3.1. Gestion de l’eau potable et pénurie

La déficience de la couverture en eau potable à Bangui (Figures 10 et 117) révèle l’incapacité du réseau qui ne s’étend qu’aux secteurs lotis de la ville, alors que ceux qui ne sont pas lotis ont pour eau de boisson, l’eau polluée des puits traditionnels. Le manque de planification urbaine de la ville est la principale cause. Plusieurs possibilités s’offrent en effet aux Banguissois pour s’alimenter en eau : puits traditionnels, cours d’eau, sources, eau courante, et forages. L’analyse des données recueillies en 1988 (recensement de la population) montre que près de 80 % de la population de Bangui s’approvisionne en eau non contrôlée (puits exploitant la nappe phréatique superficielle, sources et rivières) (Figure 102 : p. 280). Nous pouvons expliquer cette dynamique par l’étalement des quartiers populaires sur plus des deux tiers de la ville ; nous observons ce phénomène en comparant les quartiers lotis et les quartiers spontanés (Figure 10 : p. 35). Nous y relevons la gravité de la question de l’alimentation en eau des puits du fait que les latrines ne sont que des fosses recouvertes, qui servent de lieux d’aisance. Or la conception de ce type de lieux d’aisance ignore l’importance de la « protection » qui garantirait l’étanchéité entre les excréta humains et la nappe phréatique superficielle, seul moyen de préserver la qualité de cette eau destinée à la consommation. Quelquefois, les latrines se confondent avec la nappe phréatique superficielle, notamment dans les bas-fonds marécageux où elle est proche de la surface (moins de 1 m) en saison pluvieuse, entraînant une dilution rapide des déchets et leur propagation.

Figures 117 Localisation des installations existantes du système d’adduction en eau (JICA, 1997, modifiée)
Figures 117 Localisation des installations existantes du système d’adduction en eau (JICA, 1997, modifiée)

Aussi, les habitations construites en « rez-de-chaussée » poussent chaque ménage ou du moins chaque habitation à disposer de ses latrines et de son puits dans des parcelles qui ne sont pas géométriques et dont les dimensions ne dépassent pas 300 m2, voire 400 m2. Cette pratique est source de pollution des puits, en dehors des périmètres de protection exigés, dont la proximité est fatale ; en conséquence, le taux de pollution en germes d’origine fécale est souvent très élevé (Tableau XXXII ; Figures 104 et 105) et les maladies parasitaires transmissibles par l’eau représentent 49,20 % des cas de morbidité recensés. Par ailleurs, VENNETIER (1988) a remarqué que la défaillance de la distribution de l’eau en milieu urbain en Afrique noire est à relier avec la considérable extension en surface des quartiers, induisant l’alternance spatiale quartiers lotis-quartiers spontanés. Par exemple l’habitat spontané s’est installé dans les bas-fonds inondables à proximité de l’Aéroport Bangui-Mpoko (Figure 10). Nous Le périmètre urbanisé comporte aussi de nombreux espaces non-bâtis, au cœur même des quartiers ou entre eux, et de grandes parcelles appartenant à l’Etat. Cette lacune bloque la distribution de l’eau sous pression, dans une telle agglomération, et impose la mise en place d’un réseau de canalisations proportionnellement bien plus étendu que dans les pays développés où dominent les immeubles et de fortes densités humaines, alors que les pouvoirs publics ont de faibles ressources. Cet aspect met en relief l’approvisionnement en eau des quartiers de la ville de Bangui, avec des secteurs lotis du centre-ville dont la continuité est rompue par les quartiers populaires ; ceci concourt à instituer une pénurie artificielle d’eau pour les habitants de cette frange de la ville.

Ainsi, l’habitat peut influencer les conditions d’alimentation en eau lorsque l’occupation du sol n’est pas réglementée, comme dans ces quartiers sans infrastructure de Bangui. Un palliatif a été néanmoins trouvé pour fournir de l’eau potable aux habitants de ces quartiers, celui des bornes-fontaines ou des fontaines publiques ; c’est en effet de l’eau de robinet qui est distribuée, dont le nombre avoisine 150 pour toute la ville de Bangui (Figure 117).