5.2. Tenir compte des images proposées par le particulier

Les réponses que l’enquêté apporte aux questions du démarcheur sont précieuses. Au-delà des informations concrètes qu’il donne, par exemple, sur la composition de son foyer ou les ouvrages qu’il possède 454 , le particulier produit un discours, et ce discours propose une image de lui-même. En tant que destinataire de ce discours, le vendeur est en mesure de se faire une représentation de son interlocuteur 455 . L’image qu’il peut se faire de lui est un atout indispensable à sa démarche.

‘Il est évident que pour tenir un discours sur n’importe quel sujet, il faut en avoir une idée, s’en être fait une certaine représentation. D’autre part, les postulats qui précèdent montrent qu’il faut aussi avoir ou se faire une représentation de celui auquel on s’adresse. (Grize, 1990 : 33)’

Certes, cette représentation ne passe pas exclusivement par le discours mais il est un des éléments qui participe à ce que Lipiansky nomme le processus d’attribution :

‘(…) celui-ci « consiste à émettre un jugement, à inférer “quelque chose”, une intuition, une qualité, un sentiment sur son état ou sur l’état d’un autre individu, à partir d’un objet, d’une disposition spatiale, d’un geste, d’une humeur » (Moscovici, 1972, p. 60) . C’est dire qu’en dehors de la catégorie d’appartenance, c’est à partir de certaines caractéristiques perçues, associées au physique, à la tenue, aux comportements, au discours de la personne que vont être inférés des traits psychologiques qui lui sont attribués. (Lipiansky, 1992 : 204) 456

Ces traits psychologiques vont servir la démarche puisque la représentation que le vendeur se fait de l’autre est déterminante. Pour atteindre son objectif commercial, il ne peut appliquer une démarche fixe donc impersonnelle sans l’adapter à chacun de ses interlocuteurs. Ainsi, même si « on ne se représente jamais une personne, mais certains de ses aspects : ses savoirs, ses desseins, ses valeurs. » (Grize, 1990 : 33), l’accès à la personnalité du particulier est essentiel. Il permet au vendeur d’ajuster sa démarche et son propre discours à l’autre (5.2.1.), et le fait qu’il n’ait qu’un accès restreint à sa personnalité est rapidement compensé puisque les thèmes qu’il soumet au jugement de l’enquêté sont soigneusement choisis pour apporter une information principale : savoir quel client potentiel représente le particulier (5.2.2.).

Notes
454.

Nous considérerons sous le point 5.2.2. l’importance qu’ont ces informations dans la démarche commerciale. Elles permettent de cerner quel produit est susceptible d’intéresser le client potentiel que représente le particulier.

455.

Nous empruntons ici la terminologie de Grize qui différencie les notions de « représentation » et d’« image » en ces termes : « orateur et auditeur ont des représentations et le discours propose des images » (Grize, 1990 : 33). Dans une autre perspective (dite « sémiolinguistique »), Charaudeau (1983) « distingue le JE communiquant , sujet “réel”, et le JE énonciatif, image du sujet construite dans et par son énonciation. » (Vion, 1992 : 87).

456.

L’expression « catégorie d’appartenance » fait référence au processus de catégorisation qui se trouve à la base du mécanisme d’attribution. Lipiansky indique que « c’est souvent à partir de la classification d’un individu dans une catégorie sociale déterminée (comme le sexe, l’âge, la profession, le groupe ethnique, la croyance idéologique…) que lui sont conférés certains traits plus ou moins stéréotypés : « les sujets feront, dans cette optique, des attributions à autrui en fonction de la représentation cognitive qu’ils ont de la catégorie d’appartenance de cet alter. » (J.-C. Deschamps, 1977, p. 12) » (Lipiansky, 1992 : 204).