1.1. Les paysages explorés à la fin du XIXe siècle

Les milieux intertropicaux de l’époque se présentaient pour les explorateurs ou voyageurs, comme des milieux naturels nouveaux (CHATELIN, 1986). Dans cet esprit, les paysages de Bangui, tels que vus par les premiers Européens qui ont foulé le site, paraissaient très pittoresques avec des collines boisées, l’Oubangui qui comporte des rapides et des îles boisées, une plaine marécageuse, dans un cadre de forêt dense. Ces composantes du milieu naturel, identifiées en fonction de leur morphologie, se distinguent dans l’organisation générale du site de Bangui selon des critères morphostructuraux, altitudinaux, voire paysagers. De fait, ces paysages de rapides et collines à base morphologique ont déterminé la fondation du poste de Bangui et sa dynamique spatio-temporelle. Ainsi, pour les explorateurs ou missionnaires, c’est d’abord l’aspect physique du futur cadre de Bangui qui était mis en évidence.

Le pasteur écossais GREENFELL, dans une lettre datée du 29 avril 1886, précise à propos du site de Bangui-Zongo qu’il a exploré en février 1885 à la latitude de 4°27’Nord (BOULVERT, 1985), que la rivière franchit des collines de quartz et d’argiles rouges d’environ mille pieds de haut (300 m) qui modifient brusquement son cours. Le courant s’écoule presque uniformément du NO à l’Est ; ensuite pour traverser cet alignement de collines NO-SE, une brèche s’est ouverte dans d’immenses masses de quartz qui rompent le cours de la rivière, lui donnant l’allure des rapides. C’est ainsi que GREENFELL a vu les rapides de Bangui.

En revanche, les collines de Gbazabangui appelées Mont Ottro dans la description officielle de Bangui en 1906 et qui se prolongent dans l’ex-Zaïre, ont impressionné le Capitaine VANGELE en novembre 1886. Il considérait que sur le 4e parallèle nord, existait un massif montagneux présentant des pics dont certains avaient 600 à 800 pieds. C’est ce massif que le cours d’eau le Doua, a dû percer pour conduire ses eaux au Congo. Quant à Mgr AUGOUARD en 1893-1894, il estime qu’à partir de Brazzaville par la voie d’eau, le terrain est très bas. Mais qu’à Banghi (orthographe de Bangui jusqu’en 1914) commencent des montagnes qui coupent transversalement le fleuve, lequel s’est ouvert un passage au milieu des rochers en formant des rapides et des tourbillons dangereux.

Les autres paysages sont ceux d’une grande plaine alluviale, densément boisée, et comportant des marais aux eaux « croupissantes ». Toutefois, deux paysages dominants caractérisent le site de Bangui et expliquent vraisemblablement son choix : il s’agit des collines et de l’Oubangui. Ces deux entités justifient fondamentalement les limites du développement du site de Bangui et commandent l’expansion de la ville dans la plaine marécageuse, celle-ci ne s’étant pas faite sans peine (NGUIMALET, 1999 b).