2.3.3. Tendances actuelles de la qualité des eaux souterraines dans la ville de Bangui

Les mesures de la qualité de l’eau ont été réalisées en 1996 par la JICA (1997). Du fait que l’analyse des principaux composants chimiques n’a pas été étendue à Na (sodium), les résultats n’ont pas permis de différencier les eaux de type alcalin (Na + K) et le type de dureté (Ca + Mg). La façon d’estimer la minéralisation d’une eau notamment en carbonate de calcium et en magnésium, et en anhydride carbonique libre est l’hydrotimétrie (GUYOT, 1974). En fait, le gros intérêt de l’hydrotimétrie est d’évaluer rapidement la dureté totale de l’eau. Les autres déterminations se font par la teneur en éléments tels que le calcium, l’acide carbonique, le magnésium, pour avoir un contrôle des résultats trouvés ultérieurement à l’analyse.

A la lumière des cinq composants pris en compte (Mg, Ca, K, SO4 et HCO3), les eaux souterraines à Bangui sont de type carbonaté pour les forages ayant atteint le socle, et de type non-carbonaté pour les puits traditionnels et les forages qui ont capté l’eau dans la couche d’altération et qui n’ont pas atteint le socle. Ces résultats confirment les travaux antérieurs (CORNACCHIA et GIORGI, 1985 a et b ; PLESINGER, 1990).

Les études les plus significatives, concourant à l’amélioration des connaissances sur la qualité des eaux souterraines à Bangui, ont été réalisées par la JICA (1997, 1999 a, b et c). Elles nous paraissent les plus récentes et les plus fournies en raison de la couverture du site (Figure 26 a : p. 68), et surtout de la prise en compte à la fois de l’eau des puits traditionnels et de l’eau des forages. Dans ce travail, l’aquifère de la latérite, ou celui de la formation superficielle d’altération, dans lequel sont creusés les puits traditionnels, est distingué de l’aquifère du socle du point de vue de leurs qualités respectives. Ainsi, les résultats des analyses nous ont montré que les eaux souterraines de la couche latéritique sont fortement contaminées par les coliformes émanant des activités humaines. Une forte concentration en Mn et en Fe est également observée et mise en relation avec la latérite, et la proportion des nitrates dépasse la norme de l’OMS dans certains puits (Tableau XXXII) : les nitrates ont des valeurs qui ne paraissent pas si élevées. Ceci nous indique que, sur le plan hygiénique, ces eaux ne sont pas potables et en conséquence elles ne doivent pas servir à l’alimentation de la ville.

Quant à l’aquifère du socle, les analyses de la JICA ont révélé la présence des coliformes dans les échantillons prélevés, et les concentrations en Fe et en Mn dépassent les normes de l’OMS (Tableau XXXII) dans la plupart des forages. Ces résultats contredisent ceux des travaux de CORNACCHIA et GIORGI (1985 a et b) qui nous montraient que la qualité des eaux du socle était bactériologiquement saine, et que l’eau de l’aquifère calcaire pouvait être utilisée sans aucun traitement, pour l’approvisionnement de Bangui. Cela peut laisser entendre que la qualité des deux nappes s’est détériorée dans l’espace et dans le temps.

Il semble que la qualité des eaux souterraines du socle s’améliore probablement avec l’apport des zones perméables (productives le long des failles) (Fig. 34 et 35 : p. 94) dans lesquelles la qualité de l’eau souterraine répond aux normes de l’OMS, hormis le cas des coliformes. Pour ce qui est de la qualité actuelle de l’eau du socle, on estime que la recharge est contaminée à l’origine par les coliformes du fait que la zone de recharge est urbaine et fortement peuplée. Il est donc conseillé de stériliser ces eaux superficielles et du socle lorsqu’elles doivent servir à la consommation.

Tableau XXXII : Evolution des coliformes thermo-tolérants par forage (JICA, 1999 a)
Paramètres / Forages EW3 EW6 EW7 EW9 EW10 EW12 EW13 EW20
PH 5,78   8,22 7,02 7,12 8,48 7,20 7,91
Température (°C) 27   28 24 27 22 28 26
TSDS (mg.l-1) 67   171 207 243 559 256 217
Dureté (mg.l-1) 38   197 283 273 291 335 280
NO3 (mg.l-1) 10,3   10,6 22,5 7,5 8,7 7,5 9,3
NH3 (mg.l-1) 0,58   0,41 0,73 0,37 0,28 0,34 0,40
SO4 (mg.l-1) 5   6 13 6 7 4 6
Mn (mg.l-1) 1,9   0,9 2 0,6 0,8 0,4 0,4
Fe (mg.l-1) 10   0,9 0,91 0,37 0,35 0,18 0,18
Cl (mg.l-1) 29   Trace 11,5 3,4 4,9 7,9 7,9
Ca (mg.l-1) 12   54 105 101,2 78 87,6 87,6
Mg (mg.l-1) 1,9   15,1 5 4,8 23,4 28,3 28,3
HCO3 (mg.l-1) 31,1   139 220 204 22,7 224 224
Coliformes Therm. (100 ml-1) 10 > 200 0 > 2*105 > 200 > 100 20 > 200
Coliformes (100 ml-1) 3 > 200 > 200 > 2*105 > 200 > 200 20 > 200
Streptocoques Fécaux (100 ml-1) 0 0 0 0 0 0 0 0
Cloridies Sulfitoréduct. (100 ml-1) > 200 > 200 0 0 > 200 > 200 0 > 200
Total des bacteries aérobies (100 ml-1) 0 > 20,000 105 1,7*107 20,000 > 20,000 40,000 > 20,000
N. B. : Coli. Therm. : Coliformes thermotolérants ; Cloridies Sulfitoréductrices ; 400 : supérieur à la norme de l’OMS.

