6.1. Relation entre les aquifères et l’Oubangui

Les échanges entre les nappes phréatiques (superficielle et profonde) et l’Oubangui nous semblent évidents et se situeraient à plusieurs niveaux. Avant de préciser ces niveaux de relation entre les nappes et la rivière, nous jugeons important de souligner que, pendant la saison pluvieuse, lorsque le niveau des nappes est gonflé par l’infiltration des eaux de précipitations et que l’Oubangui est à sa hauteur d’eau maximale (8 m, soit la cote 345), les échanges ne se feraient que dans un sens : des nappes vers le fleuve (c’est l’exfiltration), en raison des amplitudes respectives de ces organismes. Du fait que les nappes s’écoulent vers l’Oubangui, il serait difficile que les nappes drainent les eaux du fleuve en période pluvieuse. Toutefois, s’agissant de ces niveaux de relation, ils ne devraient être fonctionnels qu’en période de déficit hydrique, laquelle voit baisser le niveau des nappes et du cours d’eau pour que les processus marchent (Figures 115 a et b). Ces graphes nous montrent bien que c’est l’Oubangui qui draine la nappe phréatique superficielle de Bangui en saison sèche. Nous définissons donc quatre niveaux d’échanges : (i) le premier se fait dans le voisinage immédiat de l’Oubangui avec la zone qualifiée d’inféroflux, (ii) le second par le lit du fleuve qui est tapissé par le calcaire (silicifié) du Précambrien, (iii) le troisième se rapporte à l’alimentation des nappes par la Mpoko au travers des roches fracturées reconnues dans son lit, et (iv) enfin, à une autre échelle, toute la nappe phréatique superficielle s’écoule vers la Mpoko et l’Oubangui d’après le découpage des bassins hydrogéologiques (Figures 34).

Figure 115a) Rapport altitude relative de la nappe des puits à celle de l’Oubangui en 1984-1985
Figure 115a) Rapport altitude relative de la nappe des puits à celle de l’Oubangui en 1984-1985
Figure 115b) Rapport altitude relative de la nappe des puits à celle de l’Oubangui en 1987-1988
Figure 115b) Rapport altitude relative de la nappe des puits à celle de l’Oubangui en 1987-1988

Le premier niveau d’échange entre l’Oubangui et son voisinage immédiat appelé improprement « la zone d’inféroflux » (NGBOKOTO, 1988) est matérialisé par la courbe de descente du niveau piézométrique du puits témoin 1, qui est situé à La Kouanga non loin du lit fluvial (Figure 106 a et b ; 112 a et b). Le fait qu’en 1984-1985 et en 1987-1988 les fluctuations du niveau piézométrique aient été concomitantes de celles de la hauteur de l’Oubangui dans le temps, montre que le fleuve s’alimente à la nappe à cette période. Alors qu’à quelques centaines de mètres de là dans la plaine marécageuse de Sica-Saïdou, dont la cote d’altitude est comprise entre 350 et 340 m, le puits témoin 2 présente, dans la même période, un niveau de fluctuation de la nappe qui n’est pas en phase avec celui de l’Oubangui (Figures 106 et 112), même avec la présence des précipitations. NGBOKOTO (1988) émet deux hypothèses pour expliquer cette insensibilité à la variation du niveau de l’Oubangui dans le cas du puits 2 :

  • soit ce puits se situerait dans une zone plus basse (339 m ?), et cette tendance à la stabilité serait liée à la proximité des réserves permanentes ;
  • soit le puits devrait être doublement alimenté par le fleuve et par le ruissellement ou l’écoulement souterrain du fait de sa topographie. Ces alimentations conduiraient à un équilibre.

