Le site de la ville de Bangui a une vulnérabilité d’origine physique dans le secteur de la plaine (faiblesse de la pente, hydromorphie des zones marécageuses, mauvais drainage) qui explique les problèmes de l’eau rencontrés depuis toujours. L’établissement humain mis en place, depuis plus d’un siècle, n’a pu résoudre cette question de l’eau faute de rationalisation de l’usage du sol ; il évolue en se compliquant avec une démographie galopante et une croissance spatiale rapide et anarchique, se traduisant par la prolifération des zones d’habitat ou la colonisation des zones insalubres, en raison de la pression foncière. Nous notons en outre que les efforts d’approvisionnement en eau et de drainage des eaux pluviales sont actuellement insuffisants face aux exigences d’une vie moderne et saine, et surtout d’un ruissellement généralisé sur le sol nu urbain.
La maîtrise de l’eau (AEP et structures d’assainissement) couvre à peine 10 % des besoins de la ville, surtout lorsque ne sont prises en compte que les conséquences des abats pluviométriques exceptionnels sur son organisation. Ceci montre des faiblesses qu’il faut surmonter pour rationaliser la gestion des eaux. Certes, des efforts ont été consentis depuis le début des années 1980 par le Gouvernement centrafricain pour améliorer le Secteur de l’Eau, mais ceux-ci sont limités par un manque de suivi, d’observation des programmes décennaux, de financement, de planification et de réglementation de l’usage du sol. Le caractère disparate des efforts d’urbanisation nous permet d’estimer à environ 20 % seulement la proportion des citadins qui a accès à l’eau de robinet ; il en est de même du drainage des eaux pluviales qui est en souffrance aussi bien dans les quartiers lotis que dans les quartiers populaires (Fig. 10 : p. 35). Cela dit, nous pensons qu’une bonne gestion des eaux passe par les termes des plans d’aménagement visant à prévenir les risques liés à l’eau (pollution, inondation), en développant un habitat moderne pour organiser l’évacuation des eaux (pluviales, usées…). Car la qualité de l’habitat nous permet de cerner son influence sur la gestion des eaux. En effet, le type d’habitat ou le mode d’occupation du sol sert à rendre compte de la qualité des infrastructures en matière d’eau et d’assainissement. Dans cette optique, nous présentons l’habitat comme un complexe qui implique l’adduction d’eau potable, des réseaux d’évacuation (eaux usées, vannes 49 , caniveaux, fossés), la voirie, les maisons modernes…, autour duquel des stratégies peuvent être ébauchées. Ainsi, l’analyse isolée des éléments de base tels que l’AEP, le drainage des eaux, les zones soumises au risque d’inondation qui rentrent dans les structures urbaines de la ville de Bangui, nous fournira les moyens d’examiner la qualité de l’occupation du sol et de sa réglementation qui posent problème dans cette gestion des eaux à Bangui. Car nous supposons que lorsque le cadre d’urbanisation s’adapte à l’évolution démographique et spatiale, la gestion des eaux ne souffre pas de déficiences structurelles et en matière de ressources ; tel n’est pas le cas de la ville de Bangui, qui croît démesurément et sans planification. Ce manque de maîtrise de l’espace est en effet aggravé par un important ruissellement pluvial, qui ne s’évacue que difficilement. La circulation des eaux pluviales se fait mal ; l’usage des latrines traditionnelles n’est pas convenable pour la population de ces quartiers qui consomme essentiellement de l’eau des puits, contaminée par infiltration et exfiltration des eaux usées. Les réseaux hydrauliques anthropiques (fossés, caniveaux, buses, etc.), qui devraient servir de moyens de drainage, longeant logiquement la voirie, sont inexistants, et les eaux pluviales sont orientées, canalisées par les cheminements piétonniers, talwegs naturels ou linéaires construits par certains riverains pour faire face à l’écoulement.
Néanmoins, l’exposé et la critique des plans d’urbanisme successifs de Bangui (I §2 : p. 24) nous forcent à admettre que les grands axes de la gestion saine des eaux, qui aurait dû être la réglementation de l’usage du sol, la prévention et la prévision des opérations d’aménagement, vu l’acuité de la vulnérabilité physique du site à la question de l’eau, n’ont pas été abordés de manière efficace. Les administrateurs reconnaissent la pertinence de la question de l’eau, mais l’habitat n’a toujours pas été développé de manière à résoudre cette situation. Pour preuve, lorsque le centre-ville était en construction, les quartiers indigènes ont été « déguerpis » dans un rayon de 5 km (voir p. 38), et entre les deux ensembles subsistait une zone non-bâtie marécageuse (voir Fig. 13 et 14). Les autochtones se sont donc installés là où n’existait pas une planification des opérations d’aménagement, mis à part les grandes voies le long desquelles ils s’établissaient pour permettre à l’administration de les contrôler. Pour cela nous supposons que dès cette époque (à partir de 1936), les processus de pollution de la nappe superficielle de Bangui ont commencé, de même que le drainage difficile des eaux pluviales à l’origine des inondations. Si l’habitat moderne avait suivi, le problème ne se poserait peut-être pas de la même manière aujourd’hui. Malheureusement, les nouveaux administrateurs (ou pouvoirs publics) de Bangui après l’indépendance n’ont pas apporté grand chose ; nous le voyons par la prolifération des quartiers populaires ou non-lotis par rapport aux quartiers modernes ou lotis (Fig. 10 : p. 35), par une insuffisance des réseaux de la voirie et d’évacuation des eaux (Fig. 36 : p. 97), etc. Ces paramètres exposent donc les quartiers installés dans les anciens marécages aux excès d’eau épisodiques.
VENNETIER (1988) entend par eaux usées, les eaux ménagères (lessive, toilettes, cuisine), les eaux vannes (matières fécales et urine) ; les eaux industrielles (rejet) sont considérées à part.