L’évolution du jardin dans le récit calvinien

En effet Calvino semble vouloir reconstruire une image du monde mais naturellement non pas pour nous expliquer comme le monde est fait, mais plutôt pour montrer la «soif » de connaissance envers l’espace, le rapport conflictuel qu’il vit avec l’espace. D’abord il dessine des lieux à lui, plus proches et très colorés dans les récits Un pomeriggio Adamo et Il giardino incantato.  Dans Un pomeriggio Adamo, l’auteur dessine la beauté d’un jardin à travers le parcours du jeune jardinier Libereso et la fillette Maria Nunziata :

‘Il y avait des plants de dahlias .. 450
Ils s’étaient arrêtés dans un parterre de callas des marais 451
Ils étaient arrivés devant une cascade de plantes grasses 452

Dans Il Giardino incantato à la beauté des lieux correspond l’état d’esprit des protagonistes, encore des enfants, appelés cette fois, Giovannino et Serenella :

‘Chaque chose dans ce jardin était ainsi : belle et immuable 453
Jouer avec Serenella était beau parce qu’ elle n’agissait pas comme les autres fillettes qui ont toujours peur et commencent à pleurer 454

Peu à peu ces jardins verdoyants commencent à se dessécher, comme dans Il giardino dei gatti ostinati:

‘Derrière cette grille à moitié rouillée et deux bouts de murs envahis de plantes grimpantes, il y a avait un jardinet inculte avec, au fond, une petite villa qui semblait abandonnée. Un tapis de feuilles mortes recouvrait l’allée, d’autres feuilles mortes encore s’entassaient sous les branches de deux platanes, formant des petites montagnes sur les parterres.. 455

Le même paysage commence à s’entrevoir dans le jardin de la ville de La speculazione edilizia :

‘ Quinto (..) chaque fois qu’il revenait, retrouvait le terrain nu, les plates-bandes dégarnies, les mauvaises herbes (..) Le lieu changeait d’aspect et de couleur. 456

Ceux-ci correspondent sûrement à son image de jardin de « la villa meridiana » 457 qui commence à se faner. Mais plutôt que de renvoyer à la bibliographie de l’auteur, il est intéressant de voir la thématique de l’espace, la volonté de réfléchir sur la place qu’on occupe, et celle-ci devient de plus en plus problématique. Parallèlement, la description des espaces urbains et naturels acquiert une allure opaque, grise. Il est nécessaire aussi de souligner que les espaces négatifs sont la plupart du temps représentés par des milieux urbains mais cela ne doit pas induire à penser que le milieu champêtre soit plus heureux ou que, au contraire, Calvino envisage ce milieu comme un Eden ou un paradis perdu. La nature subit le même processus de transformation que la ville, - comme nous l’avons constaté dans les vues panoramiques des jardins - et l’auteur met en évidence ces transformations. Les mêmes jardins dans la narration de Calvino deviennent de plus en plus artificiels comme notamment dans Il prato infinito  :

‘Autour de la maison de monsieur Palomar, il y a un pré. Mais ce n’est pas là un endroit où il devrait naturellement y avoir un pré. Le pré est donc un objet artificiel composé d’objets naturels, c’est à dire d’herbes. Ce pré a pour fin de représenter la nature, et cette représentation- là s’est faite en remplaçant la nature propre du lieu par une nature naturelle en elle-même, mais artificielle par rapport au lieu. 458

Notes
450.

Un pomeriggio Adamo,dans RRI, p. 153 : «  C’erano delle piante di dalie ». Traduit par nous.

451.

Ibidem, p. 156. [« Si erano fermati in un aiuola di calle ». Traduit par nous].

452.

Ibidem, p. 157. [« Erano arrivati a una cascata di piante grasse ». Traduit par nous].

453.

Il giardino incantato, dans RRI, p. 170. [ « Ogni cosa in quel giardino era così bella e impossibile a guastarsi ». Traduit par nous].

454.

Ibidem, p. 169. [« Giocare con Serenella era bello perché non faceva come tutte le altre bambine che hanno sempre paura e si mettono a piangere ». Traduit par nous.]

455.

Marcovaldo, p. 162. [« Dietro un cancello mezz’arrugginito e due pezzi di muro rincalzati da piante rampicanti, c’era un giardino incolto, con in fondo una palazzina dall’aria abbandonata. Un tappeto di foglie secche copriva il viale, e foglie secche giacevano dappertutto sotto i rami dei due platani formando addiritura delle piccole montagne sulle aiole »Marcovaldo, p. 122.] 

456.

La spéculation Immobilière, p. 79. [ « Quinto (.. ) ogni volta che arrivava ritrovava il terreno nudo, le aiole sguarnite, le erbacce, (. ) Il luogo cambiava aspetto e colore », RRI, 841]

457.

Habitation de Calvino à San Remo. Voir Album Calvino.

458.

Palomar, p. 34 [« Intorno alla casa del signor Palomar c’è un prato. Non è quello un posto dove naturalmente ci dovrebbe essere un prato : dunque il prato è un oggetto artificiale, composto di oggetti naturali, cioè erbe. Il prato ha come fine di rappresentare la natura, e questa rappresentazione avviene sostituendo alla natura propria del luogo una natura in sé naturale ma artificiale in rapporto a quel luogo ». Palomar, p. 30]