2.2.2. Transmissivité : essais de pompage dans les principales unités de relief

La transmissivité est la quantité d’eau (exprimée en m3.jour-1 ou m3.s-1) qui passe à travers une section verticale de terrain d’une largeur d’un mètre et d’une hauteur correspondant à l’épaisseur de l’aquifère saturé (PLESINGER, 1990). Sa dimension est exprimée le plus souvent en m2.jour-1 ou en m2.s-1. C’est par les pompages d’essai que nous pouvons déterminer le plus facilement la transmissivité de l’aquifère dans un endroit donné ; ils ont une importance primordiale pour l’hydrogéologie et l’hydraulique pratique.

Ainsi, de nombreux forages sont réalisés à Bangui et dans sa périphérie pour puiser dans la nappe profonde en vue de l’alimentation en eau (potable), mais les débits obtenus aux pompages d’essai paraissent dans l’ensemble faibles (Annexes II). Le test de pompage appliqué aux 21 forages de la JICA montre que la transmissivité est faible dans le calcaire (Tableau XXVIII). Elle devient plus forte le long de la faille qui part de l’Aéroport de Bangui-Mpoko en passant par l’Est du plateau de Fatima et le quartier Kpétènè, et le long du fleuve Oubangui. Ces indicateurs nous révèlent le potentiel hydrogéologique de la Dépression de Bangui en matière de fourniture d’eau. Toutefois, notre examen des débits de captage des différents aquifères ne souligne pas la capacité d’une unité hydrogéologique donnée à avoir une productivité élevée (altérites, calcaire, quartzite, conglomérat, schiste). La confirmation vient de ce qu’un aquifère peut localement présenter des débits très fluctuants, bien qu’il existe un rapport avec la profondeur des forages. De même, le rapport entre la profondeur des forages et le niveau hydrostatique ne ressort pas comme une spécificité, en fonction des principales unités de relief (piémont, plateau et plaine) ; ainsi quelle que soit la profondeur, nous remarquons que le niveau piézométrique est en moyenne proche de la surface topographique.

Trois forages réalisés par Sangha Forage au Nord de Bangui (Galabadja, Gobongo et Alima) dans les sédiments fluvio-lacustres 45 n’ont donné que des débits moyens. En revanche, les forages faits par FORACO pour l’UCATEX en 1984, qui ont pénétré les calcaires jusqu’à des profondeurs de 152-171 m, ont une bonne productivité : les débits pompés ont atteint 39,6 m3.h-1. Un nouveau forage de 201 m dans les calcaires, effectué au pk 7 à l’ouest de la ville (concession Cattin) par Sangha-Forage, s’est montré moins productif : le forage Cattin (201 m) a été réalisé pour embouteillage d’eau…. Par contre, un gros débit caractérise le forage piézomètre du pk 4, avenue B. Boganda : la transmissivité y est comprise entre 300 et 600 m2.jour-1.

Tableau XXVIII : Résultats des essais de pompage obtenus à Bangui par la JICA (1999)
Puits Localité Aquifère Transmissivité (m2.jour-1) Perméabilité (m.jour-1) Débit (m3.h-1) selon les pompages
EW1 Environ Bengongi Argile latéritique - - -
EW2 Gbabin Argile latéritique - - -
EW3 Barrière Nzongo (ancienne route Mbaïki) Grès quartzeux pélitique 1,9 3,5*10-2 1
EW4 Sakaï Grès quartzeux pélitique 2,2 1,6*10-4 1
EW5 Route Sakaï côté aéroport Argile latéritique - - 1
EW6 Kokoro III Berrail Calcaire dolomitique 1 1,5*10-2 1,5
EW7 Ecole Kpangaba Calcaire dolomitique 9,8 1,8*10-2 1,2
EW8 Kokoro I Argile latéritique, Grès - - -
EW9 Cattin Calcaire dolomitique 147 5,9 1,2
EW10 Guitangola Calcaire dolomitique 0,2 9,1*10-2 1
EW11 Bimbo (face route Gebo) Argile latéritique - - -
EW12 Bimbo Grand-Séminaire Calcaire dolomitique 0,3 1,5*10-2 1
EW13 Husaca Bimbo Calcaire dolomitique 314 8,1 100
EW14 Ngola II Argile latéritique - - -
EW15 Damala Argile Grès - - -
EW16   Argile latéritique Grès - - -
EW17 Ecole Koudoukou Argile latéritique Grès - - -
EW18 Sinistrés Argile latéritique Grès - - -
EW19   Calcaire 1385 198 100
EW20 Ecole St-Jean Calcaire sablonneux 810 25,3 100
EW21 Ecole St-Jean bis Calcaire - - -

