1. HISTORIQUE DE LA CREATION DU POSTE DE BANGUI

Jusqu’au milieu du XIXe siècle, l’espace banguissois, élément du futur territoire centrafricain, faisait partie de la terra incognita de l’intérieur du continent africain (BOULVERT, 1996 a), dans la sous-région d’Afrique Centrale. Le processus de son ouverture au monde extérieur a commencé avec la découverte du cours du fleuve Congo en 1877 par l’Américain STANLEY. Quelques années après, en octobre 1884, le Pasteur baptiste GREENFELL, en remontant le cours du Congo, reconnut la vallée d’un cours d’eau à la confluence avec le Congo ; on l’appelait le Doua (cf. Oubangui). En février 1885, il explora le premier la vallée de l’Oubangui à bord de son vapeur la Peace qui mouilla au pied des rapides de Bangui. Dès lors, reconnaissances et prises de possession se multiplièrent avec les remontées régulières sur l’Oubangui du Belge VANGELE, des Français DOLISIE puis DUNOD entre 1886 et 1889. Ces missions étaient suscitées par l’intérêt d’avoir une base-relais dans le but d’améliorer la connaissance du futur espace centrafricain et de sa sous-région (CANTOURNET, 1989). Albert DOLISIE, alors administrateur de Brazzaville, parvint au niveau des rapides de Bangui en septembre 1887 mais il ne put les franchir, et il rentra au mois de décembre de la même année. A. DOLISIE est le parrain de la ville de Bangui puisqu’il en ordonna la fondation au niveau des rapides localisés sur le 4e parallèle nord, sur la rive droite de l’Oubangui. La décision de créer un poste militaire français sur l’Oubangui, à 1200 km de Brazzaville, remonte au 10 mai 1889. Sa réalisation a été l’œuvre de A. UZAC, chef de la zone française de l’Oubangui, et de Michel DOLISIE, jeune frère d’Albert DOLISIE. Elle n’intervient que le 26 juin 1889 en raison des difficultés de trouver un emplacement favorable (Figures Cholet, Ponel et Comte). Un fait important à signaler est que la création du poste de Bangui s’insérait dans un contexte de rivalités franco-belges en vue du contrôle de l’Oubangui et de son haut-bassin ; on en voudra pour preuve le fait que le poste de Bangui a été fondé le 25 juin 1889, un jour après celui de Zongo sur le territoire de l’Etat Indépendant du Congo (ex-Zaïre), au pied des rapides et sur la rive gauche du fleuve.

L’appellation de « Bangui » tire son origine de la langue bobangui. Le terme signifie « les rapides », mais selon une source orale (SOUMILLE, op. cit.), le mot désignerait un arbre à bois rouge, très résistant, qui se trouvait à proximité des rapides et servait de point de repère aux habitants. Toutefois MABOU (1998) a montré que « bangui » en langue Ngbaka signifie « escarpement », donc chutes ou rapides. Cette version nous paraît réaliste lorsque nous observons le promontoire rocheux sur lequel est construit l’hôtel Sofitel : sur son rebord aval, nous notons une dénivellation de 4 à 6 m par rapport au plan d’eau de l’Oubangui en saison sèche. La présence des rapides est due au resserrement du chenal en un étroit couloir qui ressemble à la base d’un vaste entonnoir (NGUIMALET, 1999 b), large de 250 m en amont et de 400 m en aval (Figure 4). A ce niveau les hauts-fonds quartzitiques de disposition subméridienne, tout en augmentant la pente du lit, accélèrent l’écoulement.

Le site de Bangui est certes constitué d’une variété de paysages, mais son développement en relation avec l’installation controversée du poste militaire, a été à l’origine de sérieux écueils pour les administrateurs qui en ont eu la charge.

Figure 4 Schéma des Rapides de Bangui (d’après IGN, 1988, modifiée)
Figure 4 Schéma des Rapides de Bangui (d’après IGN, 1988, modifiée)