3.1.5. Du souci de l’évacuation des eaux usées et de la protection de l’eau potable

L’urbanisation a atteint son apogée en 1960 dans les pays industrialisés et a modifié durablement les comportements hydrologiques des bassins-versants naturels, urbains et ruraux ; elle est à l’origine des techniques d’évacuation des eaux usées et de la protection de l’eau potable. Cette nouvelle situation, qui a des conséquences hydrologiques, entraîne des relations complexes entre le cycle de l’eau et l’urbanisation (DESBORDES et al., 1990). Ainsi, en matière d’aménagement de l’espace, la technique de l’assainissement, simple technique d’infrastructure relevant du génie civil, qui est née du premier mouvement d’urbanisation à la fin du XIXe siècle, s’est fondée sur des considérations d’hygiène. Le souci premier à l’époque était d’évacuer les eaux souillées, le plus rapidement et le plus loin possible, pour éviter tout contact avec la population ; ceci se faisait sans distinction aucune de l’origine des eaux usées, d’où le concept de réseau unitaire ; quand il pleut les eaux usées se mélangent avec les eaux pluviales ! A la fin des années 1960, l’accroissement des nuisances (cortège d’inondations fréquentes des points bas des villes, pollutions manifestes des milieux récepteurs…) entraîna un courant de recherches dans l’optique de ralentir le ruissellement urbain lié à l’imperméabilisation des sols, d’où le concept « hydraulique » de l’assainissement, mettant en jeu des dispositifs de stockage et d’infiltration. Ces analyses de l’évolution du concept d’assainissement dans les pays industrialisés devraient servir de guide à une véritable politique d’assainissement de Bangui.

Dans le contexte de notre étude, qui connaît la même dynamique d’urbanisation caractérisée par une extension spatiale incontrôlée, due à une croissance rapide de la population, l’évacuation des eaux usées ne devrait pas se faire seulement selon le modèle hygiéniste, les eaux mélangées devant partir loin (vers l’Oubangui, le réceptacle) au bénéfice des citadins ; la dimension traitement des eaux avant rejet devrait être considérée. Malheureusement, depuis les premiers aménagements visant à donner à la ville de Bangui des structures d’assainissement, seule la réalisation des fossés de drainage est notable. Les habitations modernes qui devraient s’y raccorder, ne le sont pas réellement. Celles-ci avaient pourtant des fosses septiques qui étaient vidées lorsqu’elles étaient pleines et déversées dans une ancienne carrière d’extraction de la latérite transformée en déchetterie au NO de l’Aéroport Bangui-Mpoko, par un Service de la Mairie ; même si ce service n’étant pas régulier dans le temps. Nous estimons néanmoins que l’usage des fosses septiques et les vidanges pouvaient protéger plus ou moins les eaux de la nappe superficielle de la pollution fécale. A Bangui, rares sont les particuliers qui ont des maisons comportant une canalisation souterraine évacuant les eaux usées domestiques (vaisselle, lessive…), même lorsque l’habitat est moderne. Cela, nous le remarquons d’ailleurs à l’échelle de la ville où des eaux domestiques sont déversées partout sur les voies, dans des canalisations… servant de gîte aux anophèles dont le développement dans ces eaux stagnantes et polluées donne le paludisme et d’autres maladies liées à l’eau ; de même, pour la construction de certains lieux d’aisance dans les quartiers populaires, les eaux issues des douches sont stockées dans des fosses à ciel ouvert, rendant malsain le cadre de vie. Ces analyses montrent bien que nous sommes loin d’observer le modèle hygiéniste à Bangui.

De plus, en saison pluvieuse, la pollution serait intense parce que les eaux pluviales, qui ruissellent partout, peuvent entraîner et diffuser ces polluants dans l’espace ; ils sont repris par les cours d’eau ou fossés collecteurs jusqu’à l’exutoire de leur bassin. Toutefois, dans la perspective du recul de la limite urbaine aux confins de la Mpoko à l’Ouest, au pont du pk 9 SO et au pk 30 sur les deux sorties Nord, selon le projet d’extension de la limite urbaine (Figure 1), beaucoup d’espace reste à aménager. Déjà, la colonisation anarchique du sol de ces dernières années a commencé à gagner tout l’Ouest de la ville non-bâti jusqu’aux confins de la Mpoko ; seuls les projets d’adduction en eau potable (partant de la nappe souterraine profonde) de la Coopération japonaise (JICA), de logements sociaux (Coopération chinoise) et de la construction des axes routiers sont en cours ; l’habitat moderne qui doit être au centre de ce mouvement ne semble pas s’y impliquer, selon ce que nous avons constaté. Il est bien que le réseau d’adduction en eau puisse se développer pour couvrir toute la ville, et même se dirige vers les villages et hameaux de la région de Bangui, mais il faudrait que cette fois l’assainissement, avec une séparation des eaux usées, puisse fonctionner pour préserver la qualité d’une partie de ressources en eau superficielles et souterraines au profit des générations à venir. Ce sera de cette manière que nous pourrions parler de la sécurité pour l’eau potable.