Conclusion

Depuis les vingt dernières années, il s’est crée de nombreux centres de langues, centres de ressources ou de laboratoires de langues. Nous avons alors vu proliférer des salles équipées du dernier cri en informatique et de multiples cédéroms en vue de futures économies en matière de ressources humaines. Mais tout ceci sans que l’on puisse parler de réel succès, dans la mesure où, souvent, les apprenants, livrés à eux-même dans ces salles ultra « équipées », ont vite abandonné leurs efforts.

Aujourd’hui, nous reparlons de salles d’informatique et de didacticiels comme partie intégrante d’un dispositif de langue mais dans le cadre plus vaste de l’autoformation. La question qui peut donc se poser est de savoir si ces centres sont un phénomène de mode ou réellement un moyen efficace de se former en langues ?

Dans le but de clarifier la légitimité des dispositifs d’autoformation, d’établir leur efficacité dans l’apprentissage d’une langue et d’expliciter les appréciations variées des apprenants, il a fallu s’intéresser à l’apprentissage des langues et à l’organisation pédagogique des dispositifs d’autoformation  d’un point de vue apprenant et tuteur.

Après analyses des recherches effectuées, nous avons constaté que l’apprentissage des langues est un processus continu, volontaire et potentiellement conscient. En identifiant un « bon apprenant » et en clarifiant les stratégies utilisées pour faciliter l’acquisition d’une langue seconde, nous avons souligné l’importance des facteurs affectifs et psychologiques  dans les régulations d’une acquisition. Par son rôle « d’interface » (Albero 2003, p. 364), le dispositif est en mesure d’accompagner : individualiser, responsabiliser, les apprenants et de favoriser l’apprentissage d’une langue étrangère. Ainsi, d’un point de vue théorique, le dispositif semble être réellement un moyen efficace de se former en langue.

Cependant, afin de vérifier si l’organisation pédagogique des dispositifs est effectivement en phase avec la réalité des projets ingéniériques initiaux et d’expliciter les appréciations diverses des apprenants, il a été nécessaire de consulter des études récentes d’Albero (2000), de Paquelin et Choplin (2001), et ensuite de réaliser une analyse qualitative des observations menées auprès des étudiants inscrits au Centre de langues de Lyon 2. Les résultats de ces recherches indiquent que l’efficacité du dispositif d’autoformation ne dépend pas uniquement de son existence physique mais de la pratique pédagogique mise en place.

Dans son étude, Albero (2000), démontre premièrement l’existence de pratiques pédagogiques « autonomisantes » et propose une catégorisation de chaque dispositif selon un continuum allant de zero à cinq. Ensuite, elle constate une corrélation positive entre ces pratiques et les comportements « appréciations » des apprenants. L’étude (Macre, 2004), dans le but de vérifier les pratiques pédagogiques des tuteurs du centre de langues de Lyon 2 et de s’interroger sur les problèmes de mise en œuvre identifiés par Albero, confirme l’hypothèse d’Albero (2003). Elle souligne également les différentes pratiques pédagogiques des tuteurs d’un même centre ainsi que l’importance des tutorats clairement différenciés d’un cours classique, intégrés dans des projets autonomisants en langue. De la même manière, Paquelin et Choplin (2001), rappellent l’importance du rôle joué par le tuteur pour équilibrer les régulations qui sont fortement influencées par les représentations antérieures des apprenants. Des perspectives pratiques confirment que l’efficacité théorique des dispositifs est étroitement liée à l’interprétation et à l’intégration du rôle des tuteurs. Un rôle que les études démontrent comme difficile à maîtriser.

Afin d’expliciter ces difficultés, il a fallu que nos recherches s’organisent en trois parties :

En effet l’examen de l’ensemble de ces résultats a révélé un rôle nouveau et complexe. L’étude historique a permis de constater une évolution dans le rôle et une émergence des concepts : l’entraide, la coopération, la centration, la socialisation et l’appropriation des connaissances qui s’inscrivent également dans une approche constructiviste. Ambigu, le terme « tuteur » est utilisé aujourd’hui pour englober une multitude de fonctions qui porte souvent à confusion dans son interprétation.

Le descriptif du rôle de tuteur et de l’enseignant « classique » et l’analyse comparative qui le suit, ont permis d’établir de nombreuses différences entre les deux rôles et ainsi de constater les difficultés induites dans le changement de paradigme nécessaire pour intégrer le rôle de tuteur. Un changement que les notions conflictuelles et contradictoires qui l’entourent et les aspects psychologiques ont rendu difficile à effectuer.

En effet en examinant le terme « autonomie »  nous avons identifié un historique chargé de conflit et de tension et une définition complexe qui explique l’impression d’ambiguïté à son égard. Cependant ce n’est qu’en clarifiant les aspects psychologiques du rôle de tuteur dans l’apprentissage d’une langue seconde (l’aspect d’étayage des processus psychologiques) et dans l’intégration du rôle de tuteur (les aspects personnels et sociaux) que nous avons pu appréhender les obstacles à franchir afin de réellement passer du paradigme de l’enseignement « classique » au paradigme de « l’apprentissage ». Un passage démontré comme essentiel pour la réussite 67 d’un dispositif d’autoformation en langues étrangères.

Pour conclure, nous pouvons dire que l’ensemble des recherches théoriques et pratiques, tendent indiquer qu’un dispositif d’autoformation en langues étrangères répond réellement à des besoins variés des apprenants mais que si le rôle de tuteur n’a pas été soigneusement préparé, clarifié, explicité et planifié, les qualités autonomisantes du centre seront perdues et le progrès linguistique des apprenants réduit.

Le tutorat et le rôle de tuteur constituent donc une expertise nouvelle qui par sa complexité et difficulté d’intégration nécessite une formation spécifique et adaptée pour permettre une meilleure maîtrise des compétences qui les caractérisent. Depuis le début de ce mémoire, le nombre d’apprenants inscrits dans l’enseignement supérieur a considérablement augmenté, les tutorats se sont remplis et les difficultés identifiées se sont accentuées. Comment évoluera le rôle de tuteur ? Comment accompagner le nombre croissant d’étudiants inscrits dans les centres de langues universitaires ? Sera-t-il possible de proposer des formations aux tuteurs à l’avenir ? Telles sont les questions que l’on peut se poser aujourd’hui. Ces recherches m’ont permis de bien cibler les problèmes pratiques du tutorat et j’espère, de mieux faire comprendre l’importance du rôle du tuteur dans la réussite d’un dispositif de langue.

Notes
67.

Par « réussite » nous voulons dire une progression au niveau de l’apprentissage linguistique et/ou de la prise en charge de l’apprenant