8.2.2. Quelle activité d’écriture ?

8.2.2.1. Différentes tâches d’écriture

Le démarcheur reporte les réponses du particulier sur la fiche de différentes manières. Il coche des cases, barre des mots, complète d’autres espaces laissés vides 634 . Ce travail d’écriture dépend de la composition de la fiche. L’agencement des différents espaces graphiques est fonction du type de question posée, puisque questions ouvertes, questions fermées et questions à choix multiples n’attendent pas le même genre de réponse. Ainsi, sur la première page de la fiche, on relève deux manières de recueillir les réponses de l’enquêté : des lignes ou des cellules de tableaux à remplir et des cases à cocher. Dans les deux premiers cadres, les réponses du particulier sont reportées en toutes lettres et, dans le troisième cadre, deux activités sont requises : un questionnaire à choix multiples doit être renseigné en cochant des cases, puis des lignes sont à remplir 635 .

La composition des pages intérieures de la fiche est plus surprenante. Une observation globale est marquée par la présence de différents espaces vides (notamment le tableau de la page 3) destinés à être noircis par les réponses de l’enquêté, mais une étude plus détaillée révèle que la place attribuée aux questions est largement supérieure à celle accordée au report des réponses. En effet, nombre de questions ne sont suivies que d’un espace minimal, quand elles sont suivies d’un espace… Une comparaison peut être faite entre les cadres de la page 2 intitulés « NATURE » et « MEMO/ILL ». Là où le premier cadre laisse un espace vide, matérialisé par le tracé d’une ligne horizontale, pour recueillir les réponses aux questions « Attachez-vous de l’importance à l’écologie, l’environnement ? Pourquoi ? », le second ne laisse aucune place après la sollicitation « Quelle époque préférez-vous, 1843 à 1944 [ou] 1939 à nos jours. Pourquoi ? ».

Dans ces deux derniers cas, aucune inscription de la réponse n’est possible puisque la place laissée est trop réduite, voire inexistante. Malgré l’impression que laisse la première page de la fiche, les mêmes remarques peuvent être faites puisqu’il semble difficile d’intégrer les réponses apportées dans le discours qui suit dans un espace aussi petit que les deux centimètres que propose la fiche après l’inscription « livres ».

Interaction n°51 : ’ ‘84 V : […] et au niveau des: des livres’ ‘[…]’ ‘109 C : […] Pennac (.) bon alors après il y a Dolto (.) Françoise Dolto=’ ‘110 V : =ah oui=’ ‘111 C : =il y a Françoise Dorin (.) ce sont mais acteurs pré- heu: mes auteurs préférés hein=’ ‘112 V : =mm=’ ‘[…]’ ‘115 C : […] moi je: je suis: j’ai la collection Rombaldi:’

Même s’il est certain que les commentaires du particulier sur chacun des auteurs cités ne sont pas à reporter sur la fiche, la seule liste des trois écrivains, auxquels s’ajoute la collection littéraire citée, est trop importante pour être inscrite dans l’espace laissé 636 . Un cadre entier de la page 2 présente également la caractéristique de n’être composé que de questions. La mise en page de l’espace intitulé « ASTROLOGIE » ne suggère aucun travail d’inscription. Aucune case n’est à cocher et aucune ligne ne doit être remplie. La composition de ce cadre se fait autour de deux questions dirigées par les sollicitations « pensez-vous » puis « souhaitez-vous ». Chacune initie différents thèmes sur lesquels le particulier est amené à réagir sans que soit prévu un report graphique de ses propos 637 .

L’activité d’écriture du démarcheur est ainsi grandement limitée. Il effectue bien un geste graphique à chaque réponse apportée (les marques précédemment évoquées sont relevées tout au long de la démarche) mais ce geste n’est pas très développé. L’écriture littérale des réponses apportées est finalement limitée à quelques questions, principalement celles de la première partie de la fiche, et les autres gestes ne consistent qu’à cocher des cases, voire à entourer les thèmes traités, quand la fiche le propose. Cette mise en page ne privilégie donc pas le recueil des réponses apportées par le particulier. La simulation de l’enquête trouve ici ses limites. Même si le discours du démarcheur prend bien la forme attendue par son interlocuteur (la structure ternaire question/réponse/inscription de la réponse), ce troisième acte n’est pas réalisé pour rendre compte, dans un cadre extérieur à celui de la rencontre, des réponses de l’enquêté. En fait, le contenu reporté sur la fiche n’a généralement que peu d’importance. Seuls quelques actes d’inscription font l’objet du plus grand soin.

Notes
634.

Nous ne disposons pas d’exemplaires de la fiche remplis par les vendeurs. Nous avons eu l’autorisation d’emporter uniquement des fiches vierges. L’analyse qui suit se base par conséquent sur des prises de notes que nous avons effectuées pendant les démarches. Notre description tentera de rendre compte au mieux de l’activité graphique du démarcheur.

635.

Le cadre préliminaire situé en haut de la fiche n’est pas considéré dans cette description dans la mesure où il ne recueille pas les réponses du particulier mais des informations délivrées par le vendeur sur la démarche effectuée (il doit alors remplir trois espaces puis cocher une case).

636.

Avant de citer ces auteurs, le particulier a annoncé préférer les écrivains contemporains. Le détail donné ensuite peut ne pas être noté sur la fiche. Le problème reste cependant entier puisque même le seul terme « contemporain » tient difficilement sur les deux centimètres laissés à droite de l’indication « livres ».

637.

Le démarcheur valide tout de même chaque question posée en entourant le point graphique qui précède chaque question ou en réalisant une barre oblique à la suite de chaque énoncé.