Introduction

L’enseignement d’une discipline expérimentale comme la chimie s’appuie traditionnellement, pour partie, sur des séances de travaux pratiques dont les thèmes ainsi que la structure du travail demandé fait appel à une faible variété d’activités cognitives (tiberghien, 2001 ; millar, 1998). Considérant le coût d’un tel enseignement qui nécessite des laboratoires équipés ne pouvant recevoir que peu d’étudiants à la fois, il semble essentiel de se poser la question de la pertinence d’un tel investissement de la part des institutions. Dans le cas de l’université de Bizerte, les premiers TP de chimie concernent l’étude des acides et des bases dont l’organisation apparaît temporellement déconnectée de l’enseignement magistral correspondant qui ne s’effectue pas pendant le même semestre. Les étudiants doivent donc disposer d’une certaine autonomie sur la gestion des savoirs mis en jeu et se référer à ce qu’ils ont appris au lycée. Dans le but d’optimiser une telle pratique, nous avons défini un programme de recherche dont cette thèse se fait l’écho. Nous avons analysé les savoirs mis en jeu dans ces séances de TP et, moyennant certaines contraintes concernant la longueur de ces TP, les expériences mises en jeu, etc., nous avons proposé des textes mettant différemment en jeu les savoirs auxquels les étudiants allaient être confrontés. Notre travail de recherche a constitué à mettre en évidence la différence d’activité cognitive des étudiants entre les deux formules de TP.

Une de nos hypothèses fut de considérer la difficulté de l’apprentissage de la réaction chimique largement documentée dans la littérature de recherche en didactique. Les travaux de stavridou & solomonidou (1998) ont montré que la construction du concept de réaction chimique avance par stades successifs en interaction avec l’appropriation d’autres concepts comme le changement d’état. laugier & dumon (2000) ont montré que les difficultés des élèves au niveau de la représentation du concept de réaction chimique par l’équation-bilan dans les registres macroscopiques et microscopiques, se traduit par l’incapacité des élèves à utiliser correctement le registre symbolique.

Concernant les difficultés des apprenants liées aux concepts d’acides et de bases, schmidt (1991) a souligné que les difficultés des apprenants face au concept de neutralisation provient principalement d’une inférence due au vocabulaire. Par ailleurs, schmidt (1995) s’est intéressé à la notion de couple acide/base, en montrant que les élèves confondent les paires d’acide-base non conjuguées et conjuguées.

L’enseignement expérimental de la chimie est généralement soit calcul-orienté, soit concept-orienté. Il est rarement les deux à la fois. Dans le domaine calculatoire, l’enseignement s’oriente souvent vers les calculs de : concentrations, dosages, constantes d’équilibre, etc., alors qu’au niveau conceptuel, nous trouvons les notions de : réaction chimique, couple, déplacement d’équilibre, etc.

Le domaine de l'acidité est intéressant car dans de nombreuses situations, deux raisonnements sont possibles :

En situation de TP sur l’acidité, un étudiant est en pleine possession des informations expérimentales concernant la situation qu’il manipule ; ce n’est pas le cas d’un problème dans lequel l’étudiant doit imaginer la situation à partir d’informations forcément partielles, décrites dans le texte du TP. Lors du TP, ce qui est vu par l’étudiant ce sont des objets et des événements relatifs à sa manipulation. Les questions qui lui sont posées concernent généralement la description du système physico-chimique et des calculs à faire. Il peut également être en situation où il doit prédire ce qui va se passer. Cette demande d’interprétation ou de prédiction nécessite une phase de modélisation. Cette modélisation peut être dominée par l’une des deux formes de réflexion décrite ci-dessus (outil mathématique, ou équation chimique).

Une étude réalisée par dumon & souissi (1986) sur l’enseignement expérimental de la chimie en premier cycle universitaire, a montré que cet enseignement doit être orienté principalement vers une initiation à la démarche scientifique expérimentale en entraînant les étudiants à la résolution de problèmes, la conception des TP devrait reposer sur une analyse préalable des capacités de l’étudiant que l’enseignant désire développer et que les activités proposées aux étudiants devraient être en accord avec les objectifs pédagogiques.

Suite à des observations de textes de TP dans l’enseignement supérieur à BIZERTE ( TUNISIE) dans le domaine acido-basique, nous avons constaté que cet enseignement ne fait pas de référence au concept de réaction chimique, il se limite à un niveau perceptible et calculatoire. Toutefois, nous avons constaté, à partir des textes de TP, que le protocole expérimental est décrit et justifié d’un point de vue strictement technique et méthodologique. Cette partie expérimentale, en terme de temps consacré, constitue l’essentiel de l’apprentissage. La phase de validation se ramenant, le plus souvent, à la comparaison de quelques résultats isolés en faisant généralement des calculs. En effet, la phase d’analyse de la problématique de la séance est court-circuitée pour introduire l’expérimentation, c’est donc tout le travail de réflexion et de modélisation autour du concept de réaction chimique est supprimée au profit d’une simple superposition d’événements perceptibles et des calculs proposés par l’enseignant.

Peu d’études ont porté sur le fonctionnement cognitif de l’apprenant en jeu pendant la réalisation et l’interprétation d’un dosage acido-basique, nous nous sommes alors intéressés aux difficultés des étudiants relatives à ce domaine d’étude.

Notre objet de recherche s’articule autour de la question suivante : quelles sont les difficultés d’apprentissage des étudiants du 1er cycle universitaire dans une situation d’enseignement expérimental relevant du domaine de l’acido-basicité ?

Pour le besoin de notre recherche, nous avons mis en place une séquence d’enseignement expérimental mettant en œuvre différents dosages acido-basiques afin d’identifier les difficultés des étudiants liées à la compréhension du concept de réaction chimique et d’analyser le fonctionnement cognitif du point de vue des activités de modélisation des apprenants lorsqu’ils sont dans des conditions réelles d’enseignement.

Cette séquence d’enseignement est constituée de trois séances de travaux pratiques (TP). La première séance s’intéresse au dosage pH-métrique et à la comparaison des courbes de dosage. La deuxième activité introduit le dosage des polyacides et la dernière activité porte sur le dosage d’une dibase et d’un mélange de bases.

Cette séquence d’enseignement expérimental a été proposée à des étudiants de 1er cycle universitaire. Nous avons choisi d’étudier les productions écrites des étudiants et de faire une comparaison entre ce qui se faisait avant notre intervention et après. En plus nous avons complété notre analyse par une étude de cas permettant de décrire le fonctionnement cognitif des apprenants au cours des différentes activités.

Notre travail n’étant pas tourné vers l’innovation mais plutôt vers la recherche, notre but est d’améliorer l’apprentissage des réactions acido-basiques pendant une séquence d’enseignement expérimental.