1.3.1.1. Bruner et Vygotski et le socioconstructivisme

Comme nous l’avons déjà souligné, le développement intellectuel de l’enfant pour Piaget est essentiellement biologique et logique. Il n’accorde qu’une place mineure au langage et au rôle du social qui ne sont pour lui que des éléments « faciliteurs ». Pour d’autres, pourtant notre façon de s’approprier l’information est directement le reflet de nos interactions sociales. Le langage étant l’instrument premier pour interagir au niveau social, « c’est la culture qui donne forme à l’esprit » et cette participation à une culture fait que ‘«’ ‘ toute activité mentale est culturellement située ’ ‘»’(Bruner, cité par Barnier 2001, p.173). Les connaissances sont influencées par les interactions sociales et donc par le langage qui les entoure. L’être humain a besoin des autres pour réfléchir sur lui-même. Pour Bruner, c’est la capacité à enseigner et à expliquer qui caractérise l’être humain, étayé et guidé depuis son plus jeune âge par sa mère.

L’idée piagétienne que les connaissances se construisent par l’action de l’apprenant face à un problème à résoudre donné par un enseignant, reconnaît une pédagogie à double sens : apprenant actif et enseignant qui stimule les activités pour l’apprenant.

Cependant, pour Vygotski il faut tenir compte d’un troisième phénomène qui est la «  médiation » . Pour stimuler ou déclencher des processus cognitifs chez l’apprenant, il faut des échanges interactifs où des informations se négocient afin de s’approprier les connaissances. Nous pouvons constater encore une fois le changement de relation triangulaire entre le savoir de l’enseignant et celui de l’apprenant 30  . 

En effet, d’après Vygotski, pour développer nos fonctions psychiques supérieures, il faut l’interaction de médiateurs socioculturels. Véritable « développement artificiel de l’enfant », l’éducation ‘«’ ‘ restructure de manière fondamentale toutes les fonctions du développement ’ ‘»’ (Vygotski, ibid., p.180), les médiateurs étant tous des instruments permettant un échange : les jeux, le langage et les signes non verbaux. Sans l’apprentissage, l’activateur du développement mental, les processus évolutifs restent inchangés. Avec l’apprentissage, ce que Vygotski appelle « la zone de prochain développement »  31  est favorisée : « en collaboration, sous la direction et avec l’aide de quelqu’un, l’enfant peut toujours faire plus et résoudre des problèmes plus difficiles que lorsqu’il agit tout seul » (ibid., p.182).

Cette théorie présente le rôle du tuteur comme essentiel dans le processus d’apprentissage puisqu’il permet :

  • de réduire l’écart du ZDP par la médiation / étayage. L’interaction du tuteur facilite la tâche et la rend accessible.
  • de motiver l’apprenant en l’impliquant dans son propre processus d’apprentissage.
  • de former le tuteur et l’apprenant sur les manières de faire et de penser en les impliquant dans une démarche mutuelle. « C’est que chacun aide l’autre à trouver ce qu’il faut faire et comment il faut le faire ».(Bruner, cité par Barnier, 2001, p. 186)
  • de développer les compétences nécessaires pour atteindre les objectifs fixés : mesurer le degré d’écart de l’action, expliquer ce qu’il y a à faire, et amener l’apprenant à corriger ou à modifier son comportement Un travail de réflexion et d’apprentissage que l’apprenant et le tuteur peuvent ensuite appliquer dans d’autres circonstances.
  • de permettre à l’apprenant, une fois l’objectif atteint, d’appliquer les stratégies apprises dans d’autres circonstances pour devenir plus autonome.
  • de développer l’identité personnelle et l’estime de l’apprenant : La démarche tuteur développe des formes de solidarité et le responsabilise en personne-ressource. La manière de corriger les erreurs : par négociation et explicitation, modifie la relation enseignant-apprenant et permet un travail de rectification et de construction, le travail de l’apprenant étant « positivisé » plutôt que « négativisé »

Notes
30.

Cf. Triangulations pédagogiques de J. Houssaye adapté par Albero, 2000, p. 32

31.

ZPD : l’écart entre le niveau de résolution d’un problème accomplie avec de l’aide et celui atteint seul.