Quant aux trois principaux axes par lesquels la ville de Bangui s’ouvre sur son hinterland : Bangui-Boali et Bangui-Damara vers le Nord, et Bangui-Mbaïki vers le Sud, le rapport aquifère-profondeur-débit ne nous donne pas les mêmes résultats. Les plus forts débits sont observés pour les aquifères schisteux (12 m3.h-1) et calcaires (10,8 m3.h-1), alors que les plus faibles sont relevés dans les quartzites (2 m3.h-1 et 2,5 m3.h-1). La profondeur des forages ne semble pas influencer les débits car le plus profond aquifère calcaire n’a pas enregistré le plus fort débit, lequel est assuré par l’aquifère schisteux (voir Annexes II). Le calcaire dans la région de Bangui en général n’est présent que sous les secteurs de plaine, alors que schistes et quartzites constituent les aquifères des zones de piémont ou des zones fortement tectonisées.

Sur l’axe Bangui-Damara, l’aquifère est schisteux (6 m3.h-1), et les débits relevés aux pompages d’essai sont globalement décroissants et ne prennent pas en compte la profondeur des forages : même à la plus importante profondeur (70 m), les débits sont faibles (moins de 1 m3.h-1). Toutefois, sur l’axe Bangui-Mbaïki, nous constatons que l’aquifère qui a le débit le plus élevé (3 m3.h-1) est le sable alors que les graviers, qui sont supposés être de bons aquifères, ont présenté un des plus faibles débits (moins de 1 m3.h-1) avec le forage le moins profond. Dans cet ensemble, le calcaire et la dolomie présentent des débits inférieurs à 1 m3.h-1.

En outre, CORNACCHIA et GIORGI (1985 a) ont cherché l’eau souterraine à l’usine UCATEX par la réalisation de trois forages (SU1, SU2 et SU3), poussés à 30 m dans le soubassement calcaire. Ils ont conclu que l’absence de piézomètres et le débit trop faible de la pompe d’essais ne permettaient pas de déterminer précisément les caractéristiques hydrodynamiques de l’aquifère. Cet argument confirme les débits obtenus dans la ville de Bangui et ses environs. Ils suggèrent que des essais de pompage à des débits plus grands sont nécessaires pour apprécier exactement les débits maxima, et ces auteurs estiment cependant qu’un débit de 60 m3.h-1 est supportable par les puits : des rabattements de 8 à 9 m pour le puits SU2 et de 11 à 13 m pour le puits SU3 sont possibles tandis qu’en SU2, dont le niveau statique est situé à 28 m et la chambre des pompes limitée à 48 m, les rabattements ne sont que de 20 m au maximum. En revanche, des rabattements importants sont projetés en SU3 compte tenu de la profondeur du trou (120 m) et de la chambre de pompage en PVC 179-200.

Les essais de pompage en SU1, dans les niveaux situés au-dessus du substratum calcaire, donnent des débits intéressants, supérieurs à 30 m3.h-1. Quant aux puits SU2 et SU3, leur productivité est comparable et une bonne transmissivité permettrait d’obtenir dans les deux cas des débits de l’ordre de 40 m3.h-1 pour des rabattements voisins de 5 m.

Par ailleurs, des études analogues menées à la Brasserie CASTEL-BEER (CORNACCHIA et GIORGI, 1985 b) ont déterminé des débits de l’ordre de 15 m3.h-1 à 40 m3.h-1 pour les puits de reconnaissance (SCB1, SCB2 et SCB3). Ces auteurs ont conseillé de limiter les débits à 30 m3.h-1 car ils estiment que, du fait du renouvellement probable de la nappe par les eaux de la Mpoko, un ralentissement des pompages conserverait le pouvoir filtrant des alluvions qui recouvrent le substrat rocheux (Figure 29 b : p. 75).

Quels que soient la transmissivité de l’aquifère et les débits pompés, l’usage de l’eau est toutefois soumis au préalable à l’analyse de sa qualité physico-chimique et bactériologique. Jusque-là, les ressources en eau tirées des forages de Bangui n’ont servi qu’à quelques particuliers et fabriques (SCB, ex UCATEX…). La population citadine n’y a pas encore accès. Les recherches d’eau menées par la JICA ont débouché sur un projet d’exploitation en vue d’approvisionner une partie de la ville, mais les crises politico-militaires de ces dernières années en ont bloqué la réalisation pour l’instant.

Notes
45.

Ces dépôts sont aussi mis en évidence par les forages de l’UCATEX, et nous avons oublié de les mentionner dans la géologie du site.