2.8.3.1. Les objectifs de tuteur, la définition de l’autonomie et le rôle de tuteur

Afin d’éviter les disparités d’intégration du nouveau rôle de tuteur et pour qu’ils puissent mieux étayer les apprenants dans leur apprentissage autodirigé, il semble important que les notions sur l’autonomie, le tuteur, le tutorat et les objectifs qui y sont associés soient clairement définis et leur mise en pratique explicitée. En examinant les tableaux récapitulatifs de ces trois sujets nous pouvons constater des variations considérables entre tuteurs :

Tableau 15 : tableau récapitulatif des objectifs globaux des tuteurs.
Tuteur 1 « De prouver aux apprenants que l’apprentissage de l’anglais peut être intéressant et amusant afin de les aider à surmonter les représentations telles que « je suis nul en anglais » et de rétablir leur confiance dans leurs capacités à communiquer en anglais ».
Tuteur 2 « Faire en sorte que les apprenants deviennent responsables de leurs apprentissage.
Donner les outils pour qu’ils soient autonome ».
Tuteur 3 « D’aider et guider les apprenants en général »
Tuteur
4
De faire en sorte « que les apprenants deviennent responsables de leurs propre apprentissage en comprenant un peu leur profil, leur donner des outils méthodologiques et de leur donner envie d’apprendre.
Tuteur
5
« D’évaluer leur progrès. De les faire se sentir plus à l’aise en parlant en anglais. De rendre l’apprentissage de l’anglais « agréable » et faisable.
« De les rendre moins timides pour les inciter à parler devant et avec leurs camarades de classe ».
« De les mettre plus à l’aise avec la langue ».
« De montrer comment ils peuvent apprendre l’anglais ».
Tuteur 6 « D’expliquer aux étudiants les démarches à suivre pour la réalisation de leurs projets. Je n’ai pas fait un plan pour l’année ».
« Quels pourraient être les objectifs des tutorats dans ces cas ?(le cas ou tout est planifié et organisé sur papier d’avance). Il n’y aurait pas besoin de tutorat dans ce contexte »
Tableau 16 : tableau récapitulatif du rôle de tuteur
Tuteur 1 « Quelqu’un qui est disponible pour guider, donner des instructions et aider à surmonter les problèmes d’apprentissage à un niveau autonome d’une façon claire et précise afin de rétablir la confiance et d’éviter le sentiment d’abandon ou d’échec ».
Tuteur 2 « Quelqu’un qui est accompagnateur, qui est à côté, qui est assis à côté, qui est bien veillant, qui essaie de rester neutre, qui essaie de donner les outils pour qu’ils soient le moins dépendants possible d’un professeur. Quelqu’un qui arrête d’infantiliser les étudiants et qui les rend plus responsables par rapport à leur apprentissage, qui accompagne qui essaie de faire progresser, de rendre adulte, mature l’apprenant ».
Tuteur 3 « Autant que je sache je suis plus un guide et une aide aux apprenants qu’un vrai “enseignant”. Je pense qu’ils sont sensés faire la majorité de leur apprentissage tous seuls en utilisant les ressources qui sont disponibles dans le centre. Mon rôle est de les guider et de les aider en répondant à leurs questions et peut-être de complémenter tout ceci avec d’autres activités. Je trouve ce rôle un défi puisque je ne suis pas sûr à cent percent de ce que je devrais faire et où sont les limites entre mon rôle de tuteur et ce qu’ils devaient faire tous seuls ».
Tuteur 4 « Je vois plutôt mon travail comme un travail de maturation, d’aider à les faire mûrir sur la prise de responsabilité donc, le travail en méthodologie qu’ils comprennent pourquoi et comment on travaille.  Je leur donne des conseils. »
Tuteur 5 « Je veux dire que ce n’est que ma première année ici. Donc j’essaie de m’y retrouver tout comme les étudiants ainsi, je ne suis pas un professionnel ». « Une sorte de guide, qui guide les apprenants non seulement en leur enseignant mais également en leur montrant comment ils peuvent apprendre l’anglais de manière « intéressantes».
Tuteur 6 « Je dois leur présenter le centre et expliquer les procédures qui les aideront, alors pour moi et les étudiants, nous sommes en quelque sorte dans le même bateau, soumis aux mêmes situations d’apprentissage au Cdl. »
Tableau 17 : tableau récapitulatif des avis sur l’apprentissage en autonomie
Tuteur 1 « L’autonomie est utile comme une activité proposée en complément des cours et uniquement avec l’aide d’un enseignant pour guider et avec des apprenants d’un niveau assez élevé afin de soulager l’enseignant des exercices de base et de lui permettre de passer plus de temps avec des activités interactives en cours. Il permet aux élèves les plus faibles de rattraper les élèves les plus forts et de faire ce qu’ils veulent. Ils sont trop habitués à être assistés, « spoon fed » il faut que nous les sevrons. « weaned »
Tuteur 2 « Il permet un apprentissage à long terme.
Il permet aux apprenants d’être traités comme des adultes :
Le point fort du Cdl d’est d’arriver à leur dire maintenant vous êtes des adultes, jeunes adultes certes, mais vous êtes des adultes et à partir de là en fait, vous êtes maître de votre apprentissage.
Il s’agit pas juste de déstabiliser et de mettre les gens en danger il faut entendre que certains étudiants ne sont pas à même, trop jeunes ou pas assez matures ou autre pour bien survivre dans cet environnement là ».
Tuteur 3 « Je ne suis pas très sûre, je n’ai pas un avis bien net parce que je pense qu’il y a des apprenants qui se débrouillent avec l’autonomie merveilleusement bien et il y en a d’autres qui ont vraiment besoin d’un environnement plus structuré pour apprendre donc je crois que tout dépend de la personne.
Je pense qu’ils sont sensés faire la majorité de leur apprentissage tout seul. »
Tuteur 4 Un apprentissage qui permet une prise en main personnelle une responsabilisation et en même temps il leur permet de travailler seul s’ils le veulent. Un outil très utile et c’est presque l’équivalent du permis de conduire, de plus en plus, si on peut prendre en comparaison et ils en sont persuadés et je voudrais qu’ils puissent se sentir capables de travailler seuls à côté en plus des cours qu’ils pouvaient avoir les années suivantes et avec plaisir.
..
Tuteur 5 « En théorie c’est très bien ». «  Je pense que c’est bon à savoir »
« Personnellement, je pense que nous devrions nous voir plus souvent et beaucoup d’étudiants ressentent la même chose. Je pense que pour travailler en autonomie vous devez être incroyablement discipliné et je ne pense pas que c’est le cas de tout le monde. Dès fois, c’est très difficile pour eux.
personnellement je pense que ce n’est pas assez toutes les deux semaines. J’aimerais avoir plus de contacts »
Tuteur 6 « Travailler en autonomie guidée, d’abord qu’est-ce que ça veut dire ? En fait tout ce que ça veut dire c’est que les étudiants décident quand ils vont faire leurs heures en autonomie dans le cdl ? c’est comme ça que je le conçois. »
« C’est juste une autre méthode, je ne pense pas que c’est nécessairement meilleur ou pire. Je pense que c’est très subjectif, et que, au fond, tout dépend de l’individu, de l’enseignant, de sa façon d’enseigner, de son approche, sa motivation et son enthousiasme etc. Je pense que c’est ça la chose la plus importante et non pas de savoir si un système est mieux qu’un autre. »

