L’évolution actuelle de ces zones humides est caractérisée par un relatif « assèchement » par manque de permanence d’eau même en saison pluvieuse. Les formes d’aménagement (remblais, drainage,…) peuvent en être une explication, davantage que la baisse de la pluviométrie, faisant perdre le caractère humide à ces milieux. Ainsi, dans la plupart des zones marécageuses aménagées, les marais n’ont existé que pour ceux qui en étaient « contemporains », voire qui les ont vus et vécus entre 1960 et 1995, même antérieurement à cette période. Ceux qui sont venus ou nés après ne peuvent les connaître autrement que par les archives, or nous écrivons très peu et les archives sont trop mal tenues pour servir aux générations à venir. Déjà, pour essayer de reconstituer les paysages marécageux, cela n’a pas été facile ; nous avons pu formaliser ce travail grâce aux photographies aériennes et à quelques éléments de littérature couplés avec des sources orales, provenant de ceux qui ont connu et vécu les effets néfastes des zones marécageuses et leur évolution spatiale et temporelle.
Dans une telle dynamique, l’emprise de l’homme est rarement définitive, à cause des formes d’aménagement souvent sommaires et menées par des particuliers n’ayant pas les moyens adéquats ; voilà pourquoi elle ne peut momentanément empêcher la polarisation des eaux de ruissellement. Ainsi, le Marché de Miskine 51 , qui a été construit partiellement en dur vers la fin des années 1950 sur un ancien marécage servant de lit d’inondation à la rivière Ngoubagara, n’a cessé d’enregistrer les invasions des eaux pluviales ruisselantes d’intensités relativement fortes des années 1970, 1980 et du début des années 1990 ; et surtout, les principaux bâtiments servant de boucherie, d’entrepôts, de magasins… se sont progressivement enfouis ou affaissés dans le temps sous l’effet probable des processus hydriques. En effet, lorsque des bâtiments sont construits sur des terrains hydromorphes, sans que le socle soit stable, ils tendent à s’affaisser sous le poids, ou enregistrent des fentes sur les parois murales. Ces processus qui ont affecté les locaux du Marché de Miskine ont nécessité une reconstruction du marché avec récemment un nouveau dragage du site. Ces exemples nous montrent que lorsque les aménagements ne sont pas efficaces ou sont vieux, les mécanismes liés à l’eau peuvent fonctionner à nouveau.
L’intérêt pour nous de comprendre la gestion urbaine des excès d’eau est de fournir des éléments d’information permettant d’esquisser des solutions à la question de la gestion de l’eau à Bangui. Il résulte de nos analyses que la gestion des inondations paraît encore « traditionnelle », sinon « artisanale », car les pluies qui génèrent ces phénomènes le long des collecteurs urbains sont rarement de très forte intensité ; exception faite des événements enregistrés dans l’Oubangui, dont l’importance dépend des précipitations sur toute l’étendue de son bassin-versant. Toutefois, les crues et les inondations constituent une partie des manifestations du cycle (urbain) de l’eau, et s’imposent comme des éléments majeurs dans la gestion intégrée des eaux, des territoires et de leurs aménagements. Ainsi, nous pensons qu’une gestion efficace des eaux devrait aussi concerner des événements extrêmes comme les crues et les étiages, car c’est leur alternance qui détermine en principe la pénurie ou l’existence de l’eau potable en milieu urbain ou rural.
Du nom d’une station hydrométrique sur la Ngoubagara dans le chapitre IV ; voir aussi Figure 53.