5.3.2. La contenance du chenal et la superficie du bassin lors des crues exceptionnelles

Ces deux variables semblent être diversement influencées en milieu naturel, à propos des relations entre le débit à pleins bords et la taille des bassins-versants (BRAVARD et PETIT, 1997) : d’une part, l’opposition des totaux pluviométriques est accusée à l’échelle des bassins-versants : les bassins qui reçoivent de faibles précipitations (600 mm par an) ont des valeurs de débit à pleins bords plus faibles que ceux qui sont mieux arrosés (1300 mm par exemple) ; d’autre part, le rôle du régime hydrologique des rivières sur l’importance des valeurs du débit à pleins bords est mis en évidence : les rivières à régime contrasté ont une plus grande contenance du chenal que les rivières à régime relativement stable. Cette deuxième tendance correspondrait bien au cas des rivières de Bangui, car la forte occupation des bassins-versants urbains aurait significativement réduit l’écoulement d’étiage qui n’a pas un rythme soutenu en période non pluvieuse : l’écoulement est nul quand il ne pleut pas. En admettant que la superficie cumulée des bassins de la Ngongonon et de la Ngoubagara est de 25,36 km2 (dont respectivement 13,48 et 11,88 km2), l’impluvium que ces bassins représentent fournirait plus de ruissellement que la capacité de leurs chenaux ne suffirait pas à évacuer (cf. largeur et profondeur des lits) en contexte actuel, en raison de l’artificialisation des conditions d’écoulement. En outre, plus de la moitié de ces hydrosystèmes est constituée des terrains argileux compactés par l’emprise urbaine mais aussi localement saturés d’eau, ce qui accroîtrait leur capacité de ruissellement et donc l’inaptitude des chenaux à écouler un gros volume des eaux pluviales.

La fréquence du débit à pleins bords est fonction de la taille du bassin-versant, dans un contexte régional homogène, mais sur un même cours d’eau cette fréquence diminue de l’amont à l’aval (BRAVARD et PETIT, 1997) du fait qu’en général les crues sont plus brutales en amont qu’en aval. Toutefois, cette relation se complexifierait en milieu urbain à cause de l’imbrication de plusieurs paramètres : intensité et hétérogénéité spatiale des averses, imperméabilisation du sol, raccourcissement du temps de réponse entre précipitation et écoulement, raccourcissement de la durée de l’écoulement… Ainsi, il apparaît plus difficile dans le cas de ces bassins urbains à Bangui de parler de la régularité du débit à pleins bords que de prendre en compte l’intensité des averses qui précise l’importance du ruissellement. En effet, les intensités d’averses expliquent donc la fréquence du débit à pleins bords pour les principaux cours d’eau collecteurs de la ville de Bangui. Ceci traduit une autre dynamique dans ce milieu tropical humide du fait peut-être de l’anthropisation, et permet de voir à quelles conditions le transfert des eaux pluviales se fait aisément.

A travers ce chapitre, un état des connaissances sur l’aptitude des lits fluviaux urbains est réalisé dans ce processus de compréhension globale des problèmes de ruissellement d’origine pluviale à Bangui. L’analyse des données morphométriques et de la densité de drainage des cours d’eau dans cet espace urbanisé est notre contribution visant à mettre en relief les structures actuelles (naturelles et artificielles) d’évacuation des eaux pluviales dans une perspective d’assainissement de la ville, en l’absence d’un aménagement conséquent qui réduirait le poids du milieu physique. Ainsi, les modes d’occupation du sol (débris d’érosion, déchets anthropiques…) n’ont fait qu’exacerber les conditions de la circulation de l’eau déjà précaires en conditions naturelles (faible densité de drainage dans la plaine marécageuse), alors que le ruissellement généralisé et anarchique des eaux pluviales sur un sol imperméabilisé a révélé les problèmes que posent avec acuité les eaux superficielles.

La morphodynamique actuelle des rivières, notamment de par la végétalisation et la sédimentation dans les lits fluviaux, nous sert de critères pour définir les facteurs qui limitent la compétence des rivières dont les conséquences se traduisent par des débordements fréquents de chenaux. Pour compenser ce manque de compétence des cours d’eau à Bangui, nous pensons à une solution qui se fonde sur les relations entre la contenance des chenaux fluviaux et l’étendue de leurs bassins-versants. Elle suppose que l’espace urbanisé de la ville de Bangui ne résoudra cette question persistante de l’eau que lorsque le réseau de drainage artificiel se densifiera, et qu’un dispositif de pièges à sédiments sur versants devrait fonctionner, de même que la collecte des ordures ménagères ou la gestion à la source de celles-ci, en vue de limiter le colmatage rapide des drains.