La concentration en fer et en manganèse (Mn) semble supérieure à celle recommandée par l’OMS ; les coliformes et l’ammonium sont trouvés dans l’aquifère à une profondeur de 30 mètres. Ceci serait dû à l’intercommunication probable entre l’aquifère superficiel et celui du socle, car l’eau souterraine paraît circuler aisément et rapidement dans le socle à cause vraisemblablement de l’importance de la fracturation, mais aussi des fentes de dessiccation dans les argiles en période sèche. Lorsque nous comparons les paramètres pH, Fe, Mn, NO3 et les coliformes analysés dans l’eau des puits et forages, il s’avère que les deux types d’eau ne sont pas potables selon les normes de l’OMS. La présence de coliformes et de coliformes thermo-tolérants dans ces eaux nous indique une pollution par les matières fécales à partir de la surface du sol ; ceci explique la prépondérance de maladies d’origine hydrique à Bangui.

Quant au pH, celui des puits est acide, il varie de 4 à 5, alors que le pH de l’eau des forages est dans l’ensemble neutre ou alcalin (7 à 8), d’après la norme japonaise pour l’eau courante (pH 5,8-8,6) ; il existe aussi un pH acide dans quelques forages sur le piémont, particulièrement dans ceux de Boy-Rabé (DW 17, 22, 37 et Gotombo), de Bégoua au pk 12 (DW 10), à l’ORSTOM (DW 35). Selon cette étude, le pH des eaux souterraines dépend du taux d’acide carbonique libre, de différents sels, d’acides minéraux et d’acides organiques. Or l’eau souterraine est en général légèrement acide à cause de l’acide carbonique libre dû à la dissolution du dioxyde de carbone. Il est démontré que, dans les régions tropicales à température et humidité élevées, l’acide organique ne subsiste pas facilement, à cause de l’activité importante des micro-organismes.

La teneur en fer de l’eau dépasse 0,3 mg.l-1 dans environ 40 % des points d’eau analysés ; de même, les valeurs de manganèse se situent au-delà des normes de l’OMS fixées à 0,5 mg.l-1. Pour les nitrates (NO3), les points d’eau à concentration supérieure à 50 mg.l-1 (norme de l’OMS) et/ou relativement élevée sont localisés dans le NE de la zone d’étude, du quartier de la Ngola aux quartiers du pk 12 (JICA, 1997). Un mélange d’engrais azoté, d’eaux usées domestiques, d’effluents… avec les eaux souterraines expliquerait cette forte concentration en NO3. Au vu de ces résultats, nous remarquons en outre que la variabilité de la qualité de l’eau à l’échelle temporelle et spatiale (Figures 104 et 105 ; Annexes III), est faible selon les paramètres chimiques observés. Les concentrations en anions (Cl, SO4, NO3 et HCO3 ) et en cations (Ca) mesurées dans les puits traditionnels aux mois de mai (Figures 104 a et 105 a), de septembre (Figures 104 b et 105 b) et de décembre (Figures 104 c et 105 c) sont les plus importantes dans le temps et même dans l’espace : les puits SO 28, 29, 31, 32, 39, 44, 45… ; Ces puits sont localisés dans les secteurs peuplés de la plaine de Bangui (Kolongo, Ramandji, Combattant, Damala et Boeing), et tendent à confirmer ces résultats. Quant aux forages, l’analyse de la qualité de l’eau dans cette même période met en relief de fortes concentrations en SO4, NO3, Ca, Mg, Mn et HCO3, fluctuant dans l’espace et dans le temps, et variant d’un point d’eau à l’autre. De plus, une classification des résultats d’analyses des puits et forages que nous avons faite selon les principales unités topographiques concernées (piémont ou plateau, et plaine) ne nous permet pas de faire ressortir une nette différence dans l’intensité des types de pollution par unité géomorphologique, en fonction des propriétés physico-chimiques prises en compte.

Figure 104 Spatialisation des concentrations par séries de forages
Figure 104 Spatialisation des concentrations par séries de forages
Figure 105 Spatialisation des concentrations par séries de puits traditionnels
Figure 105 Spatialisation des concentrations par séries de puits traditionnels
Figure 105 Spatialisation des concentrations par séries de puits traditionnels
Figure 105 Spatialisation des concentrations par séries de puits traditionnels

Théoriquement, les puits traditionnels et les forages localisés dans les secteurs de la plaine devraient être les plus pollués de par leur position déprimée, ensuite de par les plus fortes densités humaines (plus de 200 habitants.km-2) qui y sont observées, à l’exemple du quartier Fondo (cf. Kolongo), situé à la limite entre le 3e et le 5e Arrondissements en bordure SE de l’Aéroport Bangui-Mpoko. Ainsi, nous notons que les forages (DW 17, 22, 31, 41, 42, 6, 12, 16…) se trouvent aussi bien dans les secteurs peuplés des quartiers populaires que dans les quartiers lotis ou résidentiels ; ils sont davantage implantés dans les zones de piémont et de plateau, tandis que les puits traditionnels dominent dans la plaine (Figure 26 a). Ainsi, l’usage des eaux souterraines passe par la connaissance de leurs qualités physico-chimique et bactériologique. Il passe aussi par le potentiel des ressources en eau souterraines.