Qfwqf, un personnage en évolution

Le cosmicomiche indiquent un passage d’une dimension provinciale vers une autre plus universelle et signalent aussi une continuité entre les interrogations de Marcovaldo, Quinto et « le moi » de La nuvola et le plus réfléchi Palomar. Ce protagoniste est naturellement l’héritier de Qfwfq, le surprenant habitant de l’univers. Le personnage calvinien présente toujours des constantes telles qu’on pourra parler du même personnage en évolution. Même si le protagoniste de Le cosmicomiche pouvait apparaître différent et étrange par rapport à ses prédécesseurs, il présente des analogies communes à Marcovaldo, Quinto, le protagoniste de La nuvola. Il anticipe aussi certains phénomènes typiques de Palomar. Il est, en effet, mal à l’aise avec le temps dans lequel il vit, il représente une sorte d’être différent dans I Dinosauri, il souligne aussi dans les récits Un segno nello spazio et Senza colori l’impossibilité de communiquer et l’incapacité à bien voir. Qfwfq est un personnage au nom imprononçable mais plutôt que d’un personnage il s’agit d’une voix, d’un regard, d’un point de vue projeté dans un monde de moins en moins enclin à la parole et comme l’auteur le définit dans l’introduction  déjà citée :

‘un personnage qui s’exprime et se comporte comme chacun de nous, mais qu’il est difficile de définir comme un être humain puisqu’« il était déjà là » quand le genre humain n’existait pas et même avant qu’il y eût la terre et la vie sur la terre. Il semble de toute façon qu’il ait pris successivement différentes formes, animales (mollusque ou dinosaure) et ensuite humaines, et fini par être aujourd’hui un petit vieillard qui en a beaucoup vu….. 339

Dans la production calvinienne ce personnage n’est donc pas aussi anormal, antinomique mais il fait partie d’un monde varié et riche de figures mélancoliques, mécontentes qui sont en contraste avec l’esprit du temps dans lesquels ils vivent. Mais ici, le personnage se réduit à une voix, à un regard qui parle et qui voit dans une perspective plus ample et plus vaste, universelle et avec une épaisseur intellectuelle supérieure à celle de Marcovaldo, mais qui deviendra encore plus évoluée dans Palomar, sommet de la pensée calvinienne. De même Palomar est un observateur de l’univers, que ce soit de la voûte céleste, du monde terrestre ou de la ville. Calvino est toujours prêt à ne pas accepter la situation donnée et à se renouveler. Par conséquent les protagonistes de ces récits essaient d’étudier la réalité environnante et essaient de découvrir un « ailleurs ». Marcovaldo le trouve dans le monde naturel qui survit dans un univers de béton, le protagoniste de la nuvola découvre le monde des lavandières caché loin de la ville. Dans le cosmicomiche l’auteur semble observer le cosmos et réfléchir sur la place de l’homme dans l’univers. Peut-être trouve-t-il que l’espace n’a plus de forme, c’est à dire que le monde n’a plus de dimensions concevables par l’être humain. Alors il réfléchit sur le temps et l’espace avant et après lui.

Notes
339.

RRII, pp. 1306 –1307 : «  Personaggio che si esprime e si comporta come chiunque di noi, ma che è difficile definire un essere umano dato che « era già lì » quando il genere umano non esisteva, e anche prima che ci fosse la terra ; comunque pare che egli abbia assunto successivamente varie forme, anche animali (mollusco, dinosauro) e in seguito umane, e si trova oggi ad essere un vecchietto che ne ha viste tante.. ».