Portrait du personnage calvinien

Les figures calviniennes sortent d’une linéarité singulière sont toutes «pleines d’intelligence et de courage » mais «jamais  enthousiastes, jamais satisfaites, jamais malignes ou superbes » 443 . Leur portrait physique manque. Calvino nous donne juste des indications concernant la profession : Marcovaldo est un ouvrier, Quinto un intellectuel « sans le sou» et le protagoniste de La nuvola travaille pour un journal. En ce qui concerne Palomar nous savons qu’il travaille même quand il est en vacances, 444 (il s’agit bien évidemment d’un travail intellectuel, pour sa constante réflexion interrogation). Ils acceptent tous mal la situation dans laquelle ils vivent et ils manifestent une sorte de nervosité, de gêne qui est, en effet, un indice d’insatisfaction, d’opposition avec l’espace occupé :

Marcovaldo : Marcovaldo avait les nerfs en si mauvais état 445

Quinto : Quinto, aussitôt agacé, susceptible comme il était 446

Qfwfq : Je me plaçais en retrait, dans l’ombre, les nerfs tendus 447 .

Palomar : Monsieur Palomar s’éloigne (..), les nerfs aussi tendus qu’à son arrivée 448

Nous avons observé que ces héros ont une faible propension à la communication et qu’ils sont plutôt fascinés par le silence. Ils sont tous  introvertis, silencieux, solitaires, obstinés, remuants, nerveux et réflexifs. Ils adoptent une attitude très critique par rapport au monde non naturel, spéculateur, pollué ou du consumérisme. Nous avons relevé également la façon avec laquelle ils se battent contre les autres (les victimes de la nouvelle société capitaliste) en adoptant des attitudes originales à rebours qui suscitent l’attention des autres mais qui ne rentrent pas dans des comportements standardisés, homologués. Marcovaldo contre son chef mais aussi contre toutes les autres figures qu’il rencontre. Quinto s’oppose surtout à la figure de Caisotti qui représente la nouvelle réalité spéculative capitaliste. « Le moi » de La nuvola s’oppose à Avandero et à tous ceux qui vivent dans l’hypocrisie en cachant la poussière.

Dans Palomar cette aversion envers la société se fait plus explicite et même se transforme dans la description d’une société « grise, opaque et hargneuse». Il parle même  : « de gens qui se hâtent et se fraient un chemin à coups de coudes, sans se regarder » 449 .

Ces privations et refus (non-acceptation) de leur situation stimulent leur créativité en les poussant à chercher des alternatives, des lueurs de salut, c’est à dire des espaces ouverts et infinis. Le portrait du personnage peut être ainsi résumé :

Personnage VS Pour
Solitaire Société Espaces infinis
Silencieux Espaces Clos Espaces ouverts
Obstiné    
Remuant    
Réflexif    
Observateur    
Nerveux    

Notes
443.

Dans le célèbre essaie Il midollo del leone publié dans « Paragone » en 1955. Il n’existe pas une traduction complète en français. « Vorremmo anche noi inventare figure di uomini di donne piene di intelligenza, di coraggio, e d’appetito, ma mai entusiasti, mai soddisfatti, mai furbi o superbi. », Saggi I, pp. 23-4.

444.

Dans le récit Il fischio del merlo.

445.

Marcovaldo, p. 17. [« Marcovaldo aveva un sistema nervoso in così cattivo stato », Marcovaldo, p. 16. Souligné par nous.]

446.

La spéculation immobilière, p. 24. [« Quinto subito infastidito suscettibile com’era ..», RRI, p. 793. Souligné par nous.]

447.

Les Cosmicomics, p.130. [« io mi facevo largo, nell’ombra, a nervi tesi », RR II, p. 793. Souligné par nous].

448.

Palomar, p. 15. [« Il signor Palomar s’allontana (..), coi nervi tesi com’era arrivato .. », RR II, p. 879. Souligné par nous.]

449.

Palomar, p. 117,[ « gente che ha fretta e si fa largo a gomitate, senza guardarsi in faccia… », Palomar, p.122.]