Conclusion : l’omniprésence des procédés de la politesse négative

Aux stratégies directes d’adoucissement du dérangement provoqué, tels l’excuse ou la question sur ce dérangement, s’ajoutent celles, comme le compliment ou la justification, qui atténuent de manière plus indirecte cette ingérence. C’est alors tant la présence de ces actes de langage que leurs formulations, fortement marquées par l’ensemble des procédés de la politesse linguistique, qui participent à l’amadouage 317 de la démarche, ainsi que de chacun des actes menaçants qu’elle comporte.

Au cours de son expérience, le vendeur acquiert des automatismes de formulation. Les stratégies qu’il emploie semblent être constantes : on remarque par exemple que la pré-requête « est-ce que vous avez quelques petites minutes à nous accorder » est souvent relevée dans le corpus. Un des quatre vendeurs utilise en effet cette formule à chacune de ses démarches. Cette pré-requête est totalement incluse dans sa démarche. Il semble alors que le vendeur possède une méthode commerciale préétablie, appliquée à chaque nouvelle rencontre. Cependant, toute interaction met en jeu la spontanéité des interactants et si l’on considère que la démarche est prédéterminée, la spontanéité du vendeur peut être remise en question.

Il faut en fait remarquer que, malgré une démarche travaillée et constamment utilisée par le vendeur, ce dernier ne peut prétendre l’appliquer sans en modifier la forme en fonction des réactions de son interlocuteur.

‘Ainsi, s’il est fréquent que les sujets “se préparent” pour certaines interactions présentant un enjeu, et “mettent en place” divers scénarios d’action et de défense, il n’en demeure pas moins que la stratégie se décide sur le terrain en fonction de la dynamique particulière à l’échange. Quel stratège serait assez inconséquent pour s’entêter dans l’application d’une stratégie non payante et ne pas profiter d’opportunités imprévues ? (...) les batailles se gagnent sur le terrain et non dans les projets préalables. (Vion, 1992 : 196).’

L’inventaire des stratégies se base effectivement sur la totalité du corpus. Un tel ensemble n’est pas relevé dans une unique interaction. Ces stratégies de minimisation ne sont pas systématiquement appliquées car le vendeur doit inévitablement tenir compte du contexte interactif particulier dans lequel il évolue 318 . Il opère des choix influencés par le comportement de son interlocuteur. Il doit alors être capable de développer des stratégies d’adaptation sans lesquelles la démarche échouerait. Les stratégies mises en place par le démarcheur, pour établir une relation, prennent ainsi en compte les réactions effectives du prospect. Une véritable interaction est alors développée

Notes
317.

Nous empruntons ce néologisme à Traverso qui étudie « l’amadouage dans la visite improvisée » (1996 : 45).

318.

Nous avons par exemple noté, sous les points 2.1.2.1. et 2.1.2.2., que des interventions telles que les salutations complémentaires ou le compliment ne sont développées que lorsque le contexte le permet.