Lorsque le prospect accepte de se prêter au jeu de l’enquête, il entre dans le scénario correspondant et tient son rôle d’enquêté. Cependant, l’enquêteur, lui, est un vendeur. A ce titre, son but est de faire acheter un produit, produit qui doit apparaître pour être vendu. Dans le système de la Vente Directe, un article peut apparaître sous diverses formes. Le vendeur peut exposer une gamme de produits par l’intermédiaire d’un catalogue (abonnement à des journaux, produits surgelés, etc.) alors que d’autres articles sont présentés dans leur intégralité matérielle (aspirateurs, lingerie, etc.). Là où la première série de produits permet une présentation rapide à la vente, d’autant plus que les produits sont généralement connus du client 533 , la seconde nécessite une prise de rendez‑vous avec le client potentiel 534 . Il s’agit alors de présenter le produit attendu dans les moindres détails. Notre produit se situe entre ces deux catégories. Au centre d’un continuum des types d’articles soumis à la Vente Directe, un échantillon peut être exposé. L’échantillon d’une encyclopédie est construit en reprenant les principales caractéristiques externes et internes de l’ouvrage de référence. C’est cette représentation, désignée par les vendeurs sous le terme de « maquette », qui est présentée aux clients potentiels de notre corpus 535 .
La présentation d’un échantillon au lieu de celle de l’intégralité d’un produit ne constitue pas, en elle-même, un événement surprenant. Néanmoins, le point sur lequel peuvent s’étonner les prospects est le simple fait que leur interlocuteur présente un article, et ceci quelle qu’en soit la forme. Une telle séquence est, certes, compatible avec le scénario de la vente mais ne l’est pas dans celui imaginé par l’enquêté. Le script de l’enquête subit alors une modification puisqu’il ne prévoit pas a priori la présentation d’un produit. Le prospect se retrouve face à un événement inattendu susceptible de provoquer une rupture de cadre 536 . Aussi, deux moyens complémentaires sont-ils mis en œuvre pour introduire cet épisode. L’encyclopédie apparaît d’abord comme une entité abstraite, un objet de discours, la référence est construite de manière très progressive et la désignation n’est jamais explicite (7.1), puis elle se matérialise, d’abord imaginée et décrite par l’enquêté, puis comme un objet du monde, réel et concret, introduit au terme de divers préalables (7.2).
Un catalogue présentant diverses formules d’abonnement à des articles de presse joue sur le fait que les magazines ou journaux concernés sont globalement connus et appréciés. Ils sont alors rapidement présentés dans la mesure où ils permettent une mise en confiance du client potentiel. Le travail du vendeur n’est alors pas de présenter le contenu des magazines mais d’indiquer les avantages financiers que propose son établissement quant à leur acquisition.
Celui-ci sera alors averti et en accord avec le fait qu’un produit destiné à la vente soit introduit chez lui. Cette autorisation est nécessaire compte tenu de l’importance matérielle du produit présenté.
Une description de la maquette sera proposée dans la seconde partie de ce Chapitre. Elle a de plus déjà été évoquée dans le Chapitre 4 .
« Cadre » est ici pris dans le sens défini par Goffman (1991), tel que nous l’avons étudié dans l’Introduction Générale.