4.2.2. Extension de la nappe

Dans ce contexte, l’analyse des niveaux piézométriques des puits en 1984-1985 et en 1987-1988 (Figures 106 a et b) nous suggère de suivre les variations du niveau hydrostatique de la nappe superficielle dans l’espace et dans le temps et ce en étroit rapport avec les altitudes relatives qui contrôlent les diverses unités topographiques à Bangui. Ces niveaux piézométriques les plus hauts correspondent aux secteurs de topographie relativement élevée tels que plateaux ou piémonts, alors que le secteur de plaine, que nous supposons être un talweg de par la convergence de l’écoulement, enregistre la plus faible piézométrie de la série.

Figures 106
Figures 106 a) Niveau piézométrique dans les puits traditionnels à Bangui de janvier 1984 en juin 1985 (d’après NGBOKOTO, 1988) ; b) Niveau piézométrique dans les puits traditionnels à Bangui d’octobre 1987 en mai 1988 (d’après NGBOKOTO, 1988)

Dans la pratique, les puits traditionnels sont plus profonds dans les secteurs de piémont ou de plateau comme ceux de Boy-Rabé, Foû, Gobongo ou Fatima que dans la plaine à Miskine, Ngouciment ou Sica-Saïdou ; cela nous laisse penser que la nappe superficielle n’aurait pas un même niveau statique (voir Fig. 107 pour localisation). Au vu de ces résultats, nous remarquons donc des paliers piézométriques qui sont dictés par les niveaux topographiques ; ceux-ci sont confirmés par les travaux de CORNACCHIA et GIORGI (1985 a) qui présentent l’allure de la nappe phréatique superficielle en rapport avec les courbes de niveau ou de relief (Figure 107 a et b).

Figure 107a) Allure de la nappe superficielle en début de l’année hydrologique à partir des puits traditionnels à Bangui (CORNACCHIA et GIORGI, 1985 a, modifiée)
Figure 107a) Allure de la nappe superficielle en début de l’année hydrologique à partir des puits traditionnels à Bangui (CORNACCHIA et GIORGI, 1985 a, modifiée)
Figure 107 b) Niveau hydrostatique dans la Plaine de Bangui à l’Ouest des Collines de Gbazabangui (NGBOKOTO, 1988, modifiée)
Figure 107 b) Niveau hydrostatique dans la Plaine de Bangui à l’Ouest des Collines de Gbazabangui (NGBOKOTO, 1988, modifiée)

Cependant, le rapport altitude-profondeur des puits traditionnels témoins (Figure 108) ne semble pas beaucoup influencer le niveau hydrostatique, sauf dans le cas du puits témoin 7 dont la nappe est la plus profonde (environ 20 m), alors que le puits 6 coté à plus de 410 m atteint la nappe à moins de 10 m.

Figure 108 Rapport altitude-profondeur des puits témoins observés en 1984-1985 et en 1987-1988
Figure 108 Rapport altitude-profondeur des puits témoins observés en 1984-1985 et en 1987-1988

Nous expliquons cette dynamique d’après les études de la JICA (1999 b), lesquelles ont défini deux potentiels piézométriques, en fonction d’abord des deux nappes et ensuite des formations hydrogéologiques dans lesquelles les eaux sont extraites (puits ou forages). Il s’agit de l’aquifère de la latérite, exploité à la fois par les puits traditionnels et par les forages (Figure 31), et de l’aquifère du socle qui n’est accessible que par forage. Les mesures effectuées en 1996 (JICA, 1997) nous ont ainsi montré que la couche aquifère de la latérite présente la même configuration que les caractéristiques topographiques. Ceci se remarque par l’élévation du potentiel piézométrique plus forte dans les secteurs de plateau que dans la plaine (Figure 109), et cela nous confirme que cette couche aquifère est libre, se rechargeant par les eaux pluviales.

