2.3.3.1. La requête principale

La requête principale de l’entrée en porte est celle qui sollicite l’accès à l’appartement du particulier 309 . Même si cette requête est précédée, et donc atténuée, par une question préliminaire qui s’entoure de nombreux adoucisseurs, elle représente en elle-même une menace importante puisqu’elle tente une intrusion dans le territoire de son destinataire. Ce FTA doit par conséquent être toujours plus minimisé et le démarcheur formule cet acte avec le plus de précautions possibles.

Le corpus présente deux types de formulations pour cette requête principale de l’entrée en porte : « est-ce qu’on peut entrer deux minutes » et « est-ce que vous avez un petit coin de table » 310 . Toutes deux sont indirectes dans la mesure où elles portent sur une des conditions de leur réalisation. La première est minimisée par les procédés additifs, tels que « deux minutes », qui ont été répertoriés sous le point précédent : « on peut entrer deux minutes/ » (15V, I24). On note également l’emploi du modalisateur « pouvoir » qui renforce l’atténuation de la formulation de l’acte. La deuxième requête relevée évoque l’installation à l’intérieur de l’appartement sans mentionner de manière explicite l’entrée dans ce lieu. L’intervention « vous avez un p’tit coin d’table/ » (5V, I12) fonctionne également comme une requête indirecte dans la mesure où le particulier répond sur la valeur de question portant sur la possibilité d’entrer. La réactive « ouais » (15C, I2) est accompagnée d’un mouvement arrière du corpus du particulier qui invite le visiteur à entrer 311 .

Ce deuxième type de formulation indirecte est un procédé substitutif qui adoucit la requête 312 . Cette requête indirecte est la formulation privilégiée par les vendeurs car cette version produit un adoucissement plus important que celui qu’entraînent les procédés minimisateurs signalés dans la première formule (« on peut entrer deux minutes »). Dans la plupart des cas, les deux procédés, additifs et substitutifs, se complètent puisque, la requête indirecte ne sollicite qu’un « p’tit coin » de table.

Notes
309.

Le rapport entre pré-requête et requête principale a été envisagé sous le point 2.1.2.4.

310.

La requête « on peut entrer deux minutes » n’est attestée qu’une seule fois (interaction n°24) contre quatre pour « est-ce que vous avez un petit coin de table à nous accorder » (interactions n°2, 12, 13 et 49). Sur les 17 interactions du corpus où le démarcheur parvient à entrer dans l’appartement du particulier, seules 5 comportent une requête concernant la possibilité d’accès à l’appartement. Dans les autres cas, on observe deux comportements : soit le vendeur accède à l’appartement par le biais d’une assertion du type « oh la la ben attendez on va rentrer ça s’ra p’t’être mieux parce qu’avec tout ça moi j’pense que je n’y arriverai plus hein » (107V, I17) (c’est le cas des interactions n°17, 22, 23 et 25), soit le particulier invite le visiteur à entrer sans qu’aucune demande préalable n’ait été formulée, comme attesté dans les interactions n°42, 43, 51, 52, 53, 54, 55 et 56 où l’accès peut être verbalisé (« oui (.) ben: entrez », 6C , I54) ou non.

311.

Dans d’autres interactions, comme la n°49, cette requête indirecte est complétée : « vous avez un p’tit coin d’table à nous accorder » (10V). Une telle formulation conduit le destinataire à interpréter l’acte comme une requête indirecte d’entrer dans l’appartement puisque l’élément « à nous accorder » indique que l’intervention n’est pas une simple question sur la détention d’un « p’tit coin d’table ». La réponse du particulier « oui (.) entrez » (11C1) répond ainsi explicitement à cette demande d’entrée.

312.

Sur le lien entre l’indirection de la requête et la politesse, voir Blum-Kulka (1987).