Il y a donc des variations apparentes entre les priorités des objectifs qui sont directement liés à l’autonomie (tuteur 2 ), à l’état psychologique des apprenants (tuteur 1, 5 ), ou partagés entre les deux (tuteur 4) et des objectifs très généraux (tuteur 3,6) En effet en examinant les mots choisis pour définir ces objectifs nous pouvons établir les catégories suivantes :

Autonomie Sentiment/obstacle Général, vague
Responsable Donner envie D’expliquer
Une prise en main Rétablir la confiance Aider, guider
  Se sentir capable  
  Etre plus à l’aise  
  Rendre agréable et faisable  
  Surmonter  

Pour des raisons « réalistes » : nombre d’absences, des représentations négatives sur l’apprentissage des langues en général ou l’envie de compenser un « manque de contact » il semble que l’objectif autonomisant soit mis en second plan après, ou au même plan que l’état psychologique des apprenants. Les deux phénomènes sont bien séparés. Cette séparation peut expliquer pourquoi le travail en autonomie et le travail au tutorat sont souvent considérés comme deux choses différentes : « Dans le tutorat je vous montre comment faire pour que ensuite vous puissiez le faire seul en autonomie ». En effet, un projet intégrant et liant la méthodologie du tutorat et le travail en autonomie n’est pas toujours prescrit par le tuteur ou alors est prescrit sans une véritable explication du besoin d’une problématique au centre du projet. Les informations ne sont pas toujours « transformées » et en conséquence ressemblent souvent à des présentations classiques, de fin d’année 84 .

Le troisième classement des objectifs généraux ou vagues peut être attribué au phénomène de vacataire, en poste depuis peu. Un phénomène qui devient plus évident en examinant le tableau récapitulatif des avis sur l’apprentissage en autonomie.

Définition pas claire Utile comme activité en complément Permet un apprentissage à long terme / une responsabilisation des apprenants
« Je ne suis pas très sûre, je n’ai pas un avis bien net ». « L’autonomie est utile comme une activité proposée en complément ». « Il permet un apprentissage à long terme ».
« Pour moi et les étudiants, nous sommes en quelque sorte dans le même bateau, soumis aux mêmes situations d’apprentissage au CDL ».
« Je pense que c’est bon à savoir » « Une prise de responsabilité »
« J’essaie de m’y retrouver tout comme les étudiants ainsi, je ne suis pas un professionnel ».  « C’est juste une autre méthode ».  

En effet, les trois tuteurs vacataires expriment une incertitude au niveau du rôle à jouer ou de la définition de l’autonomie au moins une fois pendant l’entretien.

En examinant les verbes utilisés pour décrire leur rôle nous pouvons constater la récurrence des tuteurs à utiliser les verbes « guider » ou « aider » (cinq des six tuteurs) qui, pris au sens propre, selon le petit Larousse, sous-entendent l’idée de « mener » ou « de faire agir » et soulignent ainsi la relation d’expert-apprenant qui caractérise le paradigme d’enseignement. Un rappel qui souligne encore une fois la difficulté des tuteurs de modifier leur comportement d’enseignant. Or, le tuteur (2) en se décrivant comme un « accompagnateur » et le tuteur (4) en se décrivant comme « conseiller » nous soulignent la possibilité d’une relation d’égalité entre les apprenants et eux-même. L’autonomie, le tuteur, le tutorat et les objectifs qui y sont associés sont donc des notions problématiques qui génèrent des disparités de comportement par leur interprétation et mise en pratique.

Notes
84.

Une présentation préparée à l’écrit et en conséquence lue par l’apprenant.