a mis une p’tite fiche dans la boîte aux lettres parce qu’on fait des p’tites enquêtes’ ‘ Interaction n°18 :’ ‘6 V : c’est pour récupérer la p’tite fiche que j’vous ai mise dans la p’tite boîte aux lettres madame’ ‘ Interaction n°34 :’ ‘4V : [...] est-ce que vous auriez quelques p’tites minutes à nous accorder’ ‘ Interaction n°2 : ’ ‘12 V : [...] pour savoir comment les gens s’informent tout simplement ’ ‘ Interaction n°4 :’ ‘33 V : [...] c’est juste pour savoir comment les gens s’informent [...]’ ‘ Interaction n°14 :’ ‘19 V : [...] nous devons voir toutes les familles pour les questionner un p’tit peu sur la scolarité de leurs enfants’ ‘31 V : j’vous prends deux p’tites minutes pour remplir une p’tite fiche non/’ ‘ Interaction n°18 :’ ‘14 V : [...] c’é:tai:t une p’tite enquête [...]’ ‘ Interaction n°20 :’ ‘16 V : [...] alors ça a un rapport simplement avec le programme télé’ ‘ Interaction n°24 :’ ‘15 V : [...] il faut simplement remplir ce p’tit heu: ce pet- petit résumé ici [...]’ ‘ Interaction n°25 :’ ‘26 V : [...] tout simplement d’un point de vue général [...]’ ‘ Interaction n°27 :’ ‘32 V : [...] c’est tout (.) savoir un p’tit peu comment ça s’passe à l’éco:le [...]’

Dans l’ensemble de la séquence préliminaire, toutes les interventions du vendeur contiennent un nombre important d’atténuateurs de la menace. A l’image de ces extraits, le démarcheur combine l’utilisation de procédés additifs (« petit », « tout simplement », « juste », etc.) et de procédés substitutifs (« c’était », « vous auriez ») qui viennent renforcer l’effet adoucisseur des actes dans lesquels ils prennent place.

Notes
307.

Ces préliminaires à la requête principale ont fait l’objet du point 2.1.2.4.

308.

La politesse dite « négative » est celle qui consiste à adoucir les FTAs. La politesse « positive » consiste, elle, à produire des FFAs, de préférence renforcés. Sur ce point, voir notamment Kerbrat-Orecchioni, 1992.