Par ailleurs, la zone qualifiée « d’inféroflux » est par définition une zone où l’eau s’infiltre dans des alluvions poreuses et continue à cheminer à l’abri de l’évaporation (TRICART, ?). Or cette zone longiligne qui suit l’incurvation du bras de l’Oubangui à ce niveau, qu’on qualifie d’inféroflux, est en réalité aujourd’hui la plaine d’inondation ou la basse terrasse du fleuve. Car la plus haute terrasse s’observe à 2-3 m de hauteur en aplomb de l’ex-Collège Préparatoire International (CPI) dont l’enceinte de l’établissement a baigné dans l’eau lors des inondations d’octobre et novembre 1999 (Planche X, Photo C). C’était probablement une partie du lit fluvial à l’Holocène qui a évolué en zone marécageuse. De nos jours, elle est perchée par rapport au chenal de l’Oubangui et possède une morphologie fossilisée (Fig. 32). Cette zone marécageuse, qui communique donc avec les autres dépressions du SO en amont du confluent Mpoko-Oubangui (Figure 94), ne paraît pas poreuse à cause des vases qui caractérisent le fond, et elle conserve de l’eau sous forme d’étang ou de lac. Ce type d’écoulement ci-dessus défini ne serait possible que quand la hauteur d’eau du fleuve baisse et qu’elle draine la nappe subaffleurante.

Dans le second cas, nous considérons que c’est l’Oubangui qui rechargerait la nappe phréatique par la présence des formations carbonatées sous-jacentes à la ville de Bangui et qu’on retrouve aussi dans son lit (Figures 24 : p. 63, et 27 : p. 72). Du fait que ces formations sont très fracturées et poreuses, l’Oubangui s’y infiltrerait. Les travaux de CORNACCHIA et GIORGI (1985 a) ont en effet estimé que la réalimentation de la nappe profonde se ferait vraisemblablement par le fleuve grâce aux (vastes) zones d’affleurements très fracturés que l’on observe dans l’Oubangui en saison sèche. Ces auteurs pensent que la coïncidence de la surface piézométrique de la nappe captive avec la cote altimétrique de l’Oubangui n’est certainement pas fortuite et tendrait à confirmer cette hypothèse.

Le troisième niveau concerne l’alimentation de la nappe profonde par la Mpoko au travers des roches fracturées reconnues dans son lit. Cette hypothèse a été émise par CORNACCHIA et GIORGI (1985 b) lors de la réalisation de trois forages sur le site de la Brasserie CASTEL-BEER à environ 2 km en amont de la confluence avec l’Oubangui. La présence d’un massif conglomératique et schisteux très fracturé dans lequel la nappe est captée, et l’intense fracturation relevée systématiquement dans les affleurements, avec des pendages mesurés dans la Mpoko voisine, qui sont orientés NO-SE et faiblement pentés vers le SO, permettent à ces auteurs de supposer la présence d’une nappe de réseau en relation probable avec la rivière.

Enfin, du fait de l’orientation supposée de l’écoulement souterrain, l’Oubangui et également la Mpoko draineraient la nappe superficielle dont le niveau piézométrique paraît trop bas pour alimenter les cours d’eau urbains asséchés chaque année. Pendant la saison sèche, nous constatons que les talwegs sont perchés par rapport au niveau piézométrique et les lits sont à sec ou presque, alors qu’il y a 20, 30 ans voire plus, ces cours d’eau s’écoulaient toute l’année, semble-t-il. Cette situation nous enseigne que le niveau piézométrique a vraisemblablement baissé à cause de la forte occupation du sol, exposant la nappe superficielle à une moindre alimentation du fait du plus fort ruissellement en direction de l’Oubangui et de la Mpoko. Ce point nuance les constats précédents.

Ainsi donc, nous comprenons que les différents niveaux d’échange qui existent entre l’Oubangui et les nappes phréatiques ne paraissent pas si simples à cerner. Malheureusement le nombre limité d’études réalisées à propos du fonctionnement des nappes à Bangui ne rend pas possible une approche quantifiée précise des volumes d’eau qui sont momentanément transférés à l’interface des deux unités ou variables hydrologiques ; les eaux météoriques constituent l’enjeu majeur de leur réalimentation. Cependant, ces échanges semblent positifs pour les débits observés qui demeurent faibles et ils expliquent de ce fait la forte variabilité saisonnière de la nappe superficielle, caractérisée par le tarissement des puits à Bangui sur une courte période.