1.3. Les facteurs du ruissellement et de l’érosion

Les précipitations, le relief, la nature du sol et la végétation sont des facteurs qui influencent le ruissellement et l’érosion sans le contrôle de l’homme. En milieu urbain, l’anthropisation est telle que l’homme devient le facteur potentiel d’exacerbation du ruissellement et de l’érosion.

L’impact des précipitations dans ces processus est lié au climat (ROOSE, 1977). En région tropicale humide comme en Centrafrique, il tombe 1500 à 1600 mm d’eau en moyenne par an. L’agressivité de la pluie sur un sol urbain nu ou sur les sols en début de culture s’apprécie par le diamètre et la violence des gouttes. Dans les études du ruissellement, la fréquence d’apparition et le temps de retour des averses jouent un rôle primordial. Ces paramètres montrent les potentialités de l’érosion pluviale à Bangui. Le ruissellement par saturation, par exemple, dépend avant tout du cumul des averses et de l’histoire du sol préalablement à un événement pluvieux (COSANDEY, 1990 ; CROS-CAYOT, 1996).

Quant à la topographie, son influence sur l’érosion hydrique se fait par la pente, selon son intensité, sa longueur et sa forme (ROOSE, 1977). Les paysages de Bangui (collines et plaine) prédisposent à un transfert significatif de matières, notamment les versants escarpés et ponctués de carrières d’extraction de pierres qui évacuent leurs déchets de taille vers la plaine mal drainée. L’allongement de la pente engendre une chaîne de processus que nous avons observée : ruissellement diffus, en nappe puis concentré, passage d’une érosion par rejaillissement à une érosion en nappe puis à une érosion linéaire. L’absence de la végétation exacerbe ces processus.

Le couvert végétal a plutôt un rôle stabilisateur sur le milieu, mais sa dégradation par l’homme amplifie les pertes en eau et en sol d’un espace donné. Le couvert végétal a une influence notable sur les phénomènes du ruissellement et d’érosion sur les versants à fortes pentes, et conditionne la nature des états de surface du sol. Ainsi, en faisant un bilan de la dégradation du couvert forestier de la zone des collines par la comparaison des levés photographiques de 1977 et de l’image satellitale SPOT de 1988, KOKAMY-YAMBERE (1994) a montré que sept (7) aires géographiques ont évolué de manière négative de la forêt humide à la dégradation ultime (Tableau XVIII). Cette disparition progressive des végétaux (ligneux puis strate herbacée) est liée à l’installation des cultures, des carrières de pierres de construction, à l’approvisionnement de la ville en bois, à l’habitat…

Par ailleurs, les caractéristiques de la surface du sol, la dégradation de son état structural et de sa stabilité sont des paramètres qui rendent compte de l’incidence de l’état du sol sur le ruissellement et l’érosion. L’infiltration et le ruissellement des eaux de pluie répondent à certaines particularités, de même que la rugosité du sol. Lorsque l’eau ruisselle, l’humidité initiale du sol est déterminante (CROS-CAYOT, 1996). Quant à la dégradation de l’état structural, la mobilisation des particules par humectation (éclatement dû à la compression de l’air dans les agrégats secs subitement humectés, la dispersion pour des sols sableux ou argileux, et une fissuration partielle) et l’énergie cumulée des gouttes de pluie affectent la formation de la croûte de battance ou structurale qui altère les caractéristiques physiques et hydrauliques de la surface du sol.

Tableau XVIII : Evolution de la végétation dans le secteur des collines de Bangui entre 1977 et 1988 (KOKAMY-YAMBERE, 1994, modifié)
Types de végétation Superficie (ha) en 1977 Superficie (ha) en 1988 % d’évolution Aires dégradées (ha)
Forêt humide
Forêt claire
Savane arborée
Savane arbustive
Cultures et jachères
Habitations
Carrières de pierres
2500
1400
1500
3400
4000
1350
5
1700
1380
650
3400
5200
1800
25
32
1,4
57
0
30
35
500
544
19,32
370,5
0
1560
630
125

La stabilité structurale des sols s’apprécie par la teneur en argile et en matière organique (SOUCHERE, 1995). Cette dernière augmente la cohésion des agrégats, tandis qu’une baisse de la teneur en argile augmente la porosité structurale. La vitesse d’extension des croûtes structurales est corrélée à la quantité des particules fines mobilisées.

Le secteur de Bangui comporte une assez grande diversité de sols (BOULVERT, 1976). Les sols dominants sont ferrallitiques, de couleur vive, et caractérisés par l’abondance de nodules ferrugineux qui préludent souvent aux carapaces ferrugineuses (KOKAMY-YAMBERE, 1994). Il en existe des gravillonnaires, des indurés de surface (<50 cm) ou de profondeur (>50 cm), des appauvris… Au-delà de cette classification, quelques spécificités se dégagent en fonction de la topographie du site :

Sur les versants, on observe des sols limono-argileux au sommet des collines à sableux à leur pied, comportant une forte proportion d’éléments grossiers (64 %) ; ils sont acides et moyennement organiques. Le sable de bas de pente provient du colluvionnement et de la décomposition des quartzites. Ainsi cette chaîne de sols montre la combinaison de divers facteurs et agents qui leur ont donné naissance in situ.