1.2.2.1. Socrate, L’Ancien Régime, le Compagnonnage et la Révolution Industrielle

Déjà Socrate avec la maïeutique : sa façon de conduire le dialogue, de questionner et d’amener l’autre à développer sa propre pensée en prenant conscience des insuffisances de son niveau initial de réponse, jette les bases d’une pédagogie interactive de guidage que d’autres reprennent. De l’émulation et entraide de chez Quintillien, du système de guidage entre élèves et la pratique « d‘enseigner pour mieux apprendre » de Cornénius, et l’idée de guidage de Pestalozzi, tous reconnaissent l’idée de tutorat ou de « monitorat » comme la coopération et l’entraide des plus forts pour aider et conseiller les plus faibles à s’approprier l’information. Le système du monitorat répondait donc à un double objectif : compenser le manque de personnel qualifié et proposer une pédagogie interactive.

Sous l’Ancien Régime, les rôles et les fonctions des élèves officiers ou des moniteurs offrent un moyen de scolariser des enfants pauvres presque gratuitement et de compenser le manque d’enseignants qualifiés tout en rendant les élèves plus actifs et plus impliqués dans leur apprentissage.

A partir du XVIe siècle, ce système s’étend dans les communautés ouvrières pour permettre aux gens d’apprendre un métier à partir de situations réelles, dans lesquelles le savoir, le savoir-faire et le savoir-être étaient visés, ainsi est né le Compagnonnage. L’apprenant était accompagné, guidé et conseillé pendant l’exercice du métier. L’accent était mis sur le concret et la situation réelle pour apprendre à faire face à l’imprévu que l’enseignement théorique ne pouvait pas apporter.

Les effets de la Révolution Industrielle : les besoins d’instruction, de savoir lire et écrire permettaient aux écoles mutuelles de se développer. En effet, le mode d’enseignement monitoral permettait à un maître, secondé par des moniteurs, de faire la classe à une centaine d’enfants. Promue par des Anglais comme :

  • Robert Owen qui, en 1816 proposait un lieu d’accueil pour ses employés et des cours du soir pour adultes basés sur la solidarité, la coopération et l’entraide,
  • Bell qui travaillait avec les paires tuteurs-tutorés
  • Lancaster qui créait un système très structuré et très hiérarchisé dans lequel les changements de groupe de niveau et de statut en fonction des résultats suscitaient de l’émulation et une certain forme de compétition,

la « Société pour l’Instruction Elémentaire », la plus importante association laïque d’enseignement primaire en France, ouvrit ses portes en 1815. A partir de cette période, très vite un enjeu de lutte politique, le succès de l’enseignement mutuel en France dépendait du partie au pouvoir : Libéraux ou Ultras, laïcs ou Congréganistes proposant un enseignement individuel, 22 simultané 23 ou mutuel jusqu’en 1853 date à laquelle ce dernier sera officiellement abandonné subsistant uniquement en zone rurale.

Qualifié par certains de « horlogerie complexe » (Foucault, cité par Barnier 2001, p.47) et de « transmission mécanique », (ibid.), ce mode d’enseignement à visée « enseignement  24 » était donc, en plus d’une solution au problème de l’instruction des masses provoquée par la révolution industrielle, « l’une des sources de la pédagogie moderne » (ibid. p. 46). Il permit le mouvement, rendit l’enfant actif et donna à l’élève un esprit moins timide et plus libre pour prendre des initiatives. Le rôle du tuteur permettait une valorisation de l’image de soi qui à cette époque n’était pourtant pas souhaitée. Mais surtout l’enseignement mutuel était fondateur de l’idée reprise plus tard à savoir que « l’impact de ce que l’on apprend dépend de la manière dont on l’apprend, et qu’en développant la capacité à enseigner chez un individu, on développe également sa capacité à apprendre » (ibid.).

Notes
22.

Enseignement individuel : travail uniquement avec le maître à tour de rôle sans programme

23.

Enseignement simultané : des classes de 50 à 60 élèves de même niveau à suivre un maître qui travaille selon un programme.

24.

« Enseignement » par opposition à « l’apprentissage ».