1.3. Les problèmes de l’eau et des crues de l’Oubangui

L’eau (météorique, superficielle et souterraine) a durablement marqué le développement du site et de la ville de Bangui (NGUIMALET, 2000).

Dans une de ses correspondances de novembre 1889, MUSY, cité par Y. BOULVERT (op. cit.), indique qu’il ne se passe pas de jour qu’il n’y ait un orage qui déchaîne souvent éclairs et tonnerre. La foudre éclate à chaque instant, brisant des arbres colossaux, puis la pluie s’écroule en masse compacte ; à l’époque, la présence nombreuse de gros arbres permettait sans doute de se protéger contre la foudre. Du fait de la régularité des pluies qui tombent neuf mois dans l’année, l’atmosphère reste chargée d’électricité. L’un des méfaits de ces orages et tornades a été constaté le 7 février 1907, date à laquelle la toiture et les colonnes de la maison du Gouverneur de Bangui, FOURNEAU, ont été ébranlées. Deux autres cas ont été observés, d’abord le 13 novembre 1931 par le passage d’un cyclone au-dessus de Bangui-ville, lequel a mis par terre l’église des 3000 chrétiens de la ville et les écoles pour 300 élèves, ce que Mgr GRANDIN déplore ; ensuite le 27 mai 1932, une trombe s’est abattue sur la localité de Bangui en fin de matinée, causant d’importants dégâts. Ce phénomène caractérisé par des mouvements ascendants et tourbillonnants a arraché, soulevé et projeté des tuiles et des tôles. Le bruit qui précède la trombe, selon RICHARD (1934), rappelle « un galop de chevaux traînant de vieilles voitures dont les ferrures disloquées ferraillent étrangement sur une route défoncée ».

Par ailleurs, la principale nappe d’eau de surface à laquelle est associé le site de la ville de Bangui est l’Oubangui, un des principaux affluents du Congo au Nord du bassin, auquel il faudrait adjoindre son affluent, la Mpoko. Il existe aussi dans la plaine des petits cours d’eau à caractère torrentiel, à cause de la pente et de leur charge de fond (Nguitto, Ngoubagara ou Ngongonon) et des marais très étendus (Figure 6). L’Oubangui influence le site de Bangui, non seulement par les rapides, mais surtout à cause du débordement fréquent de ses eaux vers la fin du XIXe siècle, caractère qui avait gêné l’installation du poste entre 1889 et 1892.

Figure 6 Esquisse des marais dans la plaine du site de Bangui (d’après IGN, 1987, modifiée)
Figure 6 Esquisse des marais dans la plaine du site de Bangui (d’après IGN, 1987, modifiée)

Selon des sources orales, le débordement de l’Oubangui serait la conséquence du mécontentement des moungo ou esprits de l’eau (GODART et ZOUBE, 1986). D’après le duc d’UZES (1892) cité par Y. BOULVERT (op. cit.), les habitants de Bangui eurent une surprise désagréable le 12 octobre et le 2 novembre 1891, jours où la montée des eaux inonda la factorerie, puis la quasi-totalité du site urbain. En octobre et novembre 1892, le poste établi sur un banc de sable fut complètement inondé et quelques cases émergeaient à peine au-dessus de l’eau : le poste fut transformé en île et les eaux de l’Oubangui montèrent à 5 m au-dessus de l’étiage. Malheureusement à l’époque, faute de stations hydrométriques, il était difficile de connaître avec précision les hauteurs d’eau pour lesquelles le site était progressivement inondé. C’est ainsi que suite à ce sinistre, le poste fut transféré au pied des rapides de Banghi, le 4 novembre, sur un bourrelet alluvial sableux qui domine de 4 à 5 m le niveau ordinaire de l’Oubangui. C’est alors que l’administrateur LARGEAU installa définitivement le poste sur le promontoire rocheux.

Quant à la question de l’eau souterraine (eau potable), elle manquait à la fondation du poste et de la mission Saint-Paul du Saint-Esprit. Toutefois, une source d’eau potable a été découverte le 22 février 1894 à la limite du terrain de la mission (GODART et ZOUBE, op. cit.). Les missionnaires catholiques l’avaient aménagée sur le chemin qui allait de Saint-Paul au (quartier) Kassaï. Cette source aurait été située à Gbangouma et aurait fonctionné jusqu’en 1912. Etant donné qu’elle était unique, l’affluence générait des disputes. Dans les récits ou correspondances des administrateurs, dès les débuts du poste, il n’est pas fait mention des difficultés d’accès à l’eau potable. Néanmoins, le problème s’est posé avec l’accroissement démographique et spatial de la ville à partir de 1928, car les filtres de la fontaine municipale qui distribuait l’eau laissaient passer des impuretés. En 1933, un parlementaire s’inquiétait de la fourniture d’eau potable permettant le fonctionnement de l’hôpital de Bangui. Aussi les pères du Saint-Esprit, au moment de construire un grand internat au nom des « Enfants de la mission », ont-ils fait creuser un puits afin de disposer d’eau, car la mission Saint-Paul (des Pères du Saint-Esprit) est installée sur un glacis terrasse et située à quelques centaines de mètres des points d’eau précédents. Quand le puits fut creusé, on attacha une corde à un seau pour puiser l’eau. Parfois les gens faisaient la queue devant ce point d’eau. On peut donc parler déjà d’un début d’approvisionnement en eau potable de Bangui. Ainsi, les eaux souterraines (potables) du site de Bangui à la fin du XIXe siècle alimentaient des puits et des sources, lesquelles se déversaient aussi dans les marais.

Toutefois, l’essor démographique, qui est l’une des causes de l’extension spatiale et de l’anthropisation des paysages, contribue à exacerber les problèmes de l’eau en milieu urbain (pollution, inondation). La structure urbaine peut les amplifier lorsque le site présente des vulnérabilités.