1.3.2.2. Les aspects tuteur : attitudes spontanées et relation équilibrée

Le degré d’autonomie de chacun, comme nous avons pu le constater, est variable. Chez certains apprenants, l’envie de réussir et d’être indépendant est présente dès le début d’une formation alors que pour d’autres, les difficultés à surmonter pour y arriver semblent tellement importantes que le doute s’installe et mène inévitablement à l’abandon. Le travail du tuteur ou d’accompagnateur est d’aider l’apprenant à surmonter ses difficultés en l’encourageant, en l’écoutant, en l’invitant à expliciter, en clarifiant les tâches, en identifiant les obstacles et en guidant sa prise de conscience. En aidant l’apprenant à devenir plus confiant et à se sentir plus reconnu, l’accompagnateur lui permet de faire face à ses problèmes et en conséquence d’évoluer dans ses apprentissages pour devenir plus autonome. Afin de créer les conditions favorables, il est donc impératif que l’accompagnateur adopte une attitude positive envers l’apprenant. Selon M-F Chesnais (1998, p.13), cette attitude positive se manifeste à travers les comportements suivants :

Cependant l’influence des représentations des tuteurs se manifeste à travers des attitudes spontanées et peut l’empêcher de réagir d’une façon efficace. En conséquence, comme nous l’avons déjà constaté précédemment, 35 les idées théoriques du départ ne correspondent souvent pas à la réalité de la mise en pratique.

Basée sur la catégorisation des attitudes proposée par E. Porter, 36 une étude menée auprès de cent cinquante conseillers pédagogiques du second degré appartenant à une dizaine de groupes de formations différentes, détaille les attitudes spontanées les plus fréquemment mises en place par les conseillers dans l’entretien. Selon les résultats les deux catégories « décision » et « évaluation » sont nettement préférées par les enseignants alors que la compréhension, une attitude importante dans l’entretien, obtient un résultat plus modeste. La prédominance de ces deux catégories peut être interprétée comme une sorte de « coefficient professionnel » caractéristique de l’enseignement. ( Pelpel, 1996, p.146) et en même temps soulève l’existence de deux problèmes : ‘«’ ‘ celui de la conformité chez les conseillers entre les représentations qu’ils se font de leur rôle vis-à-vis des stagiaires et les attitudes qu’il mettent en place, et ensuite celui de la compatibilité entre les attitudes dominantes dans l’enseignement et celles qui semblent plus adaptées au travail de conseiller ’ ‘»’(ibid., p. 147).

Afin de pouvoir mettre en place une stratégie d’entretien adaptée à la situation de l’apprenant, il faut donc pouvoir reconnaître ses tendances spontanées et comprendre l’importance et l’utilisation de la « compréhension » : reformuler ou renvoyer à l’autre une image non déformée de ce qu’il vient de dire. Une stratégie indirecte mais essentielle pour permettre à l’apprenant d’évoluer dans ses apprentissages. 37

Des attitudes qui demandent donc une flexibilité dans le rôle d’accompagnateur. Afin de répondre à la demande de chaque apprenant, celui-ci doit adapter son écoute, ses réflexions et ses conseils à la situation particulière qui se déroule devant lui. Une situation qui demande un repositionnement permanent de la part de l’accompagnateur afin d’éviter ainsi la routine et de trouver l’équilibre nécessaire pour travailler efficacement.

En effet, nombreux sont les tuteurs qui ayant constaté les difficultés des apprenants et ayant fait part des moyens de les surmonter restent frustrés de voir leurs conseils ignorés. Pour que les conseils soient efficaces, il faut que le tuteur puisse instaurer une relation équilibrée qui ne ressemble à aucun des modèles généraux connus : l’ami, le chef, ou l’expert, mais plutôt à tous les trois selon la situation et l’apprenant. L’équilibre demande que le conseil ‘«’ ‘ ne soit plus un produit qu’on donne ou une ordonnance que l’on prescrit mais le résultat d’une élaboration commune entre tuteur et apprenant et un début de processus ’ ‘»’. (P. Pelpel, 1996, p. 59, 62). Un processus qu’il faut manier avec beaucoup de délicatesse avant de trouver les limites du possible sans basculer dans le prescriptif.

Prendre en charge la fonction de conseiller pour un enseignant implique donc l’acquisition de compétences qui sont en opposition ou en rupture avec sa formation initiale. La mise en place d’attitudes contre-intuitives, généralement indirectes (alors que les réflexes de l’enseignant ont tendance à l’inciter à instaurer des attitudes directes) et la mise en place d’une relation équilibrée ne ressemblent à aucun des rôles de conseiller connu : conseiller juridique, fiscal, conjugal ou psychologique. Des compétences donc que l’on doit apprendre qui sont flexibles et modifiables et que l’on applique selon les circonstances d’une façon « intuitive ».

Notes
35.

Cf . l’étude de B. Albero (2000) p. 29 et de N. Macré (2004) p. 35, Barbot (2003).

36.

Cf. annexe 5., p. 36 : une catégorisation très ancienne mais très opérationnelle reprise et adaptée par de nombreux auteurs.

37.

Cf. tableau de Porter annexe 5., p. 36