1. Après l’accord

Lorsque le particulier donne son accord quant à l’achat de l’encyclopédie, le démarcheur sort de son sac le contrat de vente. Cet acte ne correspond pas à ce que requiert la démarche-type. En effet, contrairement à ce qu’indique la fiche, représentante de cette démarche idéale, le bon de commande (symbolisé par les initiales « BC » entourées) n’apparaît pas au même moment que l’inscription et l’énoncé des formules de paiement. La fiche montre que le vendeur doit profiter de la consultation, dans un classeur, des différents prix pour sortir le contrat. Cependant, dans les interactions de notre corpus, ce document n’intervient que lorsque le vendeur est certain d’avoir face à lui un nouveau client.

Le contrat de vente est alors rempli dans une atmosphère qui se détend. Le vendeur complète le document en inscrivant les réponses que le client apporte à ses questions. Les premiers renseignements notés sont repris de la fiche puisqu’elle comporte les noms, prénoms et adresse du particulier. Ensuite viennent les informations sur la date et les modalités de livraison et de paiement puis les coordonnées et la situation bancaires (date d’ouverture du compte, salaire, autres prêts en cours, etc.). Ces renseignements s’entremêlent avec d’autres échanges de type conversationnel qui portent sur le thème de l’encyclopédie ou sur d’autres sujets 707 . A mesure que le remplissage du contrat touche à sa fin, ces épisodes conversationnels deviennent plus développés.

Lorsque les cases qui nécessitent le plus d’attention de la part du vendeur sont remplies (c’est notamment le cas de celles concernant les coordonnées bancaires du client), les échanges de type conversationnel se multiplient. Les interventions du vendeur, qui étaient jusqu’alors relativement courtes puisque menées de front avec son travail d’écriture, sont plus étendues. Les raisons de cette évolution sont doubles : le vendeur est plus libre de converser et il se doit de converser. En effet, l’étape finale de la démarche ne consiste pas simplement à remplir le contrat et à le faire signer. Le vendeur doit également « cimenter la vente » 708 . Il ne peut quitter le client dès l’obtention de sa signature.

Une fin de rencontre précipitée laisserait le particulier sur un sentiment défavorable concernant cette rencontre commerciale : un lien privilégié doit être conservé entre l’entreprise et les clients. En effet, dans la Vente Directe, le contrat peut être annulé dans les sept jours qui suivent sa signature. Le vendeur ne peut courir ce risque et prend alors le temps de « quitter convenablement » son interlocuteur. Il laisse ainsi libre cours aux conversations qui apparaissent. Dans cette séquence finale, ses ultimes actes d’application de la démarche-type seront d’essayer de renseigner les tout derniers cadres de la fiche. Le vendeur va glisser au cours des échanges la possibilité de parrainer une personne susceptible d’être intéressée par ce type d’encyclopédie (I56, 1002V) et va ensuite tenter de voir si le particulier, qui se trouve au chômage, est intéressé par la Vente Directe (I56, 1143V).

Le remplissage du contrat et les échanges qui suivent occupent un long moment de la démarche 709 . Même si l’on ne peut pas dire qu’ils n’en font pas partie, puisqu’ils concrétisent la vente et participent au fait que le particulier ne l’annule pas, ils se situent tout de même en marge des autres étapes. Les phases situées entre l’ouverture de la porte et l’obtention de l’accord du particulier sont celles qui sont réellement le cœur de la démarche. Ce sont elles qui amènent un accord quant à l’achat d’un produit de la part d’un particulier démarché sur son lieu de résidence sans l’avoir voulu. Dans cette large première partie de la démarche, cet accord n’est, certes, qu’oral — il sera concrétisé par la signature du contrat écrit — mais il est bien réel. La preuve en est que lorsque cet accord oral est obtenu, personne ne refuse de signer le document qui l’officialise et que, dans les démarches que nous avons suivies, aucune n’a fait l’objet d’une annulation ultérieure de la part du client.

Notes
707.

C’est d’ailleurs parfois à ce moment-là que notre rôle dans la démarche est évoqué (« et vous vous prenez des notes/ » I56, 605C).

708.

Cette expression est employée par les vendeurs.

709.

Dans cette interaction n°56, ils s’étendent entre l’intervention 575V et 1214V. Le nombre de tours de parole est alors quasiment identique à celui de la première partie de la démarche (même s’il n’y a pas forcément de correspondance entre ce nombre et la durée de chacune des parties).