1.2. Les difficultés d’installation du Poste

L’implantation du poste colonial sur ce site a connu beaucoup de difficultés d’ordre physique (et/ou géomorphologique) et d’ordre humain.

Sur le plan physique, le site de Bangui est coincé entre les collines de Gbazabangui à l’Est, l’Oubangui au Sud-SO, et les marécages à l’ONO ; cette réalité traduit l’impact du milieu physique sur l’installation du poste de Bangui. Selon la mission DYBOWSKI réalisée en 1891, le poste de Bangui est établi dans un site peu favorable : inondation par l’Oubangui aux hautes eaux, voisinage immédiat de marécages malsains, etc... Cela explique les trois déplacements successifs de la ville le 15 juin 1890, au début de 1893 et en 1900. Le premier site est situé plus bas, en aval du confluent de la Mpoko et de l’Oubangui d’après le rapport BERTON de février 1890 (Figure 5) ; on parlait de l’établir au niveau des rapides car les bateaux ne peuvent normalement pas aller plus loin (BOULVERT, 1989). Les emplacements successifs et les difficultés d’installation définitive de la ville sont liés à l’absence d’un site exondé et à la forte densité de la végétation qui aurait masqué l’emplacement idéal. L’administrateur A. UZAC, dans une lettre du 26 juin 1889, a précisé la difficulté de trouver un emplacement convenable tant en amont qu’en aval des rapides, véritable point de rupture de charge sur l’Oubangui. Mis à part les endroits occupés par trois petits villages (cf. actuel emplacement des Bureaux des Travaux Publics et des Douanes au bord du fleuve), les terrains à proximité des rapides étaient soumis aux inondations en hautes eaux ; la montagne qui forme les rapides est en pente trop raide ; en revanche, un site distant de 4 km (en principe 8 km) en aval des rapides, constitué par une pointe rocheuse qui termine une courbe assez prononcée de la rive, paraît intéressant. De plus, l’impressionnante taille de la végétation avec des arbres colossaux rend malaisés les travaux de débroussaillage réalisés seulement avec des pioches et des haches.

Figure 5 Bangui en 1889 (d’après M. CHOLET, modifiée)
Figure 5 Bangui en 1889 (d’après M. CHOLET, modifiée)

Sur le plan humain (SOUMILLE, op. cit. ; VILLIEN, op. cit.), le premier obstacle résidait dans l’hostilité des groupes ethniques (Bondjo et Bouzerou essentiellement) qui attaquaient aussi bien le poste que les pères du Saint-Esprit, installés quatre années après (cf. 1893). Ensuite, lorsque le poste a été créé, son développement a souffert de l’insuffisance numérique des cadres administratifs qui devaient mettre en valeur la cité. Dans ce contexte, les auxiliaires africains qui devaient servir de pont entre les communautés (essentiellement ouest-africains) n’ont pas facilité les rapports entre l’administration coloniale et la population autochtone. Par ailleurs les mauvaises conditions matérielles, notamment les difficultés de communication (possible seulement en hautes eaux de l’Oubangui), ont créé une pénurie d’objets de première nécessité pour la vie quotidienne (lampes, bougies, papier, encre, savon…). Le manque de médicaments a aussi été un facteur de grande mortalité parmi la population aussi bien autochtone qu’européenne. Bref, ces paramètres expliquent les débuts difficiles de Bangui tant sur le plan humain que sur le plan physique.