En revanche, la couche aquifère du socle, dont la surface piézométrique n’a été mesurée qu’en janvier 1999, présente des isopièzes presque identiques à celles de la couche de la latérite si nous les comparons (Fig. 109), sauf le long des zones de failles. Ainsi, le niveau piézométrique de l’aquifère du socle est plus bas d’environ 10 m le long des failles, à l’intérieur desquelles des vallées piézométriques sont relevées avec une isopièze profonde de 200 m. En raison de la concordance de certaines isopièzes des deux couches aquifères, ces nappes sont supposées hydrauliquement connectées, mais leur potentiel ne suffirait pas à alimenter la zone urbaine à elles seules, semble-t-il. Par ailleurs, en examinant les courbes isopiézes, il apparaît que l’extension de la nappe superficielle est discontinue au sein de la ville du fait de la présence des collines ; la nappe de Kassaï-Ouango est isolée en raison de la tectonisation du site, et limitée au sud par l’Oubangui, à l’ouest par la Mpoko. D’après cette répartition, NGBOKOTO (1988) estime que la nappe phréatique superficielle se subdivise en trois parties ou bassins : le secteur de Boy-Rabé, la pénéplaine alluviale et la zone de l’inféroflux de l’Oubangui, alors que les forages de reconnaissance réalisés par la JICA ont aussi détecté trois bassins hydrogéologiques mais dont les détails diffèrent des premiers (Figure 34).

Figure 109 Courbes isopiézométriques de l’aquifère de la latérite comparées à celles de l’aquifère du socle (JICA, 1999, modifiée)
Figure 109 Courbes isopiézométriques de l’aquifère de la latérite comparées à celles de l’aquifère du socle (JICA, 1999, modifiée)

Dans le premier cas, le secteur de Boy-Rabé présente des courbes de niveau de 420 à 400 m qui sont serrées. Leur orientation nous suggère que la nappe est drainée par la Ngoubagara et son affluent la Ngou-Nguélé. Quant à la plaine alluviale, l’altitude de la nappe est comprise entre 360 et 400 m, avec des courbes de niveau qui s’orientent grossièrement dans deux directions : ESE-NO et E-SO, enserrant les quartiers Malimaka, Miskine, Fouh, Galabadja ; les cotes d’altitude 380 et 375, qui dominent, commencent à être lâches entre 370 et 365 m. Dans cet espace, nous voyons que la Ngoubagara et la Ngongonon continuent à drainer la nappe par l’intermédiaire des sources qui tapissent leurs chenaux. Enfin, cet auteur considère que la nappe dans la zone d’inféroflux, longeant le fleuve depuis l’amorce de sa courbure en rive droite au niveau du quartier Lakouanga jusqu’à la confluence de la Mpoko, est située au-dessous du niveau de l’Oubangui pendant les mois humides. En réalité, cette zone, qui est large d’environ 100 ou 200 m localement, nous paraît perchée, avec les eaux stagnantes et marécageuses qu’elle comporte, par rapport au talweg de l’Oubangui. Ainsi, en hautes eaux, c’est le fleuve qui l’alimenterait, et à l’étiage ses eaux sont drainées en sens inverse et renforcent son débit de base ; cette tendance serait confirmée par le niveau piézométrique du puits témoin 1 (Figures 106 a et b), à La Kouanga, qui a enregistré une baisse notable au mois de février où le déficit hydrique est évident.

Dans le second cas, trois bassins hydrogéologiques avec leurs sous-bassins sont délimités (Figure 34) dans les études de KYOWA Engineering Consultants et YACHIO Engineering (JICA, 1999 a) :

Toutefois, nous remarquons que ce découpage ne s’est pas étendu à la partie orientale de la ville, séparée par les Collines de Bangui, où se trouve la nappe du Couloir de Ndress avec le bassin-versant de la Nguitto, et celle du plateau du Kassaï-Ouango. La raison principale serait que les travaux de la JICA n’ont concerné que l’espace qui est présenté (Figures 34 et 109), alors qu’une partie de la ville se trouve de l’autre côté des collines, zone étudiée par CORNACCHIA et GIORGI (1985 a ; Figure 107 a). Néanmoins, nous estimons que l’alimentation de ces nappes à l’est et à l’ouest des Collines de Gbazabangui suivrait la même dynamique.