1.2.3. Une définition : le tutorat aujourd’hui 

Comme nous l’avons constaté, le terme, comme sa définition, répondant à un réel besoin, a évolué. Il s’emploie aujourd’hui dans de nombreuses situations pour indiquer un guidage entre au moins deux personnes avec un écart de connaissances mais avec une différence de niveau  :

de l’âge des tuteurs et des apprenants,

du nombre de tutorés : en pairs, en petit groupe de quatre ou cinq ou en groupe de quinze à vingt cinq apprenants.

du niveau de connaissances des tuteurs : expert/non-expert, natif/non-natif stagiaires, étudiants, élèves, écoliers

En France, à l’école primaire comme dans le secondaire, le principe du tutorat en pairs est pratique courante. Un enfant souvent plus âgé assiste ou guide un enfant « en difficulté » ou un enfant plus jeune ; par exemple un enfant de CE1 lit des histoires à un enfant de la maternelle.

Au niveau de l’enseignement supérieur français, un tutorat « méthodologique »  a été mis en place depuis 1996 afin de « favoriser la réussite des étudiants dès l’entrée à l’université » Christian Forestier (1996) 26 . Des étudiants confirmés de deuxième ou de troisième cycle, des élèves d’écoles d’ingénieurs ou des étudiants des IUFM, sous la tutelle et la responsabilité des enseignants d’université, proposent une aide au travail personnel (organisation et gestion de l’emploi du temps), une aide au travail documentaire et un appui aux techniques d’auto-évaluation à des groupes de l’ordre de quinze étudiants,  pendant une période de six mois.

Dans les universités anglo-saxonnes, la pratique du tutorat comme réponse à l’échec universitaire et comme moyen de faciliter l’intégration universitaire et sociale des étudiants est instauréedans les mœurs. Des « centres d’écriture » ou des « ateliers » 27 sont mis à la disposition des étudiants et peuvent être classés selon Goodlad & Hirst, (cité par Baudrit 2000 p. 21) en quatre types :

Le type « surrogate teaching ». Un élève est choisi parmi les autres pour enseigner, animer des groupes de travail, corriger et suivre le travail en laboratoire.

Le type « proctoring » en individuel : un tuteur prend en charge un tutoré. Le tutoré travaille seul sur des exercices présentés dans un manuel que le tuteur va ensuite corriger et expliquer, si nécessaire.

Le type «co-tutoring » (l’aide réciproque). Ici, tour à tour, chacun est en position de tutoré ou de tuteur et reçoit de l’aide ou en fournit. Grâce à un système de rotations, chaque élève travaille avec tous les membres de son groupe. Un étudiant pose une question relative à un cours et l’autre essaie d’y répondre puis les rôles sont inversés.

Le type « teacherless groups ». Il s’agit de discussions en groupe de cinq à dix étudiants sans professeur sur des questions qu’ils avaient à préparer en amont. Parfois ils doivent fournir un rapport sur les échanges qu’ils ont pu avoir.

Cependant au niveau de l’enseignement supérieur en France et en pays anglo-saxons bien que la désignation de tuteur en langues pour accompagner les apprenants inscrits dans les centres de langues soit de plus en plus développée, les compétences exigées des tuteurs tout comme leur rôle à jouer se révèlent :

plus compliquées à appliquer que l’entraide ou coopération entre stagiaires, étudiants, ou même assistants d’enseignant en tutorat méthodologique. En effet des études menées auprès des universités anglo-saxonnes démontrent des échanges « solennels » entre tuteur expert et tutoré, un temps de parole largement inégal et un tutorat plus académique.

Selon les auteurs de ces études les experts octroient entre 46% et 61% du temps des sessions pour prendre la parole alors que les tuteurs non-experts laissent les tutorés beaucoup plus libres de s’exprimer, (Bender et Webb cités par Baudrit, 2000, p.65). Schmidt (cité par Baudrit ibid.,) souligne également que le tuteur expert est plus « tatillon sur l’apprentissage » et veille à ce que les étudiants acquièrent de « réelles connaissances » 28 , alors que Baudrit (2000), trouve la distinction entre tuteur « interactif » et « académique » plus appropriée. Selon lui une relation sociale plus équitable facilite les interactions pour le tuteur non expert alors que l’assymétrie de rôle de tuteur expert avec le tutoré rend le tutorat plus théorique et plus académique.

Des résultats de recherches qui nous rappellent les problèmes d’intégration du rôle de tuteur en langues ressentis par des enseignants « classiques » en France 29 et en même temps, semblent nous indiquer que ce rôle est plus complexe que le tutorat méthodologique. Un rôle dont les multiples facettes et les compétences requises bien spécifiques en méthodologie et en langues, prête à confusion, ce qui complique son interprétation et par là même son intégration.

Notes
26.

Cf. le Bulletin Officiel (B0) de l’Education nationale du 31 octobre 1996 en annexe 3 p. 114

27.

Des dispositifs d’aide dans lesquels les tuteurs sont disponibles pour assister les étudiants envoyés par leur professeur ou tout simplement qui désirent être assistés.

28.

« réelles connaissances » ici on comprend des connaissances linguistiques plus techniques que seul un enseignant peut expliquer : un point de grammaire, du vocabulaire spécifique pour traduire.

29.

Cf. l’étude Albero (2000, p. 29) et l’étude Macré (2004, p. 35).