6.1.1.1. La description du contenu de l’enquête

Le démarcheur présente l’interaction comme une enquête pour se détacher du statut de vendeur. Cette modification le pousse à posséder le savoir relatif à la nature de l’enquête proposée puisqu’il doit être en mesure d’en donner une description.

Interaction n°9 :’ ‘6 V : pour savoir comment les gens s’informent (.) radio: télévision: journau:x revu:es Minitel Internet et compagnie\’ ‘ Interaction n°20 :’ ‘16 V : […] alors ça a un rapport simplement avec le programme télé’ ‘ Interaction n°33 :’ ‘6 V : c’est au sujet des moyens d’information qu’utilisent les habitants (.) radio télévision journaux revues Minitel Internet […]’ ‘ Interaction n°52 :’ ‘7 V : voilà c’est sur c’que vous lisez et regardez à la télé en général’

Face aux interrogations du prospect, qui sollicite des précisions sur la démarche, le vendeur décrit les objectifs d’une enquête qui n’est pourtant pas réelle. Les informations qu’il donne varient souvent d’un prospect à l’autre et restent très générales, mais elles ont en commun le fait de délimiter le thème de l’enquête. Parfois, la question du particulier est plus ciblée : elle concerne l’émetteur de l’enquête, le démarcheur n’étant qu’un intermédiaire :

Interaction n°44 :’ ‘18 C : […] vous travaillez pour quelle entreprise en fait c’est quelle entreprise qui vous a demandé-=’ ‘19 V : =ldp=’ ‘20 C : =ldp/=’ ‘21 V : =j’sais pas si: non c’est pas très connu c’est normal c’est une p’tite entreprise lyonnaise’

Alors que l’enquête annoncée n’est qu’un prétexte et non l’objectif réel de la démarche, c’est bien la véritable identité du commanditaire de la visite qui est révélée. Ce dévoilement de l’émetteur de l’enquête, et de la vente, n’est cependant que partiel. Le vendeur ne donne que le nom de la filiale LDP, et non celui de la société Hachette 483 , et il n’en indique que les initiales. L’utilisation du sigle de l’entreprise Le Livre de Paris permet au vendeur de ne pas évoquer l’idée d’un livre face à un particulier déjà très sceptique quant à la nature de la démarche. De la même manière, le vendeur peut fondre les indications trop explicites dans un flot d’informations.

Interaction n°52 : ’ ‘31 C : […] vous faites ça pour qui/’ ‘32 V : pour l’groupe Lagardère (.) vous connaissez/’ ‘33 C : non pas du tout’ ‘34 V : heu: c’est tout c’qui est heu Matra: Europe Un: Grasse:t Faya:rd Hache:tte [heu et cætera: et cætera:’ ‘35 C : [ok (.) d’accord’

Dans cet extrait, le vendeur donne le nom du groupe Lagardère puis cite les sociétés qui en font partie. Il énumère quelques-unes de ces compagnies avant de nommer Hachette. Cette dernière société, émettrice de l’enquête de manière plus directe que ne peut l’être le grand groupe Lagardère, apparaît en fin de liste. Il en minimise l’importance puisqu’il la place parmi d’autres. Il n’était pourtant pas dans l’obligation de parler d’Hachette étant donné que la première réponse apportée (« pour l’groupe Lagardère », 32V) paraissait suffire au particulier. C’est en effet le vendeur qui propose d’expliquer ce qu’est le groupe Lagardère (« vous connaissez », 32V) alors que le particulier semblait se contenter de cet élément de réponse 484 . Un tel comportement montre que le vendeur n’hésite pas, même s’il y met les formes, à décrire l’enquête et à révéler l’identité de son émetteur. L’objectif réel de la démarche n’est, certes, pas celui proposé mais la présence de la fiche et la description spontanée qui est faite de l’interaction permettent de prouver qu’il s’agit bien d’une enquête.

Notes
483.

Le rapport entre ces différentes sociétés est présenté dans l’Introduction Générale.

484.

Malgré le temps de pause laissé par le vendeur (« pour l’groupe Lagardère (.) vous connaissez », 32V), le particulier n’a en effet manifesté aucune réaction sollicitant une explication.