3.2. L’anthropisation des lits majeurs

Les indices ou preuves de l’anthropisation des lits majeurs à Bangui ont été obtenus grâce à la photographie aérienne. En effet, les lits majeurs de la future zone urbaine de Bangui ont commencé à être sérieusement affectés dans les années 1950, lorsque la population a augmenté rapidement du fait de l’exode rural.

Figure 82 Evolution diachronique de la Ngoubara sous le poids de l’anthropisation
Figure 82 Evolution diachronique de la Ngoubara sous le poids de l’anthropisation

Ainsi, cette unité morphologique fluviale reçoit des briqueteries, des cultures maraîchères, des bassins piscicoles lorsque l’hydromorphie et l’affleurement ou le subaffleurement de la nappe phréatique superficielle le permettent, et aussi des équipements (routes, ouvrages d’art…). Ces activités persistent encore aujourd’hui malgré le confinement ou la réduction des lits majeurs, notamment sur des lambeaux qui se retrouvent encore dans les vallées de la Ngoubagara, de la Ngongonon, de la Nguitto ou de la Kokoro. A propos de la Nguitto, son lit majeur est encore faiblement humanisé, notamment entre la route des Ndris et le quartier Kassaï I. Quant à la Kokoro, les travaux de curage de son chenal entrepris en 1994-1995 ont abouti à la construction d’une voie riveraine, mais le nouveau chenal n’est pas revêtu. Ceci n’a fonctionné que quelques années, en désenclavant les quartiers environnants (la route). Malheureusement, les précipitations exceptionnelles de 1999, qui ont gonflé le niveau de la nappe phréatique superficielle, ont rendu à nouveau fonctionnel le flat marécageux et de ce fait, la route construite en plein marais n’a plus existé. Néanmoins, la reconstruction de cette voie est en cours depuis deux ans.

L’anthropisation s’amorce certes par les processus précités, mais elle prend un autre visage quand les habitations s’installent. En résultent des actions telles que la construction des drains autour des parcelles, des levées de terre ou parfois des clôtures. Des murailles bétonnées scellent l’anthropisation des vallées fluviales, et protègent contre les crues épisodiques provenant des eaux de ruissellement (Planche VIII, Photo A). Les habitations localisées dans le lit d’inondation freinent l’écoulement et bloquent la dissipation de l’énergie des crues urbaines, que la capacité des chenaux ne suffit pas à écouler sans contrainte. Alors que les dimensions de ces lits semblent correspondre à un fonctionnement de type « naturel », couvert, dans le cas de Bangui, la nudité et la compaction du sol accroissent le ruissellement. L’habitat constitue donc l’élément clé à l’origine de la colonisation systématique des lits majeurs ; il s’installe même aux abords des chenaux, ce qui leur supprime leurs marges de liberté. En cela, les cours d’eau s’adaptent à un (autre) comportement qui est dicté par la présence humaine.