Boccace

À l’époque même de Dante nous observerons un changement dans la représentation spatiale qui devient de plus en plus réaliste parallèlement à la naissance d'une conception laïque de l'homme et de son rapport avec le monde.

Surtout avec Boccace on peut constater cette évolution, d'un paysage où les descriptions des lieux bien qu’un peu vagues et stéréotypées (chateaux, bois) nous donnent plusieurs éléments pour comprendre l'action des personnages.

A ce propos on évoquera un passage de la conclusion de la VIème journée du Décaméron :

‘Les jeunes femmes (…) se mettent en chemin. Il ne leur fallut guère marcher plus d’un mille pour parvenir à la vallée des Dames. Elles y entrèrent par un étroit sentier, le long duquel courait un ruisseau. Comme c’était justement l’heure chaude, elles virent là toute la beauté et toute l’agrément que l’ on peut imaginer. D’après la description que l’une d’elles m’en a fait plus tard, la surface de cette vallée avait la rondeur qu’obtient le compas, mais laissait voir quel était l’œuvre de la nature, et non celle des hommes. Elle traçait un cercle d’un peu plus d’un demi-mille, entouré de six coteaux peu élevés, surmontés tous les six d’une demeure qui avait l’aspect d’un joli castel 38

Grâce à la description que Boccace nous donne, nous avons presque la sensation de parcourir ce plan car il semble être un lieu réel et surtout proche de la realité.

Mais ce qui est intéressant et nouveau par rapport à la narration des exempla et à Dante en particulier ce sont les espaces réels et les événements déterminés par le hasard et non plus par une force supérieure.

En particulier dans un extrait de l’introduction à la troisième journée nous trouvons la recherche de la beauté sur la terre et non dans un monde de l’au-delà :

‘La vue de ce jardin, l’harmonie de son dessin, les arbres, la fontaine, les ruisseaux qui s’en échappaient furent d’un tel agrément pour les dames et les trois jeunes gens qu’une même exclamation s’échappa de toutes les lèvres : si l’on pouvait faire le paradis sur terre, quel autre aspect lui donner que celui de ce parc ? aussi bien, de quel embellissement ces lieux étaient-ils susceptibles ? 39
Notes
38.

Giovanni Boccace, Conclusioni VI giornata.

Traduction de Jean Bourciez Le Décaméron, (Paris, Garnier Frères, 1967), p. 434.

[« Le donne [ ..] si misero in via : né guari più di un miglio furono andate, che alla valle delle donne pervennero. Dentro della quale per una via assai stretta, dall’una delle parti della qual è un chiarissimo fiumicello, entrarono, e viderla tanto bella e tanto dilettevole, e spezialmente in quel tempo che era il caldo grande, quanto più si potesse divisare. E secondo che alcuna di loro poi mi ridisse, il piano, che nella valle era, così era ritondo come se a sesta fosse stato fatto, quantunque artificio della natura e non manual paresse : e era di giro poco più che un mezzo miglio, intorniato di sei montagnette di non troppa altezza e in su la sommità di ciascuna si vedeva un palagio quasi in forma fatto d’un bel castelletto. » , (Milano, Mondadori, 1985), p. 551. ]

39.

39 Ibidem , Début de la troisième journée, traduction de J. Bourciez, p. 179.

[« Il veder questo giardino, il suo bello ordine, le piante e la fontana co’i ruscelletti procedenti a quella tanto piacque a ciascuna donna e ai tre giovani, che tutti cominciarono a affermare che, se paradiso si potesse in terra fare, non sapevono conoscere che altra forma che quella di quel giardino gli si potesse dare », Decameron, Introduzione III giornata, p. 225].